TRANSITION. Alors que le projet de Programmation pluriannuelle de l'énergie est toujours en cours de discussion pour les deux prochaines périodes de 5 ans, le Syndicat des énergies renouvelables avance des amendements qu'il souhaiterait voir adoptés, afin d'accélérer le déploiement de sources décarbonées. Eolien terrestre ou maritime, photovoltaïque, biogaz… Jean-Louis Bal fait le point.
Pour Jean-Louis Bal, le président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), qui représente l'ensemble des filières, "la PPE est un feuilleton assez interminable". En discussions depuis plusieurs mois, avec la tenue d'un débat public organisé par la Commission nationale ad hoc, le projet de Programmation pluriannuelle de l'énergie avance peu à peu. Il devrait être présenté au Conseil supérieur de l'énergie le 14 mai 2019, avant d'être discuté au parlement en juin-juillet, pour une sortie "au mieux en fin d'été", annonce le responsable du SER.
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Un texte qui doit fixer les priorités d'action du gouvernement en matière d'énergies pour la métropole dans les 10 prochaines années (2019-2023 et 2024-2029) et qui rentre dans le cadre de la loi de Transition énergétique pour la croissance verte. Cette dernière prévoit notamment que 32 % des consommations nationales seront couvertes par des sources renouvelables en 2030, sachant qu'actuellement le niveau est d'environ 17 %. Jean-Louis Bal assène : "Nous ne sommes pas sur la tendance pour atteindre l'objectif intermédiaire de 23 % en 2020. La progression des énergies renouvelables n'est pas suffisante et la consommation, sensée diminuer, ne le fait pas". Le président du SER dresse le tableau : le parc global des capacités de production d'électricité "décarbonée" atteint désormais les 51,2 GW de puissance, permettant de couvrir 22,7 % de la demande électrique. La moitié provient de l'hydroélectricité (25,5 GW), suivie de l'éolien terrestre (15,1 GW), du solaire photovoltaïque (8,5 GW) et des bioénergies (2 GW). Un tableau finalement encourageant. Le SER note d'ailleurs que pour certaines filières, la PPE est ambitieuse : "Pour la petite hydroélectricité avec +35 MW/an prévus, pour l'éolien terrestre (+2 GW/an) ou le photovoltaïque au sol (+2 GW/an) et sur les bâtiments (+0,9 GW/an)". Des objectifs qui vont obliger à rapidement multiplier les installations : le nombre d'éoliennes devrait être multiplié par 2,5 d'ici à 2028, tandis que les surfaces photovoltaïques pourraient l'être par 5 ou 6 !
Un manque de volonté pour certaines filières technologiques moins matures
En revanche, pour d'autres technologies moins matures, cette PPE s'avère moins exigeante, notamment pour les énergies marines. L'éolien offshore a été revu à la baisse, avec un volume de déploiement limité à 600 MW/an en moyenne, bien en deçà du gigawatt annuel préconisé par le SER. Le syndicat déplore également "l'irrégularité dans le lancement des appels d'offres pour les énergies marines", avec un "trou" qui pourrait survenir en 2020-2021, et "l'absence de perspectives pour l'hydrolien, qui n'est pas à maturité technique, ni commerciale" et qui nécessite donc encore du soutien. Jean-Louis Bal ajoute que ses adhérents souhaitent "des volumes plus importants pour l'offshore flottant". Autre regret : "le manque d'objectifs clairs pour la valorisation de l'hydroélectricité existante, pour de nouvelles concessions et pour les stations de pompages (STEP)". De même, la cogénération bois et la géothermie profonde, capables elles-aussi de fournir de l'électricité, auraient besoin de perspectives de développement. Le président du SER ajoute : "Il faut poursuivre les efforts de simplification du cadre réglementaire et rétablir l'Autorité environnementale qui nous fait défaut actuellement".
Concernant la chaleur renouvelable, le syndicat se réjouit du fort succès des pompes à chaleur et de la biomasse dans l'Hexagone. Mais, dans le même temps, il note que les objectifs de "froid renouvelable" ne sont pas suffisamment clairs. Le SER "souhaite une visibilité accrue sur l'évolution de la Contribution Climat-Energie après 2019" ainsi que sur la réforme du CITE, qui sera transformé en prime à partir de 2020. "Il doit venir en appui de la PPE en accélérant la pénétration des appareils de production de chaleur et de froid, aussi bien en renouvellement que pour les primo-accédants", ajoute Jean-Louis Bal. Un montant de 300 à 400 M€ serait mobilisé pour cette seule enveloppe selon lui.
Multiplier par 10 les installations de production de biogaz d'ici à 2023
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Pour le gaz renouvelable enfin, le SER rappelle que la France part de quasiment zéro, puisque la part de biogaz n'est pour l'heure que de… 0,15 % par rapport à gaz naturel. Et la PPE révisée a même baissé les objectifs pour 2023, en les ramenant de 8 à 6 TWh. Le président du syndicat argumente : "Le développement reste conditionné à des baisses de coûts trop importantes et trop rapides. Le niveau de 67 €/MWh ne pourra être atteint qu'en 2030, pas avant". Il conseille que l'objectif de 10 % de biogaz en 2030 dans toute la consommation française soit réaffirmé et que les mécanismes d'appels d'offres soient introduits progressivement dans cette filière.
Le SER note que le coût du soutien public devrait aller en augmentant jusqu'en 2025, avant de diminuer par la suite, sous un niveau de 8 Mrds €/an pour toutes les énergies renouvelables. "Les dépenses déjà engagées se montent à 95 Mrds € et celles qui restent à engager pour atteindre les objectifs de 2028, sont de 30 Mrds €", détaille Jean-Louis Bal. Des montants astronomiques qui se répartissent entre le photovoltaïque (47,1 Mrds €), l'éolien terrestre (34,2 Mrds €), l'éolien offshore (25,4 Mrds €), la biomasse (6,8 Mrds €) et le biogaz (6,5 Mrds €). Le président du syndicat conclut : "Sans progression de la taxe carbone, aucun objectif ne sera atteint. Il faut des moyens pour mener la transition". Selon lui, en réponse à la lettre signée par 120 députés pour accélérer le déploiement de l'éolien et du biogaz, le Premier ministre aurait donné quelques signes d'ouverture, notamment concernant le biométhane et l'éolien offshore posé, "à condition que les coûts soient encore réduits". Par contre, Edouard Philippe serait resté plus circonspect face à l'éolien flottant, n'envisageant pas l'établissement de fermes commerciales avant 2030. Le SER suggère que l'Etat fasse un nouvel effort financier de 1 à 2 Mrds € pour hâter les choses et créer, en France, une filière industrielle compétitive, avant que ce marché n'échappe, lui aussi, aux acteurs nationaux.