CULTURE. La Région Ile-de-France et ses partenaires ont donné carte blanche à des architectes et paysagistes pour imaginer des expositions qui soient sources de solutions pour un monde plus durable. À travers plusieurs sites de la ville de Versailles, le public découvre des projets innovants.
Quelle est la place de la terre et de ses usages dans l'architecture et le paysage ? C'est à cette question que la Biennale d'architecture et de paysage de Versailles tente de répondre dans ses neuf expositions. Jusqu'au 13 juillet, la manifestation tient sa seconde édition sur le thème "Terres et villes". Préservation de la biodiversité, conception d'ouvrages à partir de matériaux biosourcés, recyclage, ville verte… Ces éléments sont désormais pris en compte dans l'architecture et le paysagisme contemporains. Face à l'urgence climatique et la raréfaction des ressources terrestres, la biennale a souhaité mettre en lumière les bonnes pratiques de professionnels, en Île-de-France et dans le monde, pour concevoir des territoires plus résilients.
Le succès de la première édition en 2019 avait rassemblé 200.000 visiteurs. Cette année, la Région entend en accueillir 50.000 de plus. Alors que l'Île-de-France est en "convalescence touristique depuis la crise du Covid-19, l'enjeu est d'attirer des visiteurs français et internationaux", déclare Valérie Pécresse, présidente (LR) de la région Île-de-France, lors d'une visite de presse le 12 mai 2022. "C'est pourquoi nous avons renforcé le côté international dans cette édition. Gratuite, c'est la biennale de tous car nous considérons que l'architecture est un bien commun."
Des matériaux de construction plus naturels...
"Alors que nous remarquons un intérêt pour la terre comme matériau de construction, la biennale pense la ville avec le vivant", confirme François de Mazières, maire de Versailles et commissaire général de la biennale. L'exposition "Élément terre" "révèle les liens qui unissent le socle géographique francilien, l'usage des sols et l'utilisation des terres pour mieux comprendre comment nous nous ancrons sur ce territoire", explique Cécile Diguet, commissaire de l'exposition et directrice du département urbanisme, aménagement et territoire de l'Institut Paris Région. À travers une maquette XXL du bassin de la Seine, des photographies de l'Île-de-France et de Normandie ainsi que des cartes, l'exposition propose de se replonger dans les matériaux géologiques et les qualités des sols pour s'interroger sur la croissance urbaine et la protection des espaces naturels.
Dans "Visible, invisible", les commissaires Guillaume Ramillien et Nicolas Dorval-Bory, architectes et enseignants à l'École nationale supérieure d'architecture de Versailles, montrent de nouvelles formes architecturales à travers des matériaux et énergies disponibles localement. Des matières telles que le bois, la paille ou le chanvre sont exposées. Au total, une soixantaine d'œuvres et d'ateliers ont été imaginés, et une quarantaine d'architectes du monde entier témoignent de leur façon de répondre à l'urgence climatique.
Une biennale à la vision internationale
Dans la cour de la petite écurie, au siège de l'École nationale supérieure d'architecture de Versailles, la manifestation s'ouvre à l'international avec "Terre ! Land in sight !". Cette exposition accueille trois grands pavillons ludiques de concepteurs étrangers, qui montrent un engagement à la fois écologique et politique. Originaires de Thaïlande, de Jordanie et du Mexique, ils sont lauréats du Global award for sustainable architecture, un prix qui récompense les constructions durables. Leur pavillon illustre les différentes façons de réinventer notre habitat face au dérèglement climatique et à l'épuisement des ressources.
De son côté, l'agence d'architecture ChartierDalix a imaginé, dans le cadre de la biennale et pour la Métropole du Grand Paris, le pavillon "Végétal et architecture". Ce mur "vivant" autoportant, fait de pierres de récupération de terres excavées et de végétaux indigènes, se reconnecte à la biodiversité grâce à son sol vertical habité par la faune et la flore. Au-dessus, "une structure minimale posée en quatre points permet à la couverture, très légère et conçue avec de grandes tôles, de flotter", indique Frédéric Chartier, co-commissaire et architecte. "Ce pavillon est une fusion entre le végétal et l'architecture", conclut Pascale Dalix, également co-commissaire et architecte. À côté de cet ensemble, le public retrouve "Voyage au centre de la terre" et ses 36 œuvres naturelles en marbre coloré. L'exposition a été pensée par Philippe Ledrans, commissaire, marbrier et dirigeant d'une PME de Versailles.
Une réflexion sur les friches
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Le recyclage de matière passe également par la réutilisation de friches. Celles-ci "sont un enjeu majeur, il faut les sauver et les utiliser", appelle le maire de Versailles. Dans l'exposition "Territoires en transformation", les visiteurs découvrent la réalité de friches en reconversion. Trois grands projets situés sur des sites miniers sont présentés. "Les friches sont un atout dans la mutation profonde des villes", considère Michel Desvigne, commissaire et paysagiste. L'exposition elle-même se tient dans un hangar, sur un site en friche, qui deviendra bientôt un nouveau quartier de la ville. "C'est une période très positive où nous recomposons nos territoires. Ces friches industrielles et commerciales offrent des capacités de construction extraordinaires." Les pratiques de gestion de l'eau sont étudiées, tout comme la culture d'organisation des constructions et l'aménagement de parcs.
"Le paysage est souvent abordé du seul point de vue de sa protection. Le transformer est considéré, à priori, comme suspect. L'observation des territoires, des interférences entre phénomènes naturels et artificiels permet justement d'envisager de nouvelles transformations", estime le paysagiste. Ce dernier présente notamment le projet de lisière du campus Paris-Saclay, qui comportera des corridors écologiques et des parcelles expérimentales, agricoles et de zones humides. Plus loin, au cœur du Potager du Roi, l'exposition-jardin "La préséance du vivant" instaure une réflexion sur nos rapports à la nature et la protection des écosystèmes en dévoilant des projets de paysage en accord avec les questions écologiques. Le site accueille également un jardin collaboratif, "Le potager des autres", où les visiteurs peuvent planter leurs propres graines.
Illustrer la métropole de demain
Les enjeux urbains sont également représentés dans la biennale. "Le pavillon du Grand Paris Express", de l'architecte et urbaniste Dominique Perrault, invite le public, comme son nom l'indique, à découvrir cet énorme chantier. Mutation urbaine, métropole désirable, fluidification des mobilités… Plusieurs thématiques sont abordées au sein de l'espace Richaud. Un film est également diffusé à 360 degrés pour présenter les étapes de ce projet, avec des images des chantiers, de gares et de ses tunnels. Enfin, "district 2024, au-delà du village des athlètes", du même commissaire, plonge le public dans l'élaboration du grand projet de ce quartier, localisé à quelques pas des Jeux olympiques et paralympiques de Paris. Sur 500 m², l'exposition donne un aperçu de la réflexion urbaine de long terme menée pour la construction de ce nouveau quartier. Ses origines, sa géographie et son territoire, ainsi que les sites qu'il utilise, sont décortiqués. Et si les visiteurs cherchent encore à s'informer, trois expositions "hors les murs" sur la vallée de la Seine sont tenues à Nanterre, Mantes-la-Jolie et la Roche-Guyon (en Île-de-France). À cela s'ajoutent des dizaines de débats et conférences sur le rapport de la Terre et des villes.