Urbanisme : une exposition fait la part belle aux solutions alternatives en banlieues

 

Les territoires choisis dans cette exposition pourraient presque être jumeaux, tant ils connaissent des évolutions similaires. "June A. Grant et moi sommes parties de l'idée que la culture ne se passe plus à San Francisco mais à Oakland et que cette dynamique se retrouve également à Saint-Denis", explique Laure Gayet, lors d'une visite de l'exposition à laquelle Batiactu a assisté. "Nous avons cherché à montrer l'histoire de ces quartiers et leurs innovations. Les deux sont confrontés à un changement urbain brutal, d'un côté la Silicon Valley aux États-Unis et de l'autre l'arrivée des Jeux olympiques de Paris-2024."

 

Une volonté de démythifier ces territoires

 

Au XXe siècle, les deux villes sont marquées par une forte industrialisation et par des luttes sociales. "Il a fallu loger à Saint-Denis l'afflux migratoire dans des logements de fortune, une histoire assez dure partagée avec Oakland. Outre-Atlantique, la population noire était empêchée de vivre dans d'autres quartiers que l'ouest de la ville. C'est là-bas que naît le mouvement Black Panther", narre la co-commissaire. Dans les années 1980, la culture du hip-hop se développe au sein des deux territoires et modifie le rapport à l'espace public, qui redevient un espace d'expression.

 

Urbanisme culturel, inégalités, justice climatique, communautés… Autant de thématiques abordées au cours de l'exposition. Les commissaires veulent démythifier ces territoires, frappés d'une image négative. Parmi les programmes destinés à transformer ces zones, le projet d'aménagement Fruitvale Village, au sud d'Oakland, prend en compte les particularités culturelles de la population pour dessiner un nouveau visage du quartier. Sur quatre hectares, la société locale de développement communautaire à but non lucratif Unity Council axe sa stratégie sur le transport en commun et donne une visibilité aux communautés amérindiennes, hispaniques et latino-américaines. Des logements sociaux, des commerces et un centre d'insertion réservé aux jeunes issus de familles à faibles revenus ont notamment été créés. En France, la Maison Jaune, installée au sein de l'îlot 8 conçu par Renée Gailhoustet, participe au projet de renouvellement urbain de la ville, en promouvant les usages des espaces publics et l'apaisement des relations de voisinage.

 

 

Réinventer des quartiers

 

Cette idée de collectif se décline dans trois lieux de Saint-Denis, qui obtiennent le label "quartier créatif" attribué par le ministère de la Culture. Le 6b, la Briche et le Chapiteau Raj'ganawak accueillent à eux trois 400 personnes au sein de 300 structures issues de la culture, de l'artisanat ou de la création. "Chacun de ces lieux a permis d'aménager l'espace, et a servi notamment à l'utilisation d'une friche. Un collectif de jardiniers est en charge de prendre soin des espaces et de les réaménager."

 

À Oakland, un parc a été transformé pour être plus sécurisé et laisser place à de nouveaux usages. La communauté a par exemple construit un terrain de patin à roulettes, tradition africaine-américaine.

 

 

 

Une inégalité face au changement climatique

 

Selon les scientifiques, les populations les plus modestes sont plus vulnérables aux impacts du réchauffement climatique. C'est ce qu'ont voulu rappeler les commissaires en mettant en exergue des initiatives sur la justice climatique. Pour contrer les inondations régulières qui subviennent à Oakland, une initiative citoyenne, en collaboration avec des ingénieurs gouvernementaux, a permis le réaménagement de la crique de San Leandro et la rénovation du sentier adjacent, ce afin de protéger les maisons alentours. Sur l'Ile-Saint-Denis, l'association Halage a imaginé le projet écologique Lil'Ô, installé sur plus de trois hectares de terres polluées, au cœur d'une zone Natura 2000. Longtemps utilisée pour stocker les remblais, cette ancienne friche sert d'espace pour la biodiversité, dans le cadre d'un projet d'extension du parc départemental. "Ce projet régénère les sols, végétalise le site grâce au compost et crée des emplois", ajoute la co-commissaire.

 

Outre l'inégalité climatique, c'est aussi les questions de genre et de la jeunesse qui sont illustrées au sein du Pavillon de l'Arsenal. "Nous avons présenté des portraits de femmes qui parlent de leur rapport à l'espace public", décrit Laure Gayet. "Aux États-Unis, une initiative a permis à des jeunes de transformer la cour de leur école, qui a été débitumée pour laisser place à la plantation d'une soixantaine d'arbres et à l'installation d'équipements ludiques." L'exposition "In the Banlieues" est présentée simultanément à Saint-Denis, Paris, Oakland et San Francisco. De nombreux événements et conférences sont organisés en parallèle.