MÉDIATION. Avec pas moins de 9.600 sollicitations, les services du Médiateur des entreprises ont assisté à "une explosion" des demandes d'aide en 2020, bien évidemment due à la crise économique du Covid. Le bâtiment et les travaux publics sont restés confrontés, comme bien d'autres secteurs d'activité, à la problématique des délais de paiement. Mais la mise en place prochaine de la filière Rep concernera aussi les équipes de médiation.
"2020 a été une année exceptionnelle, avec un raz-de-marée, une explosion des demandes : nous avons reçu 9.615 sollicitations au total contre environ 2.000 en 2019." C'est par cette comparaison que Pierre Pelouzet, le Médiateur des entreprises, a introduit le bilan d'activité de ses services pour l'année dernière. Un exercice très particulier car bien évidemment marqué par la crise sanitaire et économique du Covid.
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D'une manière générale, si un grand nombre de saisines ont eu un rapport avec les baux commerciaux et le paiement des loyers, Pierre Pelouzet souligne tout de même que "chaque cas est particulier". Tous secteurs d'activité confondus, les services de la médiation ont comptabilisé que "plus de la moitié des saisines était liée aux modalités de paiement, sujet plus vaste que les délais de paiement". C'est justement pour suivre d'encore plus près cette problématique qui empoisonne depuis longtemps l'économie française, mais qui a été a fortiori exacerbée par la crise du coronavirus, qu'un comité de crise sur les délais de paiement a été instauré dès le 23 mars 2020, en coopération avec le Médiateur du crédit.
"Le vrai sujet dans le BTP, c'est la réception des travaux"
Interrogé par Batiactu sur le secteur du bâtiment et des travaux publics, Pierre Pelouzet a estimé qu'il n'y avait pas de tendances spécifiques qui s'en dégageaient par rapport au reste de l'économie : "Le BTP s'est comporté comme les autres acteurs. Il n'a pas connu de crise exceptionnelle et a même enregistré un bon niveau d'activité, puisque les chantiers n'ont été arrêtés que pendant le premier confinement. Mais le vrai sujet, c'est la réception des travaux : que ce soit des marchés publics ou privés, ils engendrent toujours des délais de paiement."
Les baux commerciaux, nouvelle problématique induite par la crise
Plus largement, les médiateurs n'auront donc pas eu le temps de s'ennuyer : sur toute l'année, ils ont reçu 6.075 sollicitations - des réponses personnalisées aux demandes d'information, des orientations vers des dispositifs tiers, des préparations à la médiation... - et ont traité 3.540 demandes effectives de médiation. Un volume de dossiers qui a quadruplé par rapport à 2019, tandis que les saisines de médiation ont triplé, provenant pour l'essentiel de TPE et PME, et plus précisément d'entreprises de moins de 25 salariés pour 80% d'entre elles.
Avec un taux de succès des médiations de l'ordre de 70%, Bercy a donc identifié les baux commerciaux comme nouvelle problématique induite par la crise : "La part des différends en médiation entre entreprises privées s'est considérablement accrue, passant de 69% en 2019 à 83% en 2020. Cette augmentation est en partie due à l'apparition des différends liés au paiement des loyers. En effet, cette nouvelle problématique représente sur 2020 un peu plus de 11% des demandes de médiation", précise-t-on dans les services du Médiateur. "Toutefois la nature des dossiers de médiations a fortement évolué, passant, à l'origine, de simples demandes de remises de loyers et d'échéanciers étalant les dettes, à des remises à plat des relations entre bailleurs et locataires."
Hausse des différends dans la commande publique en 2020
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Sans surprise, les conditions de paiement constituent toujours l'essentiel de l'activité de médiation : "Dans 57% des cas, ce sont les conditions de paiement qui arrivent en tête des problématiques traitées, et plus particulièrement les tensions liées aux délais de paiement. En outre, le volume des différends dans le cadre de la commande publique a augmenté en 2020 dans une moindre mesure pour atteindre 411 cas, contre 259 en 2019", note Bercy.
Le comité de crise, auquel participent des organisations professionnelles comme l'Union des entreprises de proximité ou des Chambres de métiers et de l'artisanat, a donc encore du boulot devant lui : chargé de traiter les signalements d'entreprises dont les achats cumulés représentent plusieurs centaines de millions d'euros, il a déjà épinglé une quarantaine de sociétés dites "structurantes", qui se sont ensuite engagées à corriger le tir. À l'inverse, le comité a aussi mis en avant 16 entreprises jugées exemplaires, qui ont institué un système de paiement accéléré de leurs fournisseurs.
Expérimentation d'une médiation de trois ans dans les filières soumises au principe de la Rep
Pour l'année 2021 qui commence, Pierre Pelouzet espère que les relations inter-entreprises se traduiront par "du dialogue et de la solidarité économique". Ses équipes vont également se pencher sur une autre actualité, qui concerne notamment le secteur de la construction : la mise en place des fameuses filières Rep, ou Responsabilité élargie du producteur, afin d'améliorer la gestion des déchets et de lutter contre le gaspillage. "La loi Économie circulaire nous a proposé de mettre en place une médiation spécifique pour les nouveaux sujets relatifs à l'instauration des Rep dans les filières", explique le Médiateur des entreprises. Plus précisément, la loi du 10 février 2020 prévoit en effet une expérimentation de médiation de trois ans, cela "afin d'améliorer les relations et résoudre les différends éventuels au sein des filières soumises au principe" de la Rep.
Ce qui concerne au final 21 filières, dont bien sûr le BTP. La saisine du Médiateur peut être effectuée par des éco-organismes, des opérateurs de prévention et de gestion des déchets, des structures de réemploi et de réutilisation, ou encore des collectivités territoriales. "Le champ est volontairement ouvert : il peut s'agir d'un différend à caractère relationnel, contractuel... L'objectif est de contribuer à la performance économique (compétitivité, équilibre des relations contractuelles, financières...), sociale et environnementale de ces filières", complète Bercy. "La sortie de crise sera possible si on serre les coudes, si chacun fait preuve d'engagement, de responsabilité et de solidarité", abonde Pierre Pelouzet.
Quelques chiffres sur les médiations d'entreprises en 2020