CULTURE. L'approche fondamentalement écologique des commissaires de cette exposition pousse le public à s'interroger sur la gestion humaine des sols. Les visiteurs sont même invités à participer à l'élaboration d'un jardin éphémère commun, défini dans une zone du potager du Roi, à Versailles.
"Faisons avec, et non contre le vivant", clame une affiche de l'exposition-jardin "La préséance du vivant". Organisée jusqu'au 13 juillet 2022 au potager du Roi, sur le site historique de l'École nationale supérieure de paysage à Versailles, l'exposition fait partie de la deuxième édition de la Biennale d'architecture et de paysage, portée par la Région Ile-de-France. Celle-ci est une invitation au voyage et à une réflexion sur la production contemporaine du paysage en centrant les écosystèmes au sein des projets. La richesse du rapport au vivant est contée dans cette exposition imaginée par le paysagiste et jardinier Gilles Clément et les fondateurs de l'agence Coloco (un atelier de paysages contemporains), Nicolas Bonnenfant, Pablo et Miguel Georgieff. Ces derniers ont structuré l'exposition en plusieurs salles pour que le public réfléchisse à l'utilisation et la gestion des ressources et des paysages. En toile de fond, l'urgence climatique résonne dans les présentations et recherches exposées. Le fonctionnement des écosystèmes est décortiqué et le rapport au sol est amené à être reconsidéré pour concevoir de nouvelles façons de composer avec le vivant.
D'autres façons de faire le paysage
Face à des villes en expansion, les terres arables s'amenuisent et l'importation devient alors nécessaire. Les pratiques d'aménagement sont questionnées, alors que la crise du dérèglement climatique modifie déjà les territoires. De ce fait, le principe de "préséance du vivant" incite à trouver d'autres manières de tenir compte du paysage. "Il faut accepter que le vivant prenne le pas sur un aménagement intrusif, qui a été mis en œuvre ces derniers siècles. C'est une question de viabilité des paysages", affirme Pablo Georgieff, co-commissaire de l'exposition lors d'une visite à laquelle Batiactu a assisté.
Un panel de connaissances scientifiques sur le fonctionnement des écosystèmes se décline dans la première partie de l'exposition. La deuxième propose de "changer de cap" et se penche sur l'usage des sols. Un grand mur accueille la série de photographies "Dépavons !", sur le désasphaltage et questionne l'intérêt de recouvrir les sols de bitume. À l'étage, des slogans sont affichés en format XXL pour percuter et inciter le public à se sentir concerné. Les commissaires proposent dans la quatrième partie de l'exposition de penser les projets d'aménagement autrement en permettant, par exemple, de cultiver un jardin en communauté et de penser les projets sur le long terme. De grands livres disposés çà et là présentent une vingtaine de démarches singulières, à toutes les échelles, qu'elles soient naissantes ou déjà développées. À la fois alternatives et à la pointe de ce qui peut se faire aujourd'hui, ces projets donnent une place centrale à l'écologie. On retrouve notamment le verdissement de la place de la Nation, à Paris, mais aussi le projet Cerros isla, à Santiago (Chili) qui propose de multiplier les espaces verts dans la capitale en créant des parcs naturels. "Ces projets montrent la vie qui se réinstalle, après un état dit 'zéro' de la nature, comme c'était le cas sur la place de la Nation. En Italie, dans les Pouilles, un projet de parking devient un jardin", détaille le co-commissaire. "Ces initiatives encouragent les paysagistes et citoyens à entreprendre des projets différents."
A l'extérieur, un jardin collaboratif
Au sein du jardin Hardy, le "potager des autres" permet aux visiteurs de participer à la construction de ce jardin collaboratif et éphémère et, ainsi, d'expérimenter. Guidés par des jardiniers, ils apprennent à prendre soin des sols. La diversité biologique est encouragée, tout comme une pratique ouverte du jardinage. "L'exposition et le jardin invitent le public à s'approprier le potager, avec cette œuvre participative", encourage Pablo Georgieff. "Le site a été restauré par des jardiniers pour l'occasion."
Les visiteurs sortent de cette exposition avec l'idée forte portée par les auteurs de cette manifestation : dépasser le rapport de domination de l'homme sur le vivant pour être en accord avec lui. Les commissaires appellent à réinventer le rôle du jardinier, qui agit pour sauver le vivant, et à inventer de nouveaux modèles. "'La préséance du vivant' est une série de prises de conscience et d'actions. Une invitation à faire avec et non contre le vivant. Il est symbolique et urgent dans l'aménagement français du territoire de réclamer l'accès aux sols et de comprendre que l'imperméabilisation n'est pas irréversible", conclue Pablo Georgieff.
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Les visiteurs sont invités à participer à la construction du jardin "Au potager des autres" tous les week-ends, entre 14h30 et 18h30.
Des colloques, visites guidées et spectacles sont également organisés durant les mois de juin et de juillet. La programmation est à retrouver sur le site ecole-paysage.fr
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