Le géant du ciment mondial se dit prêt à fournir des matériaux de construction pour tous les projets d'infrastructure aux Etats-Unis, y compris le chantier controversé de mur avec le Mexique. Le groupe franco-suisse est le 1er producteur de ciment dans ce pays et entend bien le rester, même si le ministre des Affaires étrangères français désapprouve cet engagement derrière Donald Trump.
"Business is business" semble affirmer Eric Olsen, le dirigeant de LafargeHolcim. Quelques jours après avoir reconnu un financement indirect "inacceptable" de groupes armés djihadistes (sans nommément évoquer l'Etat islamique) en Syrie par le biais de versements de droits de passage, le géant franco-suisse du ciment fait de nouvelles annonces fracassantes. "Nous sommes prêts à fournir nos matériaux de construction pour tous types de projets d'infrastructures aux Etats-Unis. Nous sommes le premier cimentier (…) nous sommes ici pour soutenir la construction et le développement du pays", a justifié le président-directeur général. Y compris le fameux mur de séparation à la frontière américano-mexicaine, qui fait partie des grands projets annoncés par le nouveau président américain.
Pour se justifier, le dirigeant poursuit : "Nous sommes ici pour servir nos clients et répondre à leurs besoins. Nous ne sommes pas une organisation politique". Eric Olsen l'assure : "Il va y avoir une hausse importante des dépenses d'infrastructures. Nous sommes bien placés pour tirer profit de ces investissements". Donald Trump a en effet annoncé un plan d'investissements de 1.000 milliards de dollars pour rénover toutes les infrastructures du pays, qu'il s'agisse de routes, ponts, tunnels ou aéroports. Dans le même temps, pour ramener l'emploi industriel dans le pays, il promet également de privilégier les entreprises qui feront travailler des citoyens américains. Or LafargeHolcim dispose de sites de production de ciment aux Etats-Unis… dont trois dans des états frontaliers du Mexique (Texas, Arizona et Nouveau-Mexique). Il a également investi dans de nouvelles capacités ailleurs dans le pays, dans le Maryland, en Oklahoma ou dans le Missouri et assure vouloir créer de nombreux nouveaux emplois, afin de s'attirer les bonnes grâces de l'administration Trump. Eric Olsen confie : "Je ne peux pas donner de chiffre exact, mais ce sera important".
Ethique ou pragmatique ?
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Le président-directeur général du cimentier assure également poursuivre sa politique de réduction des coûts, en "achetant moins cher et mieux". La rationalisation de la logistique avait constitué jusqu'à présent le poste principal d'économies suite à la fusion entre Lafarge et Holcim. L'entreprise entend également tirer profit de la croissance en France (comprise entre 1 et 3 %), sur la solidité du marché britannique malgré le Brexit et sur la fin des difficultés au Nigeria, où des coupures d'approvisionnement en gaz l'avaient pénalisé en 2016. "Le Nigeria va afficher le deuxième meilleur résultat d'exploitation après les Etats-Unis en 2017", note Eric Olsen qui table donc aussi sur le redressement de la demande de ciment outre-Atlantique.
Une recherche des bénéfices à tout prix qui semble irriter Jean-Marc Ayrault, ministre des Affaires étrangères. Ce dernier a rappelé que toutes les entreprises avaient une responsabilité sociale et environnementale et a demandé à LafargeHolcim de "bien réfléchir" à cette décision commerciale, "parce qu'il y a d'autres clients dans le monde qui vont regarder ça avec une certaine stupéfaction". Un des rivaux du géant franco-suisse, l'irlandais CRH, a d'ores et déjà annoncé qu'il ne fournirait pas de ciment pour la construction de ce mur.