RECHERCHE. Certains chercheurs ont pointé du doigt des objectifs très ambitieux et un manque de méthode, lors d'une audition publique sur les énergies renouvelables qui s'est déroulée ce jeudi 4 juillet à l'Assemblée nationale.
Si certains jugent les objectifs de la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) timides sur le front des énergies renouvelables, d'autres les estiment au contraire très, voire trop, ambitieux. "Les ambitions de l'Etat sont très hautes", a souligné Didier Roux, membre de l'Académie des sciences et ancien directeur de la R&D chez Saint Gobain, ce jeudi 4 juillet, lors d'une audition publique à l'Assemblée nationale portant sur l'état de la recherche sur les énergies renouvelables, organisée par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst).
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Pour mémoire, dans le cadre de la PPE présentée en novembre dernier, et qui vise à atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050, l'exécutif a promis de multiplier par cinq la production d'électricité d'origine solaire en dix ans et de tripler les capacités de l'éolien terrestre. Evoquant le tout récent rapport du Haut conseil pour le climat, qui a pointé du doigt l'écart entre les ambitions de la France en matière de transition énergétique et les progrès effectivement réalisés, Didier Roux jugé ce type de décalage "grave pour les citoyens." "Ce n'est pas une bonne méthode politique", a-t-il insisté. Le physico-chimiste a également fustigé l'amalgame opéré entre développement des renouvelables et réduction des émissions de gaz à effet de serre, deux problématiques distinctes, la première n'ayant pas systématiquement des incidences positives sur la seconde. "Il faut réfléchir à une cohérence globale", s'agace Didier Roux. Qui milite pour la mise en place "d'une méthode."
Embarquer entreprises et citoyens dans le développement des renouvelables
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De son côté, Matthieu Auzanneau, directeur du think tank The Shift Project, critique également les projet gouvernementaux : "Il semble que la République se trompe de méthode. La Stratégie nationale bas carbone n'a de stratégie que le nom. Au lieu d'un manque d'audace, d'une courte vue, il faut se doter d'une planification." Matthieu Auzanneau appelle ainsi de ses vœux la création, par "la République, d'une structure ad hoc publique-privée de dialogue" avec les différentes parties prenantes de la transition énergétique. En particulier les entreprises, dont le patron de The Shift Project se demande "où elles sont" dans la SNBC.
S'il y a une autre catégorie d'acteurs à embarquer dans la recomposition du mix énergétique, ce sont bien les citoyens, afin de venir à bout d'éventuelles idées reçues au sujet du coût et des nuisances des énergies renouvelables. "Au-delà des sciences dures, la recherche sur les énergies renouvelables ne doit-elle pas s'étendre aux sciences humaines et sociales (SHS), afin de faciliter leur acceptation sociale ?", a demandé l'un des parlementaires présents. "Le sujet des SHS est essentiel. Il ne faut pas être 'techno-push', les technologies doivent pouvoir trouver des débouchés", a reconnu Florence Lambert, directrice du CEA/Laboratoire d'innovation pour les technologies des énergies nouvelles. Et de suggérer l'instauration "d'alliances avec de grandes équipes françaises" en SHS, sur le sujet des renouvelables, au-delà des concertations et débats publics organisés par exemple pour les riverains de champs d'éoliennes. "Nous menons des actions pour que les SHS apportent des réponses à l'acceptabilité sociale" des projets de développement d'énergies renouvelables, a réagi David Marchal, directeur exécutif adjoint expertise et programme de l'Ademe, qui a notamment financé un projet de "smart grid" (réseau électrique intelligent) incluant une mesure de l'appétence des consommateurs pour cette innovation. Mais, pour Didier Roux, "plus encore que les SHS, c'est l'éducation" des enfants qui importe pour convertir les citoyens aux renouvelables.