Si les ressources naturelles ne sont pas infinies, les capacités à les (ré)utiliser, elles, le sont. A l'ESITC de Caen, les ingénieurs planchent sur un béton drainant où le granulat est remplacé par des éclats de coquilles Saint-Jacques et d'autres mollusques. Ces déchets industriels recyclés permettent de produire des pavés qui lutteront contre l'artificialisation des sols. Découverte.
Comment concilier gestion des déchets et gestion des eaux de pluie en une seule idée ? En créant un éco-pavé drainant issu de la valorisation de coproduits coquilliers. C'est en tout cas la réponse industrielle pratique apportée par l'Ecole Supérieure d'Ingénieurs des Travaux de la Construction de Caen (Normandie) qui s'est lancée depuis 2011 dans le projet VECOP-EXP. Le principe est simple : remplacer une partie des granulats du béton par des éclats de coquilles provenant de différentes espèces, Saint-Jacques, pétoncles ou crépidules. "Ces coquilles sont concassées et incorporées au béton. La forme aplatie et irrégulière des éclats a une incidence sur la porosité du matériau final", nous explique Hector Cuadrado, enseignant chercheur. L'avantage est de se passer de 30 à 50 % du granulat, issu d'un procédé extractif lourd et gourmand en ressources, tout en employant des déchets coquilliers dont la France est le premier producteur d'Europe.
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Dans les pavés, la plage
"Des essais ont été menés avec d'autres espèces, comme la moule, mais leur coquille est trop fine et le béton qui en résulte moins résistant. Avec les huîtres, la coquille est trop irrégulière et oblige à employer plus de liant", détaille le spécialiste qui a trouvé les espèces idéales. "En plus des Saint-Jacques, qui ont une coquille bien plate, les crépidules sont avantageuses. C'est une espèce invasive, récupérée lors des opérations de dragage. Et la coquille est super-résistante et de forme plus intéressante que celle des pétoncles", poursuit-il. Ces ressources locales en Normandie et en Bretagne peuvent donc entrer dans la composition de béton drainant grâce aux espaces vides qui se ménagent entre les éclats. Le produit final est un pavé poreux, destiné à des usages sur des zones à faible trafic : parking, bordure, trottoir ou rue piétonne. "La propriété drainante permet de lutter contre l'artificialisation des sols", explique Stéphanie Le Boulanger, ingénieure de recherche à l'ESITC.
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Des places de parking aux récifs artificiels
Autre débouché illustrant l'économie circulaire, l'emploi du béton coquillier à la fabrication de parpaings destinés à devenir des récifs artificiels. Une fois immergés, ces blocs poreux sont rapidement colonisés par des espèces marines, végétales et animales. Interrogé sur la durabilité du matériau, Hector Cuadrado nous révèle : "Il se détériore au début de son exposition au milieu marin mais il se stabilise une fois colonisé". A l'avenir, les ingénieurs travailleront sur la possibilité d'imprimer en 3D des formes plus complexes que des parallélépipèdes creux, assez peu naturels, pour aller vers des volumes aux allures plus organiques. Les déchets coquilliers retourneront donc à la mer où ils serviront à l'implantation de nouvelles créatures.