CLIMAT. Le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, vient d'installer un comité ministériel de pilotage consacré à l'adaptation au changement climatique. Cette structure s'appuie sur un rapport fraîchement publié, qui revient notamment sur les normes liées aux bâtiments et infrastructures.
Et si le réchauffement climatique impactait encore plus lourdement la société et l'économie françaises ? Alors que l'Hexagone prépare sa nouvelle stratégie énergie-climat, autrement baptisée Sfec, et qu'une loi de programmation énergétique doit être votée au Parlement d'ici cet été, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, vient d'installer un comité ministériel de pilotage dédié à l'adaptation au changement climatique.
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Basée sur les principaux services et opérateurs du ministère, la structure aura pour objectif de plancher sur différents scénarios de réchauffement climatique d'ici 2100, en s'inspirant notamment des études et travaux internationaux déjà menés sur le sujet, à l'instar des publications du Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat des Nations unies). Elle devra ainsi finaliser le troisième Plan national d'adaptation au changement climatique, ou PNACC3, qui sera soumis à consultation publique au printemps.
L'exécutif espère ainsi "harmoniser l'ensemble des politiques publiques d'adaptation afin de prévenir les risques environnementaux, sociaux et économiques encourus dans chaque territoire", précise-t-on à l'hôtel de Roquelaure. Le Gouvernement continue de miser sur un scénario de réchauffement inférieur à 2°C, voire "si possible" 1,5°C par rapport à la fin du XIXe siècle, tel que l'Accord de Paris l'a déterminé.
Multiplication des risques
Mais comme il n'y a aucune garantie que la baisse des émissions de gaz à effet de serre (GES) soit suffisamment importante pour contenir le changement climatique à ce niveau - le monde n'en prend pas du tout le chemin à l'heure actuelle -, l'exécutif veut aussi se préparer à un scénario "plus pessimiste tel que l'envisage le Giec en l'absence de mesures additionnelles de l'ensemble des pays du monde".
"2022 a été l'année la plus chaude jamais enregistrée dans notre pays", a eu l'occasion de rappeler Christophe Béchu. D'après lui, la France doit "sortir du déni" et envisager une hausse de 4°C de la température moyenne sur son territoire, davantage frappé par le réchauffement que la moyenne mondiale. "Tant mieux si on n'arrive pas à 4°C mais ne pas s'y préparer, c'est exposer nos concitoyens, (...) nos activités économiques à des risques sans leur donner les moyens d'y faire face", a-t-il précisé sur Europe 1.
Sécheresses, canicules, montée des eaux... les risques seraient alors multipliés. "Il faut qu'on investisse dans des matériaux qui nous permettent de résister à ces températures. Cela veut dire penser l'organisation des services publics, les lois sur l'eau, la protection (...) des sols, des règles sur les assurances...", a poursuivi le ministre. Comme le rappelle l'AFP, le plan actuel d'adaptation, établi en 2011 et révisé en 2018, n'envisage que les conséquences d'un réchauffement de 2°C.
Le pire scénario du Giec, bien que jugé irréaliste par de nombreux scientifiques, entraînerait cependant une augmentation de 3,9°C d'ici la fin du siècle. Dans son dernier rapport, le groupe d'experts des Nations unies a démontré que la planète avait déjà gagné en moyenne environ 1,2°C par rapport à la période pré-industrielle ; 1,7°C pour la France. En cause : les GES générés par les activités humaines.
Mise à jour des normes
Quoi qu'il en soit, les travaux du comité de pilotage devraient être publiés dans le courant du mois d'avril. Le lancement de cette réflexion fait en réalité suite à la conclusion d'un rapport de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (Igedd), qui a comparé les stratégies en la matière de huit autres pays développés : Allemagne, Autriche, Canada, Espagne, Japon, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suisse.
Exception faite de notre voisine d'outre-Rhin, l'ensemble de ces pays prennent en compte deux hypothèses de réchauffement basées sur les scénarios du Giec, y compris le pire d'entre eux, c'est-à-dire celui où les GES continueraient inexorablement de progresser. Dans ce rapport que Batiactu a consulté, l'Igedd estime "indispensable" que les normes et référentiels techniques soient adaptés à ces enjeux planétaires.
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À l'heure actuelle, la prise en compte du changement climatique en vue de l'élaboration ou de la révision de ces normes est bien prévue, mais elle semble "encore peu mise en œuvre, hormis en ce qui concerne les infrastructures de transports et la prise en compte du confort d'été dans la Réglementation environnementale 2020", indique le document. Le Canada fait office de pionnier dans ce domaine, dans la mesure où son Conseil des normes s'est lancé dans une identification des réglementations dont la révision est considérée comme "urgente".
Classer les secteurs par priorité
Concrètement, les autorités canadiennes surveillent si la norme est à jour et si elle est considérée comme "sensible" au climat. Si elle est jugée "désuète", ou impactée par le changement climatique, ou encore si des "répercussions" liées à son application sont relevées, sa mise à jour devient alors prioritaire.
En parallèle, des "seuils" de notation sont établis pour estimer la priorité des nouvelles normes. Les domaines d'activité qui pourraient en accueillir sont ainsi classés par ordre de priorité, avant que de nouvelles normes ne soient donc proposées pour les secteurs jugés prioritaires. Dans le même temps, la liste de normes potentielles est réduite.
Adopté en 2016, le "programme de normes pour des infrastructures résilientes" a ainsi identifié une centaine de normes qui nécessitaient d'être urgemment revues, dont 63 pour les bâtiments et infrastructures. Pas moins de quatre organismes d'élaboration des normes, accrédités par le Conseil canadien des normes, ont ensuite examiné 714 normes en lien avec les bâtiments et infrastructures.
Ces organismes ont finalement recommandé que 63 d'entre elles, là encore, soient actualisées afin de tenir compte d'au moins un des enjeux suivants : l'adaptation au changement climatique, la réduction des GES, l'atténuation des conséquences sur l'environnement et la durabilité.
"Ampleur du travail" de révision
D'après le rapport, "bien que cette revue ne soit pas exhaustive, et que le nombre total de normes à réviser soit sans doute beaucoup plus élevé, cette démarche systématique paraît intéressante". Les auteurs de l'Igedd reconnaissent que "le pourcentage de normes à réviser après examen, de l'ordre de 9% sur deux des secteurs les plus concernés par le changement climatique (infrastructures et bâtiments) n'est certes pas extrapolable sans précaution aux normes européennes et françaises, mais [qu'il] fournit un indice sur l'ampleur du travail qui devra être réalisé".
En conclusion, ils appellent à lister "rapidement" les "principales normes" qui devraient faire l'objet d'une révision intégrant les enjeux du changement climatique, citant notamment les "infrastructures critiques à renouveler prochainement, tels que les réseaux d'électricité, d'eau, etc.".