ANALYSE. Deux baromètres fraîchement publiés par la filière construction permettent d'en savoir plus sur le système d'apprentissage ainsi que sur les jeunes qui choisissent cette voie et les entreprises qui les emploient. Les indicateurs ont été déclinés pour les principales organisations professionnelles du bâtiment et des travaux publics.
C'est une première : les baromètres Vie Apprenti (BVA) et Vie Entreprise (BVE) publiés par le Comité de concertation et de coordination de l'apprentissage du bâtiment et des travaux publics (CCCA-BTP) viennent de faire l'objet d'une édition commune, afin de croiser les avis et perceptions des apprentis et des entreprises de la filière construction. L'idée est d'en savoir plus aussi bien sur le système d'apprentissage en tant que tel, que sur les jeunes qui choisissent cette voie et les professionnels qui acceptent de les former au sein de leurs structures.
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Les deux enquêtes ont été réalisées en collaboration avec la Capeb (Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment), la FFB (Fédération française du bâtiment), la FNTP (Fédération nationale des travaux publics) et la Fédération Scop BTP (syndicat des PME coopératives et participatives).
Autant d'organisations professionnelles qui constituent les principaux employeurs du BTP et pour lesquelles les indicateurs des deux baromètres ont été spécifiquement déclinés, offrant ainsi une grille de lecture encore plus précise de la situation et des enjeux de l'apprentissage à travers les différents corps de métiers (voir encadré).
De nombreux défis à relever
Réalisées en ligne dans le courant de l'année 2022, ces enquêtes ont proposé des questions assez larges, d'une part pour recueillir le niveau de satisfaction des apprentis comme des employeurs, et d'autre part pour récolter davantage d'informations sur leurs attentes respectives.
Au total, 113 CFA regroupant la moitié des apprentis du BTP ont participé à l'enquête BVA. Concernant le sondage BVE, 139 CFA cumulant 62% des effectifs en formation et 38.000 entreprises du secteur ont apporté leurs réponses.
Dans un communiqué commun, le CCCA-BTP et les quatre organisations professionnelles expliquent vouloir "répondre aux besoins en compétences et qualifications professionnelles des entreprises du BTP, qui sont en première ligne pour relever les défis liés à la performance environnementale, aux transitions énergétique, écologique, technologique et numérique, et tenir compte des aspirations des nouvelles générations, dont les attentes ont beaucoup évolué en termes de modalités de formation (...)".
Vouloir faire quelque chose de ses mains
Quels sont donc les principaux enseignements à tirer de ces deux sondages ? D'abord, l'écrasante majorité des apprentis se disent satisfaits de leur cursus : 89% des jeunes affirment que l'apprentissage a répondu à leurs attentes. Dans le détail, 55% expliquent avoir choisi leur spécialité par goût personnel, les deux premiers critères étant la volonté de faire quelque chose de leurs mains (63%) et de bouger (58,5%).
Ils sont par ailleurs 83,5% à se montrer élogieux envers les établissements dans lesquels ils étudient, et 90% envers leurs entreprises. Les centres de formation des apprentis (CFA) leur semblent également innovants pour 52% d'entre eux, quand les entreprises décrochent le score de 65,5% dans ce domaine.
Malgré tout, presque un tiers des jeunes assurent compter avant tout sur eux-mêmes pour trouver leur structure d'accueil - une tendance confirmée par les entreprises, qui sont 45% à souligner que ce sont les apprentis eux-mêmes qui les ont contactés.
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Qualités comportementales et prise de conscience écologique
Quasiment la moitié des entrepreneurs déclarent en outre envisager de garder leurs apprentis comme salariés à l'issue de leurs formations. Les compétences techniques ne sont toutefois pas suffisantes aux yeux des dirigeants, qui sont 84% à estimer que les qualités comportementales sont tout aussi importantes chez leurs collaborateurs, notamment le respect (96%), la motivation et l'engagement (95%) et l'esprit d'équipe (90%).
La prise de conscience autour de l'urgence climatique semble aussi être au rendez-vous : 52% des jeunes se disent sensibles à la protection de l'environnement, et la quasi-totalité des entreprises indiquent inciter leurs salariés à limiter la production de déchets ainsi que le gaspillage. Mais pour les trois quarts d'entre elles, c'est aux jeunes générations de porter les innovations du secteur du BTP.
Enfin, et c'est la première fois que cet indicateur est mesuré, 48% des apprentis jugent leur état de santé bon, voire très bon (31%). Seul bémol : la part d'entreprises se disant prêtes à recruter un jeunes en situation de handicap reste encore minoritaire, à 38,5%.
"Les BVA et BVE sont (...) un véritable outil de pilotage et d'aide à la décision, pour anticiper et adapter les modalités et pratiques pédagogiques et éducatives, et les services proposés par les organismes de formation", commente Christophe Possémé, président du CCCA-BTP. "Leurs résultats nous éclairent assurément sur les points forts de l'apprentissage dans le BTP et ceux qu'il convient d'optimiser. À nous de nous en emparer", ajoute celui qui est aussi à la tête des métiers de la maçonnerie et du gros-oeuvre au sein de la FFB (UMGO-FFB).
Les résultats détaillés par organisations professionnelles
Concernant l'artisanat du bâtiment, 88% des jeunes sondés considèrent que leur apprentissage au sein des entreprises artisanales leur apporte satisfaction. Un résultat dont se félicite le président de la Capeb, Jean-Christophe Repon : "Nos chefs d'entreprises artisanales forment génération après génération depuis toujours, comme ils ont eux-mêmes été formés par d'autres artisans avant de créer leur propre entreprise. Avec 30 millions de logements à rénover d'ici 30 ans, les artisans sont en première ligne pour relever ce défi considérable. L'apprentissage a un rôle déterminant à jouer pour y parvenir (...)."
Idem du côté des plus grandes entreprises du bâtiment accueillant des apprentis, et qui sont 89% à envisager d'en former encore d'autres. D'après Olivier Salleron, le président de la FFB, ces baromètres "permettent aussi de mesurer les avancées déjà réalisées, les progrès qu'il nous reste à faire et nous rappellent l'importance de travailler la relation tripartite entre le jeune, l'entreprise et le CFA".
Même son de cloche du côté des sociétés coopératives du BTP : "La formation des jeunes est indissociable de nos métiers (...)", complète Charles-Henri Montaut, président de la Fédération Scop BTP. Qui assure que son organisation est "en mouvement" sur le sujet et "se fixe un objectif ambitieux de 10% d'effectifs apprentis dans les Scop BTP" d'ici 2025.
Le satisfecit est également de mise dans les travaux publics, où 88% des jeunes qui y sont formés jugent que les techniques de travail de leurs entreprises sont modernes. "L'apprentissage constitue une voie d'excellence pour former les futurs professionnels des TP et un levier de recrutement majeur, dans un contexte de tension sur la main-d'oeuvre, de forte évolution des métiers et compétences, qui impactent aussi la formation", analyse Bruno Cavagné, à la tête de la FNTP.