ANALYSE. L'emploi de travailleurs en situation de détachement a diminué en 2021, atteignant même un niveau inférieur à celui de 2019, selon une étude de la Dares. Une grande partie de ces salariés se retrouvent dans le secteur de la construction, qui fait d'ailleurs figure d'exception dans l'évolution du phénomène.
Le nombre de salariés détachés a chuté en France depuis la crise du Covid. C'est l'enseignement majeur d'une étude de la Dares (Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, rattachée au ministère du Travail) qui vient d'être publiée, en soulignant que 200.000 travailleurs ont été au moins une fois en situation de détachement dans l'Hexagone au cours de l'année dernière. Si l'on comptabilise les salariés ayant été détachés plusieurs fois par des entreprises étrangères, ce chiffre grimpe à 615.000.
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Selon le ministère du Travail, l'indicateur le plus pertinent à prendre en compte est toutefois celui du nombre de travailleurs détachés présents dans le pays à une date donnée, "qui est plus comparable au nombre de salariés en emploi". Celui-ci s'établit en moyenne à 57.500 en 2021, un niveau proche de celui de 2020 (58.000) mais en baisse de 21% par rapport à celui de 2019 (72.600).
Les restrictions sanitaires engendrées par la pandémie de Covid ont logiquement grevé le travail détaché (quasiment -30% entre la fin 2019 et la fin 2020), et en dépit de quelques rebonds tout au long de l'année 2021, le nombre de salariés détachés n'est toujours pas revenu à son niveau d'avant la crise.
Un recours stable aux salariés détachés dans le BTP
Le secteur de la construction continue à capter une large part des travailleurs en situation de détachement : 45% d'entre eux exerçaient dans le bâtiment et les travaux publics l'année dernière, ce qui fait de la filière une exception dans l'évolution du phénomène. Et alors que l'emploi détaché a globalement reculé depuis 2019, la part du BTP dans son total est dorénavant de 34%.
La crise sanitaire n'a donc pas du tout perturbé la situation des salariés détachés qui y travaillent, dont la majorité "effectuent des travaux de construction spécialisés (55%), ce qui représente 25% de l'emploi de travailleurs détachés", précise la Dares. La construction de bâtiments concentre quant à elle 16% de ces employés, et le génie civil 4%.
L'étude se penche aussi sur le taux de recours au travail détaché, qui établit le rapport entre l'emploi de salariés détachés et celui de salariés non détachés dans le secteur privé. Tous secteurs confondus et en moyenne nationale, cet indicateur est passé de 0,4% en 2019 à 0,3% en 2020 et 2021. Des variations plus ou moins importantes s'observent toutefois en fonction des territoires : par exemple, il n'est que de 0,05% à La Réunion et à la Martinique, mais grimpe à 1,7% dans le département de l'Ain.
Les régions des Pays de la Loire et Auvergne-Rhône-Alpes ont vu chacune leur taux de recours baisser de 0,2 point, alors que la Bretagne et la Nouvelle-Aquitaine ont été les seules à augmenter le leur, respectivement de 0,1 point et de 0,05 point. Dans la construction, le taux de recours à l'emploi détaché s'est stabilisé à 1,5% entre 2019 et 2021. Mais là encore, des disparités existent suivant les départements, et notamment ceux qui sont frontaliers : il a par exemple bondi à 7,8% dans les Alpes-Maritimes et à 5,6% en Savoie.
Des missions plus longues dans la construction
La Dares a également esquissé le portrait-type du travailleur détaché. Il s'agit d'un homme à 95%, ayant entre 35 et 54 ans dans 56% des cas, sachant que les moins de 27 ans (7% du total) et les plus de 55 ans (13%) s'avèrent moins représentés que dans le secteur privé au global (respectivement 9% et 15%). Pour le reste, la situation n'a pas vraiment changé depuis 2019 : les trois quarts sont originaires d'un pays membre de l'Union européenne (hors Royaume-Uni).
Les populations les plus représentées sont les Portugais (14% de l'emploi détaché, essentiellement dans le BTP), suivis par les Roumains et les Polonais (10% chacun). La proportion de Britanniques détachés s'effondre de 66%, avec seulement 1.400 personnes. Un autre chiffre à noter : plus d'un tiers des salariés en détachement travaillent pour des entreprises d'une nationalité différente de la leur.
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Quant à la durée moyenne des détachements, elle s'est élevée à une centaine de jours l'année dernière "en tenant compte de l'ensemble [des] épisodes de détachement, soit deux jours de moins qu'en 2019", note l'étude. Dans la construction, cette durée s'est en revanche rallongée, atteignant désormais 125 jours cumulés de missions.
En outre, on estime à environ 4% la part de travailleurs détachés effectuant des prestations dans plusieurs secteurs d'activité pendant la même année. Leur durée cumulée de détachement est aussi plus importante que celle des autres, soit 143 jours. Quoi qu'il en soit, des différences importantes persistent au sein de chaque secteur. Ainsi, plus de la moitié des salariés détachés dans le BTP le sont pour une durée totale supérieure à 91 jours, "et même un quart pour plus de 192 jours", souligne la Dares.