L'ONG Sherpa a déposé une plainte pour notamment financement du terrorisme contre le cimentier Lafarge, après les révélations en juin du journal Le Monde.
Après les révélations du journal Le Monde, en juin 2016, sur de possibles arrangements entre le cimentier Lafarge et l'organisation Etat islamique pour faire fonctionner un site en Syrie, l'ONG Sherpa a déposé plainte à Paris contre le cimentier français, notamment pour financement du terrorisme, a indiqué mardi 15 novembre à l'AFP son président William Bourdon. Cette plainte avec constitution de partie civile a été déposée auprès du doyen des juges d'instruction, au nom de Sherpa, association spécialisée dans la "défense de victimes de crimes économiques", du Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits de l'Homme (ECCHR) et onze anciens employés du groupe en Syrie, pour obtenir l'ouverture d'une information judiciaire.
Cette plainte vise des faits de financement du terrorisme, complicité de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, mise en danger, exploitation abusive du travail et négligence. "Ce que nous dénonçons, c'est l'obsession d'une entreprise de maintenir une activité profitable au risque de devoir rendre des comptes et que soient mis au jour des liaisons pour le moins dangereuses avec ceux qui sont perçus comme les pires ennemis de l'humanité", a déclaré William Bourdon à l'AFP. Il précise : "Nous demandons que soient tirées les conséquences d'une politique cynique faite d'aveuglement et de surdité, conduisant à des échanges commerciaux et financiers entre Lafarge Cement Syria sous le contrôle de sa maison mère avec un groupe qui avait déjà amorcé la commission de grands crimes internationaux".
Les révélations du Monde et le rapport parlementaire
Pour rappel, le journal Le Monde avait révélé en juin "les troubles arrangements" de Lafarge avec l'organisation djihadiste pour qu'une de ses cimenteries située à Jalabiya, au nord-est d'Alep, puisse continuer à fonctionner en 2013 et 2014, avant que l'EI ne s'empare du site et annonce l'arrêt de toute activité. Le quotidien racontait aussi que l'entreprise avait cherché à garantir l'accès à l'usine de ses ouvriers et des marchandises alors que plusieurs points de la zone étaient contrôlés par l'EI, en missionnant un intermédiaire pour obtenir des laissez-passer aux checkpoints. Le journal assurait que pour pouvoir fabriquer le ciment, Lafarge est aussi passé par "des intermédiaires et des négociants qui commercialisaient le pétrole raffiné par l'EI, contre le paiement d'une licence et le versement de taxes".
Face à ces attaques, Lafarge avait assuré, en juin également, qu'il examinerait les faits révélés par Le Monde, après avoir affirmé que sa priorité absolue avait été la sécurité de ses personnels. Puis, en juillet, la mission parlementaire sur les moyens du groupe djihadiste affirmait dans son rapport que "rien" ne permettait d'établir que Lafarge ait pu "participé directement ou indirectement, ni même de façon passive, au financement de Daech".