EN CHIFFRES. Un nombre croissant de dirigeants de TPME et d'ETI indiquent pratiquer davantage de sport et opter pour une alimentation saine. Ils restent néanmoins confrontés à des douleurs physiques, voire à des maladies. Les troubles psychiques sont également plus fréquents depuis le Covid.

À l'image du reste de la société, le rapport des chefs d'entreprises aux questions de santé évolue avec le temps. Comme en témoigne la 10e édition du baromètre de la Fondation MMA des Entrepreneurs du futur et du Lab de BPI France consacré à la forme physique et psychologique des dirigeants de TPME et d'ETI, les professionnels sont plus nombreux qu'auparavant à parler de leurs problèmes de santé, voire de leurs maladies, dans le cadre du travail.

 

Réalisée entre février et mars 2024 auprès de 1.500 entrepreneurs, l'enquête apporte également quelques bonnes nouvelles. À commencer par le fait que "90% de nos sondés se disent aujourd'hui en bonne forme physique et la forme psychologique se stabilise à 76%", relève Sylvie Bonello, déléguée générale de la Fondation MMA.

 

"Des taux qui ne doivent pas faire oublier les réalités du quotidien de nos dirigeants : maintenir l'équilibre vie pro/vie perso reste un vrai défi et il leur est encore souvent difficile d'instaurer un suivi régulier chez leur médecin", nuance-t-elle cependant.

 

29% des chefs d'entreprises du BTP font part d'une santé mentale "passable ou mauvaise"

 

Car la pandémie de Covid est passée par là : si les chefs d'entreprises font davantage attention à leur forme physique, leur santé mentale, en revanche, a tendance à connaître des hauts et des bas. Les indicateurs sur la santé psychologique n'ont même jamais retrouvé leur niveau d'avant-crise.

 

C'est particulièrement vrai chez les jeunes patrons, qui sont 96% à se dire en bonne santé physique mais aussi 30% à évoquer une détresse psychique. De plus, certains secteurs d'activité cristallisent plus les difficultés conjoncturelles que d'autres.

 

C'est le cas du bâtiment et des travaux publics, où 29% des dirigeants font part d'une santé mentale "passable ou mauvaise", contre 76% dans l'ensemble de l'économie. Ces chiffres doivent d'ailleurs être mis en corrélation avec les faillites d'entreprises, qui ont bondi de presque 41% dans la construction en 2023.

 

Le mal au dos concerne 47% des dirigeants

 

"La santé des dirigeants de TPME, souvent propriétaires de leur entreprise, est le premier actif hors bilan de l'entreprise", analyse Élise Tissier, directrice du Lab de BPI France. Qui se félicite des points positifs soulevés par l'étude, tels qu'"un état de santé des dirigeants globalement bon, aussi bien sur le plan physique que sur le plan psychologique", ou encore "une pratique du sport de plus en plus fréquente, qui est même devenue la première pratique de bonne santé devant l'alimentation".

 

Malgré tout, des "troubles physiques récurrents" concernent encore 71% d'entre eux. Le mal au dos (47% des sondés), les douleurs articulaires (38%), les troubles du sommeil (36%), les migraines (22%), les troubles oculaires (18%) et gastriques (14%) sont les plus fréquents.

 

Les patrons et la maladie

 

Toujours d'après le baromètre Fondation MMA - Lab BPI France, 4% des patrons interrogés ont été, ou sont concernés par une maladie longue, le plus souvent un cancer (pour 35% d'entre eux), suivi par des maladies chroniques type diabète, inflammations de l'intestin et sclérose en plaques (25%), ainsi que les maladies cardio-vasculaires (13%).

 

Les maladies longues touchent davantage les plus de 65 ans et les chefs d'entreprises employant de 1 à 5 salariés. Des dirigeants qui ne gardent pas cette information confidentielle.

 

87% ont choisi de parler de leur maladie à leur entourage professionnel

 

En effet, 38% d'entre eux en ont informé leurs équipes et leurs conseils (avocats, experts-comptables, consultants...), et 35% leurs banquiers. Bien que 51% des actifs estiment qu'il est toujours difficile de révéler sa maladie, 87% ont néanmoins choisi d'en parler à leur entourage professionnel.

 

Ce qui ne les a pas empêché de craindre des répercussions sur leur activité : 44% ont pensé que leurs problèmes de santé pouvaient remettre en cause l'avenir de leur entreprise, et 21% ont effectivement constaté une baisse de leur chiffre d'affaires (13% un maintien, voire une hausse).

 

Ils ont aussi été 13% à rencontrer des difficultés pour trouver des financements, à reporter ou à annuler des investissements ; 11% ont vu leurs relations avec leurs équipes et clients se dégrader. Mais ils sont tout de même 51% à n'avoir constaté aucune conséquence de leur maladie sur l'activité de leur entreprise.

 

29% des patrons ayant une maladie longue ont réorganisé leur vie quotidienne

 

Dans ce contexte, 29% ont réorganisé leur vie quotidienne, 22% ont été contraints de mettre en pause, voire d'arrêter leur activité. Cette situation a même développé l'esprit d'équipe au sein de leur société pour 24% d'entre eux.

 

Enfin, s'ils sont 82% à avoir mis en place des pratiques de "prévention santé" au quotidien (sport, hygiène de vie...), ils sont "seulement" 49% à avoir pris des dispositions en matière de prévoyance pour être couvert et accompagné en cas de maladie. Plus d'un patron sur deux envisage même de se faire remplacer totalement ou partiellement si un grave problème de santé devait arriver.

 

Il faut dire que ces situations s'avèrent souvent très complexes à gérer. "En parallèle du parcours de soin et dans un état de santé physique et mental dégradé, les démarches administratives pour maintenir l'entreprise et les revenus se révèlent particulièrement lourdes pour les dirigeants", explique Christine Patoux-Gavaudan, psychologue du travail et chargée de mission chez Caire 13 (Cancer aide info réseau entrepreneurs).

 

D'après elle, "s'ajoutent à cela des complexités administratives, des interlocuteurs multiples ou encore la non-attribution de certaines aides sur lesquelles ils pensaient pouvoir s'appuyer".

 

15% des dirigeants du BTP ne prennent jamais rendez-vous chez le médecin

 

Pour lutter contre ces symptômes, souvent évocateurs d'un stress important, 54% des chefs d'entreprises interrogés indiquent avoir repris une activité physique régulière, et 48% avoir adopté une alimentation plus saine.

 

Ce n'est toutefois pas pour autant qu'ils se soignent dès que des troubles apparaissent : 32% disent avoir renoncé à consulter un médecin au cours des 12 derniers mois (par manque de temps et nécessité de privilégier leur activité pour 60% d'entre eux), et 10% reconnaissent ne jamais prendre rendez-vous chez le docteur. Ce taux est en augmentation dans les secteurs en difficulté, dont le BTP (15% des dirigeants).

 

Il y a encore du progrès à réaliser aussi sur le plan de la prévention : les deux tiers ne vont chez le médecin qu'en cas de problème (63%), et 27% assurent avoir instauré un "check-up" médical régulier. Enfin, plus d'un tiers des professionnels avouent avoir du mal à concilier leurs vies professionnelle et personnelle ; un chiffre qui reste stable depuis cinq ans.

 

 

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