CONJONCTURE. Dans sa note d'activité sur le 3e trimestre 2020, la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) reconnaît que l'année a été difficile à encaisser, mais elle affirme également disposer de plusieurs indicateurs encourageants en cet automne, comme le marché du neuf ou les carnets de commandes.
"Quelle année 2020 compliquée, mais quelle satisfaction pour ce 3e trimestre !" C'est ainsi que le président de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), Jean-Christophe Repon, a résumé la tendance observée dans l'artisanat du bâtiment cet automne. Lors de sa note de conjoncture trimestrielle, l'organisation professionnelle est revenu sur les différents indicateurs économiques dont elle dispose, certains étant même encourageants, ce qui peut paraître surprenant au vu du contexte actuel.
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Très légère hausse pour le neuf, statu quo pour l'entretien-amélioration
Tout d'abord, la reprise d'activité a été de +0,5% au 3e trimestre 2020, contre une tendance annuelle de l'ordre de -9,5%. "C'est une vision plutôt positive mais malgré tout très nuancée, avec de grosses inquiétudes sur la transition écologique et la rénovation énergétique, avec ces nouvelles moutures du label RGE qui arrivent et qui ne se sont pas ce qu'on en espérait", commente Jean-Christophe Repon. Et si les artisans de la construction se réjouissent évidemment de cette très légère reprise de leur activité, la plus grande prudence reste de mise, a fortiori au lendemain des annonces d'Emmanuel Macron sur la mise en place de couvre-feux dans une dizaine de métropoles françaises pour tenter de freiner le retour de l'épidémie de coronavirus. "On a bien eu une forme de rebond, mais nous sommes incapables de dire comment sera le prochain trimestre", prévient le président de la Capeb. "Globalement, l'année 2020 sera en décroissance, car nous n'aurons pas rattrapé à la fin de l'année la perte d'activité du début de l'année."
Aussi surprenant, l'indicateur de la construction neuve, qui progresse de 1% au 3e trimestre, mais chute tout de même de 9% sur l'année. Là encore, l'artisanat parle d'un léger effet de rattrapage, d'un rebond technique, mais qui ne sera pas en mesure de compenser les conséquences du confinement sanitaire décrété au printemps. Le marché d'entretien-amélioration, pour sa part, constitue une autre surprise en stagnant (0%) au 3e trimestre, à l'image de ce qui avait été enregistré à la même époque en 2019. La Capeb estime néanmoins qu'il s'agit là d'un "niveau satisfaisant", toutes choses égales par ailleurs bien sûr, quand on sait que la dégringolade est de 9,5% sur toute l'année. Sur le plan géographique, les régions de la façade Ouest affichent des résultats positifs pour cette fin 2020 - +2,5% en Bretagne, +2% dans les Pays de la Loire, +1,5% en Normandie et en Nouvelle-Aquitaine, pour une moyenne nationale de +0,5%. A l'inverse, l'Île-de-France (-1%), la Provence-Alpes-Côte d'Azur (-1%) et l'Occitanie (0%) sont en difficulté, la plupart du temps en raison de problèmes de densité et de transports, qui grèvent l'activité des entreprises.
De bonnes nouvelles sur le front de l'emploi et de l'apprentissage
Les carnets de commandes sont quant à eux en forme, avec un gain de 7 jours, soit au total 72 jours d'affaires à début octobre. L'état de la trésorerie des artisans s'élève en outre à 20.000 € de besoins au 3e trimestre, ce qui est perçu comme un "bon signe" dans le sens où la reprise d'activité implique, par définition, des besoins de trésorerie. Ceci dit, la vigilance est de mise et ce poste reste à surveiller. Sur le front de l'emploi, l'artisanat du bâtiment a engrangé 1,4% entre le 1er trimestre 2019 et le 1er trimestre 2020, ce qui représente 19.000 postes en plus dans le secteur de la construction - des chiffres qui risquent toutefois de ralentir au cours de l'année 2020, bien que la rentrée de l'apprentissage soit jugée "satisfaisante". Egalement à prendre avec précaution, les chiffres des créations et des défaillances d'entreprises s'avèrent moins catastrophiques que prévu - respectivement -25% et -64% au 2e trimestre -, mais sachant qu'il existe toujours un décalage entre la compilation des statistiques des derniers mois et la conjoncture du moment.
Tous ces indicateurs économiques témoignent d'un bon moral des entrepreneurs de la construction : début octobre, ils étaient 68% à déclarer une capacité de production supérieure à 100%. Des artisans qui se sont d'ailleurs saisis d'une partie des dispositifs d'aides mis en place par le Gouvernement pendant le confinement : s'ils n'ont été que 8% à bénéficier d'un Prêt garanti par l'Etat (PGE), 46% d'entre eux ont profité du Fonds de solidarité. Sur les PGE, le détail des chiffres montre toutefois de grosses disparités entre les différentes tailles d'entreprises : 30% des structures employant 10 à 19 salariés s'en sont vu octroyer un, contre seulement 3% des entreprises sans salariés. Sachant que, d'après les chiffres de la Capeb, environ 70.000 demandes de PGE ont été déposées pour un montant moyen de 80.000 €.
Une possible remontée de l'activité en 2021 mais des doutes sur l'évolution du cadre réglementaire
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En dépit du contexte économique et social actuel, la moitié des chefs d'entreprises interrogés par la confédération indiquent n'avoir eu aucune difficulté pour la reprise de leur activité. En revanche, 34% déplorent des retards dans leurs chantiers, 16% regrettent un refus de leurs clients particuliers de poursuivre les travaux commencés, et 12% font état de problèmes d'approvisionnement en matériaux. Des opinions qui ont fait tabler la Capeb sur une hypothèse de -9% en volume pour l'activité du bâtiment sur toute l'année 2020, et sur une fourchette de +6% à +8% en 2021, soit le même niveau d'activité que celui enregistré en 2017-2018. "L'activité revient, les mesures du Gouvernement ont joué un rôle. Nous, artisans, sommes quasiment tous à 100% de production, ce qui prouve notre agilité. Nous n'avons pas licencié mais nous n'avons pas encore pu embaucher, vu le contexte. Les perspectives sont donc plutôt favorables mais les artisans préfèrent être en sur-régime plutôt qu'embaucher sans avoir une visibilité claire", analyse Jean-Christophe Repon.
Quant aux récentes annonces gouvernementales sur les nouveaux barèmes de Ma prime rénov' et les discussions en cours sur l'évolution du label RGE, la prudence est une nouvelle fois de rigueur : "L'activité promise avec Ma prime rénov' et le label RGE ne sera possible que si elle est simplifiée. Sur le RGE, le problème est qu'on confond les éco-délinquants avec les artisans qui ne pourraient pas être performants sur certains chantiers. J'ai donc peur que cette nouvelle mouture 2021 soit de nouveau un frein pour l'artisanat du bâtiment", poursuit le président de la Capeb. "Sur Ma prime rénov', le dispositif est accueilli plutôt favorablement, mais impossible de dire pour l'heure quel sera le passage à l'acte, sachant que les clients attendent le projet de loi de Finances, qu'il leur reste éventuellement un CITE (Crédit d'impôt pour la transition énergétique, ndlr) à utiliser, ou qu'ils ont des doutes sur le versement de la prime..."