CONJONCTURE. Pour sa conférence de rentrée, la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment salue certes les bons chiffres de l'activité de la filière, mais craint dans le même temps l'accumulation des difficultés : matériaux, énergie, recrutements... Les professionnels attendent beaucoup des pouvoirs publics pour les soutenir.
C'est aussi la rentrée pour l'artisanat du bâtiment, mais celle-ci ne se présente pas sous les meilleurs auspices. À l'occasion d'une conférence de presse portant sur la conjoncture du 2e trimestre 2022, la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) a dévoilé de bons chiffres pour l'activité de la filière.
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Tiré par les travaux d'entretien-rénovation - dont les prix continuent d'augmenter désespérément - qui progressent de 3%, le chiffre d'affaires des professionnels profite également du dynamisme des chantiers de rénovation énergétique, en hausse de 4%. La construction neuve enregistre pour sa part une croissance de 2,5%, portée par les autorisations de construction qui ont bondi de 16,4% en mai 2022 en comparaison à mai 2021, ainsi que par les autorisations de logements et les mises en chantiers.
Mais le trimestre avril-juin montre une importante disparité économique entre les régions : au niveau national, l'activité augmente entre 2,5% et 4% ; cependant la plupart des régions voient leur croissance ralentir par rapport au début de l'année. Seules la Nouvelle-Aquitaine (+4%), la Bourgogne-Franche-Comté, Provence-Alpes-Côte d'Azur et les Pays de la Loire (+3,5% pour chacune des trois) affichent des hausses supérieures à la moyenne nationale.
"Les entreprises artisanales, qui savent s'adapter, ont réussi jusqu'à présent à maintenir leur activité à un niveau très satisfaisant, mais cela ne pourra pas durer", met en garde Jean-Christophe Repon, président de la Capeb. Qui appelle le Gouvernement "à prendre les mesures qui s'imposent pour répondre de manière efficace à l'inflation, à la nécessaire transparence des prix et au risque de récession en 2023". Et de renvoyer aux Assises du BTP, qui doivent être organisées par Bercy en cette période de rentrée pour mettre tous les acteurs - et les enjeux - du secteur sur la table.
16% des artisans font remonter des difficultés de trésorerie
L'emploi se porte toujours bien, puisque les artisans du bâtiment ont augmenté leurs embauches de 2,3% durant le 2e trimestre. Un bémol toutefois : un quart des chefs d'entreprises interrogés par la Capeb affirment avoir cherché à recruter sur cette période, contre un peu moins d'un tiers lors du précédent trimestre ; en revanche, seulement 12% y sont parvenus, contre 17% trois mois auparavant.
L'analyse de la confédération se penche aussi sur l'évolution de l'activité de chaque corps de métiers, qui oscille entre +2% et +4%. Les travaux d'électricité progressent ainsi de 4%, l'aménagement-décoration-plâtrerie de 3,5%, la couverture-plomberie-chauffage de 3%. Les chantiers de maçonnerie et de menuiserie-serrurerie reculent par contre, respectivement de 2,5% et de 2%.
Entre avril et juin, 16% des entreprises artisanales de la construction ont en outre fait remonter des difficultés de trésorerie. Un chiffre inquiétant car à comparer aux 4% à la même période un an plus tôt. Les patrons sont d'ailleurs loin d'être confiants sur l'évolution de la situation économique de leurs structures. Plus de 60% de ces dernières déclarent un besoin de trésorerie supérieur à 10.000 €, tandis que la moyenne des besoins se stabilise à 20.000 € - il était néanmoins de 14.000 € un an avant.
Frein à la transition énergétique
Les autres indicateurs économiques ne sont pas très rassurants. Quasiment un tiers des entreprises du secteur subissent de baisse de leurs marges (5% bénéficient d'une hausse), et les carnets de commandes se chiffrent à 101 jours, ce qui représente un recul de 10 jours en comparaison au 2e trimestre 2021. La Capeb note malgré tout que les prévisions d'activité semblent se stabiliser "à des niveaux élevés, tant en neuf qu'en entretien-rénovation", sachant que les sociétés de 10 à 20 salariés "apparaissent légèrement favorisées".
Si les chiffres sont donc positifs, les craintes restent prégnantes. Des difficultés d'approvisionnement en matériaux et équipements à l'inflation, en passant par les problématiques énergétiques, l'accumulation de difficultés inquiète l'artisanat du bâtiment. En collaboration avec l'institut Xerfi, l'organisation patronale a donc sondé ses adhérents sur l'impact de ce contexte délicat.
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Et il en ressort que le prix des matériaux a augmenté en moyenne de 26% depuis janvier 2022, la menuiserie-serrurerie étant la plus exposée (+29%), suivie par l'aménagement-décoration-plâtrerie et la maçonnerie (26%). L'envolée des prix de l'acier et du bois expliquent cette situation. "Les hausses de prix actuelles vont impacter l'activité de nos entreprises, avec pour conséquence de ralentir la transition énergétique dans le bâtiment alors que nous devrions, au contraire, accélérer", prévient Jean-Christophe Repon.
"Certaines hausses de prix vont bien au-delà du simple impact de la guerre en Ukraine et/ou de la hausse du coût des énergies"
Cette situation a inévitablement amené 81% des entreprises interrogées à répercuter la hausse des prix sur leurs devis au 2e trimestre (contre 60% au 1er trimestre). Les électriciens et les menuisiers-serruriers sont les corps de métiers qui répercutent le plus cette inflation (75% et 67% respectivement), du fait qu'ils sont aussi les plus touchés par le phénomène.
D'une manière générale, on estime que les matériaux pèsent pour plus de 30% dans les coûts des entreprises. L'allongement des délais d'approvisionnement, voire les pénuries posent également des problèmes de production et d'organisation (modifications de plannings, réduction de la validité des devis...) pour presque les trois quarts des artisans.
C'est pourquoi la Capeb revient à la charge sur la question de la solidarité économique entre acteurs de la filière : "Nous demandons aux industriels et aux distributeurs une vraie transparence dans les hausses de prix annoncées car nous sommes convaincus que certaines hausses que nos entreprises subissent actuellement vont bien au-delà du simple impact de la guerre en Ukraine et/ou de la hausse du coût des énergies", épingle son président.
Lors de la signature, sous l'égide de Bercy, d'une charte de bonnes pratiques entre professionnels du BTP et de l'immobilier le 11 juillet dernier, la Capeb avait fait acte de présence sans pour autant signer le document, jugeant que le texte n'allait pas assez loin. Dans tous les cas, la filière va assurément avoir des discussions animées lors des Assises du BTP.