JUSTICE. Le tribunal de Marseille a étudié jeudi l'affaire de deux hommes qui auraient extorqué plusieurs promoteurs immobiliers. Une lourde amende et plusieurs années d'emprisonnement ont été requises.
Un gérant de sociétés de 53 ans vient d'être jugé pour avoir extorqué pendant des années des promoteurs immobiliers à Marseille en multipliant les recours contre les permis de construire. Le tribunal a requis le 23 septembre quatre ans de prison dont deux ans assortis d'un sursis probatoire et une amende de 45.000 euros contre lui.
Bouygues Immobilier, Kaufman & Broad et des petits promoteurs locaux... Ils font partie des 23 entreprises qui auraient été victimes d'une extorsion ou d'une tentative d'extorsion de la part du chef d'entreprise ou de son frère (un médecin généraliste décédé en juillet).
"Plus jamais Marseille"
Un grand nombre des dizaines de recours intentés par les deux frères ou leurs sociétés contre des programmes immobiliers entre 2010 et 2015 avaient été écartés par le tribunal administratif, donnant lieu à leur condamnation à une amende de 3.000 euros pour recours abusif. Plusieurs entreprises avaient cependant signé un protocole transactionnel avec les accusés dans le cabinet de leurs avocats. 19 protocoles ont été recensés par le juge d'instruction, pour un montant supérieur à 2,2 millions d'euros. Durant l'enquête, des promoteurs avaient jugé ces recours "crapuleux" et avaient affirmé avoir la peur au ventre. "Plus jamais Marseille", avait assuré l'un d'eux.
Le principal accusé, devant le tribunal, s'est présenté comme un Robin des Bois en guerre contre la défiguration de Marseille par les opérations immobilières. "Vous avez vu ces constructions, elles sont moches et quand on construit du neuf, le prix de l'ancien diminue automatiquement", a-t-il argumenté.
Les sommes qu'il a encaissées personnellement ou pour sa société, d'une hauteur de 500.000 euros, ont été présentées par l'accusé comme "une compensation de la perte de valeur sur [ses] biens situés à proximité des projets attaqués". Au total, le juge d'instruction a estimé que le patrimoine immobilier des deux frères s'élèverait à 7 millions d'euros.
La décision connue en octobre
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Bien qu'un recours ne bloque pas un projet immobilier, les avocats des promoteurs, parties civiles, ont évoqué "la contrainte à laquelle étaient soumises les entreprises", les banques n'accordant de garanties financières d'achèvement ou de remboursement qu'une fois le permis de construire purgé de tout recours. Leur "altruisme urbanistique cessait lorsque l'intérêt pécuniaire des deux frères se trouvait rassasié", a estimé la procureure.
"Il est troublant qu'on demande au tribunal de dire que l'arme d'un racketteur serait une requête déposée au tribunal administratif", a argumenté de son côté Me Pierre Ceccaldi, tout en insistant pour dire que le gérant d'entreprise "avait le droit de penser qu'un projet de construction allait dévaloriser ses biens". Le jugement sera connu le 26 octobre.