ÉCONOMIE. À l'image d'une grande partie de l'économie française, le bâtiment et les travaux publics ont enregistré un très fort recul de leurs défaillances d'entreprises durant l'année 2020, "grâce" aux mesures prises dès le printemps pour faire face à la crise sanitaire et économique. Le constat est le même pour l'immobilier, bien que les chiffres soient moins conséquents. Détails.
Paradoxalement, l'année 2020 n'aura pas été catastrophique pour les défaillances d'entreprises. Dans son étude annuelle consacrée au sujet, le groupe Altares, spécialisé dans l'information sur les sociétés, avance en effet une chute de 38,1% des procédures en 2020 par rapport à 2019, soit "seulement" 32.184 défaillances enregistrées tous secteurs d'activité confondus durant cet exercice si particulier, évidemment marqué par la crise sanitaire et économique du Covid-19. Des chiffres qui seraient même au plus bas depuis 1987, si l'on en croit le rapport.
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La construction concentre environ le quart du total des procédures
Et dans la construction ? Sur l'année 2020, le secteur a lui aussi vu ses défaillances d'entreprises dégringoler de 42,6%, et même de 42,8% sur le 4e trimestre, bien qu'il concentre tout de même environ le quart du total des procédures (7.479). Ceci dit, tous les segments d'activité enregistrent la même tendance baissière, avec -44,2% pour le gros-oeuvre (2.315 procédures) et -45,2% pour le second oeuvre (3.444 dossiers). Le recul est certes un peu moins marqué dans les travaux publics, avec -37,3% (350 procédures), même si le segment des travaux de terrassement courants a vu ses procédures se replier de 40,1%. Dans le détail, on note que les procédures de sauvegarde ont concerné 138 entreprises du BTP en 2020 (-22% en comparaison à 2019), contre 2.063 pour les redressements judiciaires (-50,9%), et 5.278 pour les liquidations judiciaires (-38,9%). Le constat est le même pour l'immobilier, avec des chiffres certes moins conséquents : les agences immobilières ont enregistré -28,8% (272 dossiers), et les promoteurs -47% (114 procédures).
Comment expliquer une telle situation ? En réalité, nombre de sociétés et d'emplois ont été suspendus aux décisions gouvernementales pour faire face à l'épidémie de coronavirus et aux conséquences économiques qu'elle a engendré. Ainsi, les mesures prises au printemps 2020, lors du premier confinement sanitaire, ont permis aux entreprises de passer le cap : par exemple, le gel de la date des cessations de paiement à la mi-mars a en quelque sorte "protégé" des sociétés de la faillite, qui ont du coup bénéficié d'une bouffée d'oxygène jusqu'à la fin de l'été. "Les deux derniers trimestres 2020 n'ont pas non plus été marqués par une hausse des demandes d'ouverture de procédures, grâce au nouveau plan de mesures déployé avant l'été (Fonds de solidarité, Prêt garanti par l'État, exonérations ou reports de cotisations, activité partielle)", analyse l'étude.
Craintes pour 2021 et 2022
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Globalement, ce contexte a fait reculer de moitié les procédures de redressement judiciaire, qui ont cédé leur place aux liquidations judiciaires, lesquelles représentent près de 3 jugements sur 4, malgré un retrait de 34%. Mais même sur ce point, l'année 2020 a été marquée par des spécificités : "Les assignations de créanciers, qui sont traditionnellement à l'origine de 30% des liquidations, ont disparu. Gelées jusqu'à l'été du fait des aménagements règlementaires, les assignations n'ont pas repris en fin d'année, les créanciers publics et privés ayant été incités à faire appel à des règlements à l'amiable", explique Altares. Les procédures de sauvegarde se sont également rétractées de 14%, ce "dispositif préventif" pesant pour moins de 3% de l'ensemble des procédures. On notera enfin que les patrons de PME de plus de 50 salariés ont eu davantage recours aux procédures de sauvegarde (+12% par rapport à 2019). "C'est là un facteur important de rebond pour l'entreprise", souligne l'étude. "En privilégiant la sauvegarde et donc l'anticipation, ces entreprises se donnent deux fois plus de chances de rebondir en obtenant un plan d'étalement de la dette."
"Une chose est certaine, l'engagement du 'quoi qu'il en coûte' pris par le président de la République en mars dernier a évité que la violente crise économique ne vienne noircir les registres des tribunaux de longues listes de faillites Covid-19", conclut Thierry Millon, le directeur des études chez Altares. "Le niveau de défaillances de 2020 s'apparente pourtant à une anomalie statistique. Les adaptations juridiques, administratives et soutiens en trésorerie ont permis aux entreprises de se prémunir du défaut de paiement, sans quoi le pire était à redouter." Partant de là, les analystes anticipent une hausse très importante des défaillances en 2021 : "La question est de savoir s'il est possible d'amortir le choc, de permettre un retour progressif à la normale en débranchant graduellement les aides à destination de certaines entreprises et en renforçant l'accompagnement d'acteurs viables". Avec, qui plus est, des défauts de paiement qui risquent de bondir aussi bien en 2021 qu'en 2022 : les clients pourraient ainsi être nombreux à subir des défaillances, mettant leurs fournisseurs dans une situation tout aussi délicate.