LEGISLATIF. Alors que le projet de loi de Finances pour 2020 devrait arriver au Sénat cette semaine, Jacques Chanut, le président de la FFB, estime que le gouvernement doit maintenant choisir entre aider le secteur à poursuivre son rôle moteur pour le pays ou "casser des dispositifs qui marchent" comme le PTZ, le Pinel et le CITE.
Remporter une bataille ne signifie pas gagner la guerre. Le bâtiment le sait bien, qui, après l'amendement des députés favorable à la prolongation du prêt à taux zéro (PTZ) en zones rurales après le 31 décembre 2019, a jeté à nouveau ses forces dans la bataille ce lundi 18 novembre pour tenter d'obtenir un projet de loi de finances plus favorable au secteur.
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Alors que le PLF 2020, examiné en première lecture par l'Assemblée nationale, devrait arriver au Sénat cette semaine, "nous sommes à un moment central, où (le gouvernement) peut choisir de casser des dispositifs qui marchent, comme le PTZ, le Pinel, le CITE (crédit d'impôt transition énergétique)", ou bien donner les moyens au secteur de demeurer "essentiel à l'avenir du pays", a alerté Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment (FFB), lors d'une conférence organisée à l'Assemblée nationale et réunissant 300 chefs d'entreprise du secteur. "Il est temps que la politique reprenne ses droits, tout ne peut pas se décider dans un bureau à Bercy", a-t-il martelé. Une allusion aux arbitrages budgétaires du PLF 2020, dont le secteur du logement estime faire une nouvelle fois les frais.
Possible point bas de la construction en 2021 ou 2022
Alain Dinin, le président du promoteur Nexity, regrette lui aussi le manque de vision politique dont le logement fait l'objet : "Je n'ai pas entendu le Président de la République dire quelque chose au sujet du logement des personnes, au-delà de ce qui peut concerner la ville et l'urbanisme." Jacques Chanut lui a fait écho en estimant que "le logement devrait être un sujet central de la campagne présidentielle de 2022." L'un comme l'autre a brandi le spectre d'une paralysie du secteur de la construction dans les 12 à 18 prochains mois.
Citant les économistes du Crédit Agricole, Alain Dinin prédit que le nombre de logements construits l'an prochain en France diminuera de 60.000 par rapport à 2019, et que 2021 ou 2022 devrait se solder par "un point historiquement bas." Pour rappel, le nombre de nouvelles constructions s'était établi à 398.100 en 2018, soit un recul de 7% par rapport à 2017. Plus largement, la crise du logement, elle, est déjà là, selon le député Modem de Haute-Garonne Jean-Luc Lagleize, auteur du récent rapport sur le foncier remis au Premier ministre : "La crise du logement n'arrivera pas dans 12 mois, elle est là, car nos concitoyens, globalement, sont exclus des zones tendues", caractérisées par un déséquilibre entre l'offre et la demande de biens.
Rééquilibrer la chaîne de valeur du logement
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Son collègue Patrick Mignola, président du groupe Modem à l'Assemblée et également patron de la société de carrelages éponyme, a toutefois invité la filière à une forme de mea culpa : "Depuis une vingtaine d'années, à chaque fois que l'on met de l'argent public dans le logement, cela n'aboutit pas à une baisse des prix mais au contraire à une inflation générale." Le député de la Savoie appelle donc à un rééquilibrage de la chaîne de valeur entre les collectivités locales, les promoteurs et les entreprises du bâtiment. Selon lui, les premières ne devraient plus vendre le foncier aux enchères, ce qui alimente la spéculation sur les prix, et les seconds devraient davantage partager leurs marges avec les troisièmes.
En attendant un changement des mentalités et des pratiques, le secteur du bâtiment continuera dans les prochaines semaines à travailler les parlementaires au corps, en vue, notamment, du rétablissement de l'APL Accession, qui n'a pas été adopté par l'Assemblée en première lecture. Dominique Estrosi-Sassone, rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques du Sénat, l'a regretté dans un communiqué. Ce qui semble de bon augure pour l'examen du volet logement du PLF 2020 par le Sénat. De fait, en matière de rénovation énergétique des bâtiments, la commission des finances du Sénat a adopté un amendement visant à élargir le CITE aux propriétaires bailleurs, au-delà des propriétaires occupants.