EN CHIFFRES. De plus en plus de patrons perdent leur emploi, particulièrement ceux à la tête de PME qui n'ont pas l'assise financière suffisante pour surmonter les crises successives. Les activités en lien avec la construction font face à des difficultés majeures.

Les difficultés s'accumulent pour les chefs d'entreprises. Confrontés à une succession de crises depuis 2020 et à une conjoncture toujours morose, ils sont de plus en plus nombreux à perdre leur emploi et à pointer chez France Travail (anciennement Pôle Emploi).

 

 

Sur les six premiers mois de 2024, les destructions de postes de dirigeants se rapprochent du niveau qu'elles avaient atteint il y a une dizaine d'années. Ce sont ainsi 29.958 entrepreneurs qui ont perdu leur emploi au 1er semestre 2024, selon le dernier Observatoire de l'emploi des entrepreneurs publié par l'association GSC et le cabinet Altares.

 

Un bond de 18,4% en un an, qui touche en premier lieu les dirigeants de PME, dont l'assise financière n'est pas suffisante pour surmonter tous les obstacles, ainsi que le secteur de la construction, qui pèse plus d'un quart (26,5%) des pertes d'emplois comptabilisées au niveau national.

 

+66% pour les agences immobilières, +41% pour les CMIstes

 

La crise du logement neuf et des activités immobilières en est évidemment la cause. D'après l'observatoire, 7.669 patrons du BTP se sont inscrits chez France Travail entre janvier et juin 2024, ce qui représente une augmentation de 34,2%.

 

La maçonnerie générale et le gros oeuvre sont les segments les plus touchés, concentrant plus d'un quart de ces pertes, soit 1.615 postes. D'autres activités de la chaîne de valeur sont malmenées : les agences immobilières (+66,4%), la construction de maisons individuelles (+40,7%) ainsi que les travaux de peinture et de vitrerie (+35,1%).

 

Le président de l'association GSC, Anthony Streicher, fait le lien entre ce sombre tableau et l'actualité politique. "Pour la personne qui sera désignée Premier ministre dans quelques jours, la lutte contre la perte d'emploi des dirigeants d'entreprises devra être un sujet prioritaire !", s'alarme le responsable. Il estime que "les mauvaises nouvelles de ce premier semestre 2024 interpellent sur l'inaction qui conduit à cette situation car aucun acteur, pouvoirs publics compris, ne semble prendre la mesure de ce qui se joue pour les dirigeants et notre économie".

 

90% des destructions de postes concernent des gérants de moins de 5 salariés

 

Tous secteurs confondus, environ 30.000 patrons auraient donc cessé leur activité depuis le 1er janvier dernier. D'un âge médian de 45,8 ans, ils sont près d'un tiers à avoir plus de 51 ans, tandis que les entrepreneurs de moins de 26 ans sont les plus épargnés - "seulement" 704 se sont retrouvés au chômage.

 

Les gérants de petites structures (moins de 5 salariés) représentent quasiment 90% des destructions de postes, quand ceux employant de 6 à 9 salariés sont 40% de plus à subir le phénomène. Idem pour les PME comptant entre 10 et 19 salariés (+31,1%). Pour les auteurs de l'étude, "ces entreprises ont des structures financières insuffisantes qui les fragilisent : masse salariale lourde, difficultés à rivaliser sur les appels d'offres, à financer leur développement ou encore à rembourser la dette Covid qui pèse sur la trésorerie".

 

Par formes juridiques, les gérant de SAS sont les plus touchés (13.234, en hausse de 28,7% par rapport au 1er semestre 2023), suivis par les dirigeants de SARL (12.273, +11,1%). D'une manière générale, les entrepreneurs réalisant moins de 500.000 € de chiffre d'affaires représentent plus des trois quarts des patrons touchés.

 

 

Les pertes d'emplois en hausse de 32% en Île-de-France

 

"Aucun territoire n'échappe à cette tendance et les acteurs de petite et moyenne tailles restent vulnérables, sans espoir d'amélioration significative d'ici la fin de l'année", résume Anthony Streicher. En effet, l'ensemble de la métropole subit le même sort.

 

Première région économique du pays, l'Île-de-France pèse à elle seule un quart des pertes d'emplois (7.215, +32%). Vient ensuite l'Auvergne-Rhône-Alpes (3.454, +19%). D'autres régions enregistrent des taux élevés, tels que la Normandie (+24,7%), le Grand Est (+18,3%) et la Provence-Alpes-Côte d'Azur (+16,7%).

 

"4 entreprises sur 10 ne souffleront pas leur 5e bougie"

 

De son côté, le directeur des études d'Altares, Thierry Millon, souligne que "le dynamisme entrepreneurial est exceptionnel depuis 20 ans", le seuil des 300.000 créations de sociétés commerciales étant désormais proche. "Si nous devons nous féliciter de cette envie d'entreprendre, notons toutefois qu'environ 4 entreprises sur 10 ne souffleront pas leur 5e bougie", nuance-t-il.

 

"Sur ce 1er semestre 2024, près de 30.000 dirigeants auront perdu leur emploi après la liquidation judiciaire de leur entreprise, des femmes et des hommes épuisés par des mois de bataille financière et judiciaire pour tenter de sauver l'activité et l'emploi." Les professionnels sauront vraisemblablement d'ici quelques jours si ce sujet sera ou non inscrit à l'ordre du jour du nouveau gouvernement.

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