La valorisation des déchets est en plein boom : plusieurs entreprises du Nord ont développé ensemble une nouvelle formulation de béton constitué à 100 % de matières recyclées. Le projet "Concrete Urban" a trouvé une première utilisation pratique dans du mobilier urbain. Entretien avec Christophe Deboffe, directeur général de Néo-Eco, société d'ingénierie environnementale.

De nouvelles notions apparaissent aujourd'hui avec l'évolution vers des modes de consommation et de production plus soucieux de la ressource. Aussi, les déchets cèdent-ils peu à peu la place aux "recyclats" et donnent naissance à de la "matière première secondaire". "Les gisements existent et c'est à nous de faire émerger les filières de valorisation pour créer une économie circulaire", nous explique Christophe Deboffe, le directeur général de Néo-Eco, une société d'ingénierie spécialisée dans ces questions.

 

Le Nord-Pas-de-Calais en première ligne
Le projet "Sédimatériaux" est une initiative de coopération dans la région Nord-Pas-de-Calais pour l'émergence d'une filière de gestion et de valorisation, à terre, des sédiments de dragage, portuaires ou fluviaux. "Il s'agissait d'alimenter une base de données pour faire évoluer la réglementation autour du sédiment, jusqu'ici considéré comme un déchet dès qu'il est sorti de l'eau", poursuit Christophe Deboffe. Or, les départements nordistes disposeraient d'un très important gisement de sédiments, avec la présence du port de Dunkerque et de nombreuses voies fluviales. La quantité de matériau extraite localement serait d'environ 5 millions de tonnes par an, soit 15 % des sédiments extraits au niveau national. "Aujourd'hui, à part le stockage ou quelques essais de buttes paysagères, les débouchés sont inexistants…", confie l'ingénieur, sorti de l'Ecole des Mines de Douai.

 

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C'Urban © Néo-Eco
Une filiale de Suez Environnement (Sita Nord Est) qui dispose d'une plateforme multi-déchets capable d'accueillir des sédiments, s'est donc lancée dans une démarche de valorisation, en sollicitant l'aide des ingénieurs de Néo-Eco. "La problématique a été d'identifier des co-produits potentiels, présentant une granulométrie complémentaire afin de formuler un béton", détaille Christophe Deboffe. Une convention a donc été signée, au début de 2012, débouchant rapidement sur des premières expérimentations en laboratoire. "Le béton développé, composé de sédiments fluviaux, de sable de fonderie et de gravats de déconstruction, est non-structurant. C'est-à-dire qu'il subit moins de contraintes, à la fois mécaniques et réglementaires, ce qui est parfait pour du mobilier urbain", glisse-t-il. Les premiers démonstrateurs finis ont été testés dans des conditions sévères, dès la mi-2012. La société Doublet, connue dans l'événementiel, a été approchée afin de lui proposer d'utiliser ce béton écologique "Concrete Urban", chose qu'elle a fait dans des bornes nomades pour vélos.

 

D'autres formulations à l'avenir
La formulation C'Urban intéresserait déjà d'autres utilisateurs potentiels, pour d'autres gammes de produits, mais toujours dans des applications non structurantes. "Nous réfléchissons à d'autres formulations et l'évolution vers un béton structurant est un objectif", nous assure le directeur de Néo-Eco. La principale difficulté résiderait toujours dans l'obtention de déchets de bonne qualité, notamment pour les gravats de chantiers de déconstruction, ne devant contenir ni plâtre, ni briques. Les ingénieurs travaillent à l'élaboration d'un processus d'optimisation. Les sédiments fluviaux, riches en matières organiques, apportent des propriétés intéressantes, tandis que les sédiments portuaires, plus proches du sable classique ou du gravier, contiennent du sel. "Le plus stable reste le sable de fonderie", précise l'ingénieur. Les premiers retours sur la durabilité du C'Urban seraient excellents, et encourageraient au développement de nouveaux bétons écologiques et durables.

 

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