FRAUDE. Le montant total des redressements infligés aux entreprises pour fraude au travail dissimulé a atteint 640,7 millions d'euros en 2018, d'après les chiffres de l'Acoss. Et le secteur de la construction pèserait pour 50,8% dans ce total. Détails.
Le secteur du bâtiment et des travaux publics se fait de nouveau épingler dans l'épineux dossier du travail dissimulé. D'après les chiffres de l'Acoss (Agence centrale des organismes de Sécurité sociale, qui chapeaute les Unions de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d'allocations familiales - Urssaf), les redressements infligés aux entreprises pour fraude au travail dissimulé se seraient chiffrés à 640,7 millions d'euros en 2018, contre 541 millions l'année précédente, soit une progression de 18,5%. Une situation qui témoigne donc d'une recrudescence du phénomène de fraude au non-paiement des charges sociales. Et le secteur de la construction est loin de faire office de bon élève : pour les redressements de plus de 10 millions d'euros, le bâtiment représente 50,8% du total des amendes. A titre de comparaison, les transports et l'industrie ne pèsent que pour 3,7% et 1,8%. Les autres secteurs d'activité les plus impactés sont l'hôtellerie-restauration (22%) et le commerce (15%).
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Au global, la fraude aux cotisations sociales est estimée par l'Administration à une fourchette comprise entre 3,2 et 5,7 milliards d'euros, sachant que les infractions de travail dissimulé se répartissent en deux catégories : la dissimulation totale ou partielle d'activité, et la dissimulation totale ou partielle d'emploi salarié. En 2018, le réseau des Urssaf a donc amorcé 50.749 procédures, dont plus de 45.000 à titre de prévention et plus de 5.000 à propos d'actions ciblées. Au bout du compte, plus de 88% de ces procédures ont abouti à un redressement. Selon l'Acoss, le montant des redressements réalisés a doublé depuis 2013 : "Cette bonne performance trouve son origine dans le développement des modalités de détection des situations de fraude, l'amélioration des méthodes d'investigation et la professionnalisation des inspecteurs en charge de la lutte contre la fraude", explique l'agence à ce sujet.
Travail détaché : le montant explose en 2018
Quelques mots sur la fraude au détachement : les résultats financiers de cette lutte ont véritablement bondi, passant de 40,56 millions d'euros depuis 2017 à 130,71 millions en 2018. Depuis deux ans, l'Acoss, en lien avec le Centre de liaisons étrangères et internationales de Sécurité sociale (Cleiss), a conclu des accords de coopération internationale avec différentes institutions étrangères : le Portugal (février 2017), l'Italie (juillet 2018), la Pologne (janvier 2019) et l'Espagne (février 2019). Deux conventions bilatérales ont déjà été signées il y a quelques années entre la France, la Belgique et le Luxembourg. Et l'Acoss précise qu'un rapprochement est aussi prévu avec les autorités bulgares et slovaques.
52% des sommes redressées en 2018 concernent des fraudes qui dépassent le million d'euros
S'agissant des grandes tendances, le réseau des Urssaf constate également que "les situations de travail dissimulé se complexifient, et les actions sont davantage ciblées sur des enjeux financiers plus importants mais reposant sur des montages plus sophistiqués, ce qui entraîne un allongement des délais d'investigation". En effet, 52% des sommes redressées en 2018 concernent des fraudes qui dépassent le million d'euros. Les actions de prévention mises en œuvre ont d'ailleurs permis de couvrir plus particulièrement le secteur de la construction à hauteur de 23%.
Il faut dire aussi que l'Acoss dispose dorénavant de moyens plus conséquents pour remplir à bien sa mission de contrôle et de répression. La loi relative à la lutte contre la fraude du 23 octobre 2018 confère la possibilité aux agents des Urssaf de consulter des base automatisées de l'administration fiscale : la base nationale du patrimoine (BNDP), qui concentre l'ensemble des actes notariés de biens immobiliers et de parts sociales publiés ; la base dite Patrim, qui permet d'estimer un bien immobilier ainsi que les parcelles foncières en fonction des actes publiés dans la même zone géographique et pour la même surface ; la base Ficovie qui regroupe l'ensemble des contrats d'assurance-vie actifs au 1er janvier 2016.
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Deux plans de lutte contre la fraude au détachement dans les tuyaux
Dans le domaine de la fraude au détachement, les outils mis à disposition des inspecteurs de l'Acoss vont encore se peaufiner. A partir du mois de mai 2019, le réseau des Urssaf aura accès aux données de la base Sipsi, gérée par la Direction générale du travail, et qui permet aux entreprises concernées de transmettre leurs déclarations préalables de détachement directement depuis une plateforme sécurisée. D'autres instruments de lutte sont également dans les tuyaux : le Plan national de lutte contre le travail illégal, sous l'égide de la Direction générale du travail et porté par le ministère du Travail, ainsi que le Plan national de lutte contre la fraude, piloté par le ministère de l'Action et des comptes publics, sont "en cours de définition" pour tenter d'améliorer la stratégie interministérielle en la matière.