CRISE. Les artisans du bâtiment ont montré assez de souplesse pour passer la crise sanitaire sans dommages irrémédiables, assure la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb). Mais ils en appellent à l'État pour les soutenir dans les mois à venir afin d'éviter un trou d'air qui pourrait faire des dégâts.
Les artisans du bâtiment viennent d'être confrontés à la plus violente baisse d'activité qu'ils aient connue depuis l'après-guerre, a assuré la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), lors d'une conférence de presse qui s'est tenue le 16 juillet 2020. Au deuxième trimestre 2020, le secteur enregistre ainsi une chute de -24% de l'activité dont -22% dans le neuf et -25% dans la rénovation. La forte baisse sur ce dernier segment d'activité, traditionnellement moins réactif aux aléas de toutes sortes, s'explique par le confinement sanitaire : les Français ont moins toléré la présence d'artisans chez eux durant plusieurs semaines. La baisse des mutations (prévue à -25% en 2020) explique aussi en partie ce choc.
Les TPE du secteur ont, en toute logique, souffert économiquement. Elles absorbent, à 88%, les surcoûts liés à la covid-19, notamment grâce aux prêts garantis par l'État. Cette trésorerie supplémentaire n'a en effet pas été affectée à l'investissement, seulement 1% des sondés par la Capeb envisageant d'investir dans les six prochains mois. Sur le front de l'emploi, 94% des artisans souhaitent garder leurs équipes. L'idée est de faire le dos rond, voir de quoi demain sera fait, pour être en mesure de rebondir si la possibilité s'offre. Enfin, à fin juin, 15% des capacités de production des entreprises n'étaient toujours pas mobilisées, principalement du fait de problèmes d'approvisionnement (31% des sondés), du refus de la clientèle privée de poursuivre un chantier (20%) et de la difficulté à appliquer le guide de l'OPPBTP (15%).
La crainte du trou d'air
Malgré ces chiffres qui peuvent donner le vertige, "les artisans sont arrivés à passer la crise", assure Jean-Christophe Repon, nouveau président de l'organisation. "Mais il ne faudrait pas grand chose pour les faire basculer." Concrètement, les dispositifs de soutien gouvernementaux tels que les prêts garantis (PGE) ou le chômage partiel ont été très utilisés et se sont avérés indispensables. Mais quid de la suite ?
La première inquiétude porte sur les carnets de commande. Impossible de dire aujourd'hui si, oui ou non, ils continueront de se remplir au quatrième trimestre 2020, ou si les professionnels connaîtront un trou d'air qui pourrait leur être fatal. Cela dépendra notamment de l'ampleur de la vague de licenciements attendue à la rentrée. Autre inquiétude : la période de "l'après PGE", durant laquelle des artisans devront probablement renégocier ces prêts avec leur banque. Les établissements financiers pourraient leur proposer, dans certains cas, des offres à taux variables dont on connaît les risques sur les moyen et long termes. "Via notre interprofessionnelle [l'Union des entreprises de proximité, NDLR], nous mettons la pression à Bercy sur ce sujet", explique la Capeb - l'État étant naturellement concerné car il garantit ces prêts. Les artisans espèrent également trouver un soutien de poids en la personne d'Alain Griset, ex-président de l'U2P et nommé récemment ministre des PME, très au fait des problématiques des artisans. Les TPE souhaiteraient n'obtenir que des taux fixes, ou bien que l'État prenne en charge l'écart entre le taux d'intérêt moyen et un éventuel taux variable. "On ne peut pas prendre le risque de laisser les TPE négocier avec leur banque, elles ne seront pas en position de force." Si la Capeb se félicite de voir Alain Griset propulsé à ce poste, elle n'en attend donc pas moins de lui.
Pourquoi les artisans boudent-ils le label RGE et les CEE ?
Les prévisions pour l'année 2020 de la Capeb sont une baisse de -15 à -17% (hypothèse optimiste) ou -17 à -20% (pessimiste). Pour 2021, les professionnels envisagent une hausse d'activité de l'ordre de 8 à 12%. L'un des moteurs qui permettraient de faire redémarrer franchement l'activité étant, bien entendu, la rénovation énergétique, marché sur lequel des annonces fortes sont espérées à la rentrée. La ministre du Logement, Emmanuelle Wargon, a déjà promis une enveloppe de 4 à 5 milliards d'euros.
L'obligation de travaux, fausse bonne idée
La Capeb milite de son côté pour un taux de TVA réduit pour l'ensemble des travaux de rénovation, pas seulement énergétique, et un retour des ménages aisés dans le champs de MaPrimeRénov. Une simplification des contraintes liées au label Reconnu garant de l'environnement et aux certificats d'économie d'énergie (CEE) est également souhaitée. La complexité des démarches étant la principale des raisons pour lesquelles les artisans boudent ces dispositifs. "Clients comme artisans sont perdus", assure Jean-Christophe Repon. "Au point que de nombreux de nos adhérents préfèrent faire une remise à leurs clients plutôt que de passer par les CEE. Exemple : dans certains cas, pour une même opération, vous devez faire signer au particulier un devis pour qu'il bénéficie de MaPrimeRénov, et deux autres devis pour les CEE." Ces complexités expliqueraient le fait que le nombre d'artisans RGE soit en baisse ces dernières années, alors qu'il devrait, selon la Capeb, être en forte progression. "C'est une manne d'activité dont nous ne nous emparons pas", regrette le président. "Mais il faut comprendre les artisans : quand une entreprise artisanale a des chantiers et vit correctement, pourquoi irait-elle se tourner vers le RGE ?... Lorsque ce marché décollera vraiment, davantage d'entreprises initieront la démarche."
Les artisans en appellent également à un renforcement des contrôles, leur président citant le récent choix de l'Anah de diminuer les aides de MaPrimeRénov sur l'isolation thermique par l'extérieur. "Les éco-délinquants, on les connaît vite, ce sont ceux qui ont profité du marché du photovoltaïque, avant de se tourner vers l'isolation des combles, puis l'ITE...", note Jean-Christophe Repon. "Ils renvoient une image très négative de l'artisanat du bâtiment."
Quant à l'obligation de travaux de rénovation énergétique, poussée par la convention citoyenne pour le climat, et évoquée plus récemment par la ministre du Logement, la Capeb n'y croit pas. "Les rénovations globales, nous en faisons peu car elles coûtent cher et doivent se faire en site inoccupé. Intégrons plutôt les ménages dans un parcours de rénovation d'une durée, par exemple, de 5 ans."
Julien Denormandie, un ministre "très à l'écoute"
Questionnée sur le sujet, la Capeb a tenu à rendre hommage à l'ex ministre du Logement, Julien Denormandie, aujourd'hui à l'Agriculture. "Nous avions un excellent contact avec lui, il était très à l'écoute. Nous partagions un certain nombre de ses idées, comme celle, en maison individuelle, de privilégier la densification des centre ville. Peut-être que la nouvelle organisation [le ministère du Logement est passé sous la tutelle du ministère de la Transition écologique, NDLR] permettra de gagner en fluidité."
Questionnée sur le sujet, la Capeb a tenu à rendre hommage à l'ex ministre du Logement, Julien Denormandie, aujourd'hui à l'Agriculture. "Nous avions un excellent contact avec lui, il était très à l'écoute. Nous partagions un certain nombre de ses idées, comme celle, en maison individuelle, de privilégier la densification des centre ville. Peut-être que la nouvelle organisation [le ministère du Logement est passé sous la tutelle du ministère de la Transition écologique, NDLR] permettra de gagner en fluidité."
L'interdiction du démarchage téléphonique pour la rénovation confirmée