CONJONCTURE. L'activité des très petites entreprises semble avoir atteint un plateau au 2e trimestre. Les craintes des professionnels restent vives face aux mesures économiques que pourrait porter un hypothétique gouvernement du Nouveau Front populaire, à commencer par le rehaussement du Smic à 1.600 € nets par mois.

Les professionnels n'ont visiblement pas beaucoup de raisons d'être rassurés en ce moment. L'activité des très petites entreprises semble avoir atteint un plateau au 2e trimestre, si l'on en croit le baromètre du Syndicat des indépendants (SDI).

 

 

L'organisation patronale, qui compte 25.000 adhérents artisans, commerçants, libéraux et dirigeants de TPE tous secteurs confondus, alerte sur la dégradation du climat des affaires alors qu'Emmanuel Macron n'a toujours pas nommé un nouveau Premier ministre suite aux élections législatives anticipées.

 

Pour son état des lieux des TPE, le SDI a interrogé environ 1.800 professionnels sur leur ressenti d'activité sur la période d'avril à juin.

 

58% des indépendants ont vu leur activité diminuer au 2e trimestre

 

Cinquante-huit pour cent des répondants ont signalé une baisse d'activité (contre 56% au 1er trimestre), 52% des difficultés de trésorerie (contre 56% entre janvier et mars). Dans ces conditions, 85% des entrepreneurs sondés affichent un état d'esprit négatif (86% en début d'année) : 44% se disent inquiets, 27% désabusés, 11% en colère.

 

Le baromètre s'est aussi intéressé à la situation personnelle des indépendants et petits patrons. En comparaison à 2023, les revenus personnels de la moitié de ces dirigeants ont stagné au 2e trimestre 2024, 45% subissant même une baisse. Sur ce point, la situation s'améliore par rapport au 1er trimestre, où la stagnation concernait 45% des chefs d'entreprises, et la baisse, 52%.

 

Ainsi, ils sont 46% à avoir touché moins que le Smic (1.398 € nets) entre avril et juin - ils étaient 54% dans ce cas début 2024. Dans le détail des chiffres, 20% ont gagné entre 1.400 et 2.000 €, 15% entre 1.000 et 1.400 €, 15% également entre 500 et 1.000 €, et 16% moins de 500 €.

 

45% sont en train de rembourser un PGE

 

Le contexte économique amène inéluctablement des entrepreneurs à demander un crédit. Sur les trois derniers mois, 14% ont sollicité une aide de trésorerie, 11% un crédit d'investissement.

 

Les banques peuvent cependant faire preuve d'une certaine frilosité. Dans 73% des cas, la demande de crédit de trésorerie a été acceptée, un chiffre en recul par rapport aux 86% du 1er trimestre. Idem pour les crédits d'investissement : 90% ont été validés au 2e trimestre, contre 94% entre janvier et mars.

 

En outre, 45% des sondés disent être en cours de remboursement d'un Prêt garanti par l'État, soit 5 points de moins qu'au 1er trimestre. La durée de remboursement du PGE s'étale sur deux à trois ans pour quasiment les trois quarts des personnes interrogées.

 

 

73% ont suspendu leurs investissements en raison du contexte politique

 

Côté emploi, les embauches ne sont pas vraiment à l'ordre du jour : 81% des indépendants ne prévoient pas de recruter, mais paradoxalement ils sont dans le même temps 70% à rencontrer des difficultés pour trouver du nouveau personnel. Un constat qui découle probablement de leurs perspectives d'activité.

 

Certes, 83% n'envisagent pas une cessation de leur activité d'ici la fin de l'année. L'optimisme regagne donc un peu de terrain puisque ce chiffre était de seulement 73% au 1er trimestre.

 

En revanche, les résultats des législatives anticipées suscitent toujours des craintes : 73% ont suspendu leurs investissements, 24% prévoient carrément de les annuler, tandis que 42% ont préféré différer leurs embauches, et 28% les annuler purement et simplement.

 

L'attentisme, voire le blocage, domine

 

Si le moral des artisans et patrons de TPE semble donc légèrement s'améliorer, le SDI craint que cette embellie soit de courte durée.

 

Entre l'activité toujours faible, des signaux d'un début de restriction d'accès au crédit, des PGE dont le remboursement s'étale encore jusqu'en 2026 et des intentions de recrutement en retrait, l'attentisme, voire une certaine forme de blocage, s'installe dans le quotidien des chefs d'entreprises.

 

Dans l'hypothèse où Emmanuel Macron finirait par nommer un Premier ministre issu du Nouveau Front populaire (NFP), un point cristallise les inquiétudes des petits patrons : le Smic à 1.600 € nets par mois, soit une hausse de 200 € par rapport à son niveau actuel.

 

Une éventualité que les dirigeants ont du mal à intégrer dans leur plan de charges, a fortiori si elle devait s'additionner à d'autres mesures annoncées telles que l'indexation des salaires sur l'inflation, la hausse des impôts ou encore le blocage des prix.

 

S'opposer à la hausse du Smic à 1.600 € nets par mois, "une question de survie"

 

"Nos entreprises sont sur le fil du rasoir", commente Marc Sanchez, le secrétaire général du SDI, qui dit travailler à "l'organisation d'un front entrepreneurial dont l'objectif est de s'opposer au projet économique mortifère que tente d'imposer un groupe minoritaire [le NFP, qui compte 193 députés, NDLR] à l'Assemblée nationale".

 

Pour le responsable, "c'est une question de survie des dizaines de milliers d'entreprises indépendantes, dont 30% des salariés sont rémunérés au niveau du Smic". Un sujet qui concerne aussi "les PME dont les grilles salariales seront nécessairement impactées".

 

Au sein du syndicat, on juge donc le programme du bloc politique arrivé en tête des législatives "totalement ahurissant", en le mettant a fortiori en regard de la récente alerte envoyée par la Cour des comptes sur l'état des finances publiques.

 

Le BTP emploie 11% de salariés payés au Smic

 

Dans son étude, le SDI détaille les conséquences économiques d'un Smic rehaussé à 1.600 € nets par mois.

 

"Selon les données fournies par la Dares (Direction de la recherche, des études et des statistiques du ministère du Travail) au titre de l'année 2023, une hausse de la rémunération minimum concernera particulièrement la masse salariale des TPE : 29,4% des salariés des entreprises de moins de 10 salariés sont rémunérés au Smic (soit 3 fois plus que dans les entreprises de 500 salariés et plus) ; 32,4% pour les entreprises n'ayant qu'un seul salarié", peut-on lire.

 

Si elle était appliquée, la mesure concernerait essentiellement les entreprises ayant d'importants besoins de main-d'oeuvre, comme celles du secteur de la construction, qui emploient 11% de salariés payés au Smic.

 

Jusqu'à 532 € de surcoût par salarié et par mois

 

D'après les calculs du SDI, un salaire mensuel minimum à 1.600 € nets représenterait un coût supplémentaire pour l'employeur oscillant entre 268 et 532 € par salarié et par mois, charges patronales et salariales comprises, et en fonction des allègements de charges consentis sur les bas salaires.

 

Enfin, les adhérents du syndicat estiment que cette mesure pourrait finalement s'avérer décevante pour les salariés concernés, entre la baisse de la prime d'activité et l'augmentation de l'impôt sur le revenu qu'elle induirait.

 

Ceux-ci, "nonobstant la réduction d'autres aides sociales", verraient "[leur] pouvoir d'achat augmente[r] réellement de 100 € par mois, soit un résultat 2,7 à 5,3 fois inférieur à l'effort financier consenti par [leur] employeur".

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