ANALYSE. Les entreprises artisanales du bâtiment et des travaux publics ont subi une baisse d'activité en 2022, dans la foulée d'une succession de crises qui les avaient déjà déstabilisées. Cette situation pèse sur leur moral mais est contrebalancée par la persévérance et l'épanouissement dont font preuve les professionnels.

La santé des artisans du BTP reste positive mais toujours marquée par les épreuves de ces trois dernières années. L'exercice 2022 s'est encore traduit par une baisse d'activité, des prévisions en berne et un contexte socio-économique qui ont pesé sur le moral des entrepreneurs.

 

 

Dans leur 9e édition du baromètre ArtiSanté, la Capeb (Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment), l'Iris-ST (Institut de recherche et d'innovation sur la santé et la sécurité au travail) et la CNATP (Chambre nationale de l'artisanat des travaux publics et du paysage) reviennent en détails sur les principales caractéristiques des professionnels de la filière.

 

Réalisée entre décembre 2022 et janvier 2023 auprès de 2.200 chefs d'entreprises de 0 à 19 salariés, cette enquête s'attarde notamment sur l'intensité de leur rythme de travail. L'écart a d'ailleurs tendance à se creuser entre les dirigeants employant des salariés et ceux n'en ayant aucun.

 

L'année dernière, 23% des entrepreneurs travaillant seuls ont cumulé plus de 60 heures par semaine, contre 37% pour ceux employant 11 à 15 salariés. Et le phénomène s'accroît, puisque les artisans sans employés déclarant effectuer plus de 60 heures par semaine n'étaient que 14% en 2021.

 

Jusqu'à 75% du temps de travail consacré aux tâches administratives

 

L'optimisme recule aussi au sein de la profession. Il a chuté de 16 points en 2022 par rapport à 2021, alors que les sondés ont été 56% à déclarer que leur activité avait pourtant progressé dans le même laps de temps. Les trois organisations à l'origine du baromètre expliquent cette situation par la capacité d'adaptation des artisans, qui a cependant été mise à rude épreuve par la pandémie de Covid, l'inflation et la crise énergétique.

 


71% des chefs d'entreprises se disent épanouis dans leur rôle, et 82% dans leur profession

 


Sans oublier les tâches administratives qui deviennent, d'après les répondants, de plus en plus lourdes : 42% d'entre eux indiquent qu'ils consacrent entre 25% et 75% de leur temps de travail à cette fin, soit une hausse de 4 points par rapport à 2021. "On constate une augmentation significative du poids que représente cette charge administrative sur le temps de travail dès lors que l'entreprise compte plus de 5 salariés", relève le baromètre.

 

La moitié des artisans travaillent les week-end

 

Tous ces facteurs perturbent logiquement l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée des artisans. La moitié affirme travailler les week-end, 58% consulter quotidiennement leurs mails pendant leurs congés, et 45% avoir pris seulement deux semaines de vacances. Plus de 8 entrepreneurs sur 10 considèrent ainsi que leur travail empiète sur leur vie personnelle.

 

Les organisations professionnelles appellent donc à la vigilance pour éviter l'épuisement. En 2022, environ un tiers des artisans ont rencontré des difficultés psychiques, et plus de la moitié se sont confiés à quelqu'un à ce sujet.

 

 

Incertitudes dans les travaux publics

 

Et malgré cela, 71% des chefs d'entreprises de la construction se disent épanouis dans leur rôle, et 82% dans leur profession. Une bonne raison pour en prendre soin, selon le président de la Capeb, Jean-Christophe Repon : "Les entreprises artisanales de notre pays sont sa richesse et sa source de développement économique. Il faut impérativement alléger leurs contraintes, en particulier administratives. Au regard du rôle qu'elles ont à jouer dans notre capacité à répondre à tous les défis - écologiques, numériques, sociaux - que nous devons relever, nous devons leur donner les moyens d'exercer sereinement leur métier."

 

L'analyse de Françoise Despret, présidente de la CNATP, est plus nuancée. "Nos points conjoncture indiquent toujours une situation complexe, notamment côté trésorerie. Si nos carnets de commandes restent contenus malgré des ventes de logements neufs qui continuent de plonger, et par conséquent leurs mises en chantiers, selon la dernière note de conjoncture des Notaires de France, le marché immobilier, qui engendre pour nous des travaux de rénovation et d'embellissement, semble connaître une certaine contraction."

 

D'une manière générale, c'est bien l'incertitude permanente qui semble stresser les professionnels ; un manque de confiance qui peut les empêcher de se projeter.

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