LOI DE FINANCES. Devant les "limites avérées" de l'avantage fiscal dit Pinel, le Gouvernement vient de déposer un amendement, adopté par l'Assemblée nationale le 13 novembre, prévoyant de le prolonger jusqu'en 2024 mais envisageant sa "réduction progressive". Un autre texte, prolongeant le PTZ jusqu'en 2022, a été voté.
L'arbitrage est tombé plus vite que prévu. Dans la précipitation, pourrait-on dire, vu le nombre de coquilles présentes dans le texte. Alors que la ministre chargée du Logement, Emmanuelle Wargon, annonçait le 12 novembre que l'amendement prolongeant le Pinel serait "déposé lors du passage en deuxième lecture" du projet de loi de finances, c'est dès le lendemain que le Gouvernement a déposé un amendement au texte, alors que les députés n'en sont toujours qu'à la première lecture. Le texte a été adopté par l'Assemblée nationale ce 13 novembre 2020. La Fédération française du bâtiment (FFB) a réagi sur les réseaux sociaux, estimant que son appel avait été "entendu". Christophe Boucaux, délégué général du Pôle habitat de la FFB, salue "deux mesures [les prolongations du PTZ et du PInel, NDLR] essentielles et défendues par la profession en faveur de la construction neuve".
C'est donc quelques jours après avoir fait adopter le prolongement et la modification (à la marge) du prêt à taux zéro (PTZ) pour les primo-accédants, que l'exécutif définit le prolongement du dispositif d'incitation à l'investissement locatif, communément appelé Pinel, en 2022 - l'amendement prolongeant le PTZ dans les mêmes conditions jusqu'en 2022 a également été adopté le 13 novembre 2020.
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Réduction progressive puis extinction
Cette fois, le Gouvernement semble avoir entendu le besoin de prévisibilité des acteurs de la construction de logement. D'une part, le dispositif serait prolongé de manière inchangée pour 2022, et d'autre part, l'amendement annonce sa prorogation pour deux années supplémentaires, soit jusqu'à fin 2024. Alexandra François-Cuxac, présidente de la Fédération des promoteurs immobiliers, a fait savoir sur les réseaux sociaux sa satisfaction, dans l'hypothèse que l'amendement soit bien adopté. "Visibilité pour deux ans pour les acquéreurs et les opérateurs, et attrait renforcé", peut-on lire.
Pour rappel, Alexis Rouque, délégué général de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), demandait récemment dans nos colonnes le "statu quo". Mais l'exposé des motifs de l'amendement est très clair : "les limites avérées du dispositif Pinel pour soutenir le marché du logement locatif intermédiaire en zone tendue plaide pour réorienter les financements correspondants vers des moyens d'action plus efficaces". Le texte prévoit donc "sa réduction progressive en 2023 et 2024, afin d'organiser la transition vers un dispositif plus efficient".
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Avantage inchangé pour certains logements
Les niveaux de réduction de l'avantage fiscal ne sont en revanche pas détaillés dans l'amendement. Cette réduction à partir de 2023 ne concerne pas, précise le texte, les logements situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ou "qui satisfont des normes environnementales exemplaires", sans que là encore, on ne connaisse le détail de ces normes.
D'ici 2022, l'administration va plancher sur "des dispositifs alternatifs plus efficients et économes en deniers publics, impliquant notamment une intervention accrue des investisseurs institutionnels". Un rapport doit être présenté en ce sens à la mi-2021.
Un dispositif 35% plus cher que l'appel aux institutionnels
Pourquoi mettre fin à un dispositif qui permet, d'après les promoteurs, la construction de "50.000 logements par an" ? La réponse du Gouvernement est simple, et détaillée dans l'exposé des motifs : parce que le coût d'un logement construit dans ce cadre est 35% plus élevé que le coût du soutien aux investisseurs institutionnels, "pour une qualité généralement supérieure". En effet là où "le coût pour l'État du soutien à la construction neuve s'élève à 38.000 € par logement pour le dispositif Pinel, il est de 28.000 € pour un soutien aux investisseurs institutionnels". Le Pinel coûte 2 milliards d'euros par an à l'État.
Plus généralement, justifie le Gouvernement, le Pinel "ne remplit pas suffisamment son objectif de développement d'une offre locative intermédiaire et induit des distorsions significatives sur le marché immobilier". Parmi les autres défauts : "le calibrage insuffisant des plafonds de loyers par rapport aux loyers de marché". Si jusqu'ici le préfet pouvait abaisser les plafonds de loyers pour les faire correspondre, la nouvelle règle, dès 2021, est la fixation, par bassin d'habitat, d'un plafond local. Une mesure que les professionnels qualifient d'"usine à gaz" et d'"inopérante" auprès de Batiactu.
Effet inflationniste, non-intégration de la décote, manque de qualité…
L'exécutif reproche également au Pinel "l'effet psychologique de la réduction d'impôt, qui prime sur la rentabilité de l'opération". "La réduction d'impôt étant le principal moteur de la décision d'acquisition des ménages, le contribuable n'intègre pas la décote à la revente des appartements neufs, qui compromet la rentabilité de l'investissement", explique le texte.
Enfin, les griefs portent sur "le potentiel effet inflationniste sur le marché immobilier résultant de l'internalisation de la réduction d'impôt dans les prix", et "une incitation insuffisante en termes de qualité des logements construits et de qualité de la gestion des copropriétés en résultant".
Le Pinel, mode d'emploi
Dans l'amendement proposé par le Gouvernement, la réduction d'impôt, fixée à 12 %, 18 % ou 21 % de la valeur d'acquisition selon que l'engagement de location est de six, neuf ou douze ans, s'applique aux investissements réalisés dans les communes classées par arrêté ministériel dans des zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre important entre l'offre et la demande de logements (zones A, A bis et B1) et dans les communes dont le territoire est ou a été couvert par un contrat de redynamisation de site de défense dans un délai de huit ans précédant l'investissement.
Pendant la période couverte par l'engagement de location, le cas échéant prorogée, les baux conclus ne doivent pas excéder les plafonds de loyers et de ressources des locataires fixés par décret en fonction de la zone géographique du logement et de sa surface. Le montant total de la réduction d'impôt est également plafonné à 300.000 € par an et à 5 500 €/m² de surface habitable.