Mais quelles sont les caractéristiques des opérations - publiques ou privées - menées en Île-de-France ces dernières années ? Les initiatives se concentrent tout d'abord dans la capitale même (39 %) ou en Seine-Saint-Denis (36 %). Etonnamment, les municipalités de la grande couronne sont absentes du recensement de l'IAU. L'initiative de l'urbanisme transitoire demeure largement d'origine publique, puisque 79 % des sites appartiennent aux collectivités ou administrations. Les acteurs privés ne représentent en effet que 10 % des cas. Du côté de la typologie, l'étude révèle que les terrains nus (44,5 %) sont légèrement plus nombreux à être occupés que des sites bâtis sans espaces extérieurs (40 %). Il faut noter que l'intégralité des 69 sites observés est située en dehors de l'espace public (voiries notamment). Les sites mixtes, capables d'articuler des usages et événements diversifiés sont finalement peu nombreux (14,5 %). Le document énumère le site des Grands Voisins (implanté dans l'enceinte de l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul à Paris 14e), la Station Gare des Mines (Paris 18e) ou la Halle Papin (Pantin). Autre remarque, les dimensions "généreuses" des espaces investis : entre 1.000 et 5.000 m², avec une moyenne de 3.200 m² et même de 6.800 m² pour les espaces extérieurs. Et il s'agit là d'une explication au succès grandissant de ces initiatives : l'augmentation des prix de l'immobilier en Île-de-France rend difficile des opérations d'aménagement classiques pour certaines structures de type associatif ou coopératif.
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Rendre la ville plus humaine
En rentrant dans le détail, l'IAU note que les petites surfaces (moins de 500 m²) sont dévolues à des activités ciblées, artistiques, restauration ou coworking. A l'autre extrémité du spectre, les sites exceptionnels de plus de 20.000 m², qui ne constituent que 8 % de l'ensemble, constituent de futurs parcs urbains. "La prévalence des grands sites montre que le recyclage urbain des sites industriels est toujours en cours. Un tiers des initiatives concernent ainsi des sites anciennement industriels, ferroviaires ou militaires", ajoutent les auteurs. Les projets qui sont menés se développent à la croisée d'enjeux multiples, font-ils valoir. Ils avancent le droit au logement, le souci d'une alimentation saine et accessible, la création d'espaces de rencontres et de partage, l'expérimentation de nouveaux usages pour imaginer d'autres façon de travailler ou de créer. Les arts, cultures et loisirs arrivent en tête (25 %) devant les espaces productifs (14 %), l'agriculture urbaine ou le sport (9 %). Une éventuelle mixité d'usage, susceptible de générer des conflits, doit être anticipée et gérée par les animateurs du site.
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Du côté des occupants, les profils sont extrêmement variés : l'étude explique qu'il s'agit "d'équipes pluridisciplinaires et modulables, hybrides, avec des pratiques renouvelées orientées vers la co-construction de projets et d'écologie urbaine, s'inscrivant dans des dynamiques locales et s'inventant une nouvelle place dans la maîtrise d'œuvre urbaine". Elles associent donc architectes, urbanistes, paysagistes, artistes, designers et habitants. Les structures se présentent comme associations, coopératives, agences d'architecture ou sociétés commerciales, mais qui différencient leur activité bénévole de leur activité professionnelle rémunérée. Bon nombre de démarches font appel à du recyclage et du réemploi de matières. Comme le note le document : "L'urbanisme transitoire semble ainsi faire émerger de nouveaux métiers, entre programmiste, architecte, urbaniste, animateur, co-concepteur et acteur du territoire, mais aussi de nouvelles méthodes de présence urbaine, de co-construction de projet, de conception en action. Il peut aussi donner plus de place aux habitants comme acteurs à part entière de leur territoire".
Lieux d'innovation urbaine et sociétale, les occupations éphémères permettent donc de tester de nouvelles méthodes pour créer la ville et les services. Inventifs, évolutifs, ces projets demandent "à la collectivité ou au propriétaire un minimum de lâcher prise afin que les occupants aient l'autonomie nécessaire pour inventer de nouveaux usages, imaginer des mixités fécondes et sortir de la ville standard". Tout un programme.