POLÉMIQUE. Dans le projet de loi d'amendement du code de l'Energie, l'objectif de division par 4 des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050 est remplacé par un objectif de "neutralité carbone". Une reculade pour certaines associations environnementales, une avancée pour le ministre de la Transition énergétique. Explications.

L'abandon du "facteur 4" au profit d'un objectif de "neutralité carbone" en 2050 est-il un pas en avant ou un pas en arrière pour la France ? Dans le projet de loi qui amendera le code de l'Energie, l'article 1er prévoit en effet de remplacer les mots "diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et [2050]" par "atteindre la neutralité carbone à l'horizon [2050]". Or, le renoncement à une réduction drastique des émissions de CO2 (ou d'autres gaz à effet de serre marqué) est une première depuis que cette disposition est inscrite dans divers textes successifs, comme la loi Pope de 2005, la loi Grenelle 1 de 2009, ou la loi de Transition énergétique pour la croissance verte de 2015.

 

 

Si elles sont "compensées" les émissions ne diminueront pas

 

La neutralité carbone consiste, quant à elle, à compenser les émissions françaises par une capacité à fixer le carbone équivalente, qu'il s'agisse de moyens naturels (la photosynthèse des arbres et plantes de tout le territoire parviennent aujourd'hui à réabsorber entre 15 et 20 % de notre empreinte carbone) ou de moyens industriels de captage-séquestration ou réutilisation du CO2. Mais, selon Greenpeace France, il s'agirait là d'"un objectif trop vague et trop éloigné qui ouvre grande la poste aux fausses solutions, comme les agro-carburants ou les procédés industriels de stockage du carbone". D'où la crainte d'un abandon des réductions des émissions pour un report vers de la compensation, forcément moins vertueuse, puisqu'elle incitera moins à la sobriété. D'autant que les techniques de captage-séquestration du gaz carbonique ne sont pas au point à ce jour, et qu'une très forte augmentation des surfaces couvertes par de la végétation en France semble exclue. Des expérimentations menées avec des micro-algues utilisant des gaz issus de fours de cimenteries pour leur croissance n'ont pas été poursuivies ni généralisées. Quant à la mise au point d'une photosynthèse artificielle dopée, capable de meilleurs rendements que les plantes et ne mettant pas en jeu de produits chimiques polluants ou de métaux rares, elle n'en est qu'à ses balbutiements.

 

Pour François de Rugy, la neutralité carbone nécessitera un facteur 8

 

 

 

Mais le ministre de la Transition écologique et solidaire ne l'entend pas ainsi. Au contraire, il estime que cette évolution d'une simple réduction vers une totale compensation est un grand progrès pour l'environnement. Dans un Tweet, il explique que l'objectif de 2050 sera en fait plus ambitieux puisqu'il faudra parvenir à diviser les émissions nationales par huit afin de parvenir à un bilan équilibré. Le nouveau projet de loi de Programmation pluriannuelle de l'énergie prévoit également de repousser la réduction de la part du nucléaire dans le mix électrique à 50 % non plus en 2025, date qui était trop proche par rapport au rythme de fermeture des réacteurs, mais en 2035. Dans le même temps, le recul des énergies fossiles sera accentué puisque la baisse prévue pour 2030 sera de -40 % et non plus de seulement -30 %, permettant un développement plus important des énergies alternatives. Matthieu Orphelin, député du Maine-et-Loire (ex-LREM), quant à lui, estime que cette question entre facteur 4 et neutralité n'est pas la principale à se poser. Dans un Tweet, il déclare : "La vraie question est : que fait-on dans les trois prochaines années pour ENFIN réduire nos émissions ?". L'arrêt des dernières centrales à charbon françaises et la reconversion du parc automobile français en seront deux des premiers leviers.

 

Au colloque du Syndicat des énergies renouvelables, ce jeudi 7 février 2019, le ministre de la Transition écologique et solidaire a annoncé que le projet de PPE n'était pas encore finalisé et encore susceptible d'évoluer. Notamment sur ce point de la neutralité carbone, du niveau visé en 2050 et des moyens pour y parvenir ?

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