JUSTICE. Ce 26 octobre 2020, trois mois de prison avec sursis et 10.000 € d'amende ont été requis à l'encontre des dirigeants d'une entreprise de fabrication de matériaux en béton, qui avaient fait travailler 9 de leurs salariés dans des lieux amiantés durant les années 2000. Une autre amende a également été requise contre la société elle-même.
Ce 26 octobre 2020, trois mois de prison avec sursis et une amende de 10.000 € ont été requis à l'encontre des dirigeants de l'entreprise Basaltine, spécialisée dans la fabrication de matériaux en béton, qui avaient fait travailler 9 de leurs salariés dans des locaux amiantés au cours des années 2000. Une autre amende d'un montant de 40.000 € a été requise contre l'entreprise elle-même. Les deux patrons, Philippe Mialanes et Yves Brugeaud, en poste au moment des faits, font l'objet d'une poursuite après l'ouverture d'une enquête pour mise en danger de la vie d'autrui et mise à disposition de locaux sans respect de l'hygiène et de la salubrité par le pôle santé publique de la juridiction phocéenne. Ils avaient racheté la société Basaltine en 2002, conscients malgré tout de la présence d'amiante sur le site ardéchois d'Aubignas, où des panneaux isolants floqués à l'amiante étaient en train de se détériorer dans un atelier, libérant ainsi des poussières dangereuses.
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Les maladies liées à l'amiante, une "bombe à retardement"
"Pourquoi avoir attendu janvier 2005, alors que la problématique de l'amiante était connue dès mars 2002, pour fermer le site ?", s'est interrogée la procureure de la République Marion Chabot. "Il y avait une politique en interne constante et assumée : l'amiante n'était pas prioritaire." "On a l'impression que les salariés n'étaient pas au courant. Le flocage tombait au sol, ils le ramassaient à la main", a de son côté souligné Pierre Jeanjean, le président du tribunal de Marseille. Pourtant, les dirigeants avaient été alertés de la nécessité de protéger leurs équipes dès leur prise de fonction. "Ce sont a minima 13 courriers, mises en demeure et interventions" qui ont été adressés par les autorités, a relevé l'avocate Chloé Dupin, chargée de la défense d'un salarié et de deux associations de victimes de l'amiante, à savoir l'Andeva et le Caper Ardèche.
"L'aspect amiante a été annoté. On ne l'a pas mesuré, identifié, traité à sa juste dimension", a reconnu pour sa part Yves Burgeaud, ajoutant que le site d'Aubignas était extrêmement dégradé et présentait d'autres problèmes de sécurité "plus immédiats". Au même moment, la société propriétaire de Basaltine rencontrait aussi des difficultés financières. Les deux dirigeants avaient décidé, en 2004, de transférer 8 salariés dans un autre bâtiment, tout en protégeant le neuvième avec un masque et une combinaison adéquats. Mais "pourquoi avoir attendu plus d'un an ?", a demandé le président. D'autant que les maladies liées à l'amiante se déclenchent des dizaines d'années après l'exposition, Maître Dupin parlant même de "bombe à retardement". Selon les enquêteurs du tribunal, une quinzaine d'anciens ouvriers de Basaltine sont tombés malades, présentant des plaques pleurales ou des cancers de la gorge, et certains sont décédés des suites de leur exposition à l'amiante avant les années 1990, mais ces faits sont trop anciens pour entraîner une quelconque condamnation.
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"On sort peu à peu de l'omerta"
"C'est un début. On sort peu à peu de l'omerta" sur les "responsabilités" dans les affaires d'exposition à l'amiante, s'est félicitée Maître Dupin. "Ce dossier est l'incarnation même du scandale de l'amiante. Des milliers de morts mais aucun responsable", ajoutant que "la majorité des dossiers ont débouché sur des non-lieux, justifiés par le juge d'instruction. Trop vieux, trop loin, difficile de savoir qui a placé la bombe." Le jugement de la présente affaire sera dans tous les cas rendu le 16 novembre prochain.