DÉCRYPTAGE. Entré en vigueur le 1er juillet 2023, l'arrêté d'application du diagnostic "Produits-équipements-matériaux-déchets" s'inscrit dans la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire. S'il ne concerne que les chantiers de plus de 1.000 m², le PEMD renvoie plus largement à la laborieuse mise en place de la filière Rep.
Le secteur du bâtiment poursuit sa mue vers un modèle d'économie circulaire. Ce 1er juillet, l'arrêté d'application du diagnostic PEMD ("Produits-équipements-matériaux-déchets") est entré en vigueur. S'inscrivant dans la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec) de 2020, ce dispositif est censé permettre une meilleure gestion des produits issus de chantiers de démolition ou de rénovation lourde de bâtiments.
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Un premier arrêté du 26 mars 2023 avait fixé le cadre du diagnostic PEMD. L'idée est d'établir en amont des travaux un inventaire des matériaux et équipements qui pourraient être revalorisés, qu'il s'agisse d'une réutilisation ou d'un recyclage. C'est donc dans une logique d'économie circulaire et de préservation des ressources que le diagnostic PEMD a été pensé pour un secteur économique qui génère environ 42 millions de tonnes de déchets chaque année, soit autant que tous les ménages de l'Hexagone.
Les sites tertiaires et industriels essentiellement concernés
Le diagnostic PEMD veut donc apporter sa pierre à l'édifice de l'économie circulaire du BTP. Il ne concerne cependant que les chantiers dont la surface cumulée de plancher de l'ensemble des bâtiments est supérieure à 1.000 mètres carrés, ainsi que ceux dont au moins un bâtiment a accueilli une activité agricole, industrielle ou commerciale et ayant servi à une utilisation, un stockage, une fabrication ou une distribution d'une ou plusieurs substances classées comme dangereuses.
En outre, il ne s'applique qu'aux démolitions et aux rénovations significatives de bâtiments pour lesquelles la date de dépôt de la demande d'autorisation d'urbanisme ou de travaux ou, à défaut, la date d'acceptation des devis ou de passation des marchés relatifs aux travaux de démolition et de rénovation significative, est postérieure au 1er juillet 2023. Autrement dit, le diagnostic PEMD concernera essentiellement des sites tertiaires et industriels.
Sous-traitance
Il ne devrait donc pas impacter l'activité quotidienne d'un certain nombre d'artisans du bâtiment, a contrario des entreprises plus importantes. Ceci dit, les plus petites structures doivent s'y préparer malgré tout. "Car on peut éventuellement intervenir en sous-traitance pour des majors sur de gros chantiers", souligne Jean-Yves Labat, président des Métiers et techniques du plâtre et de l'isolation de la Capeb (Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment).
"À titre personnel, je pense que c'est tout un marché qui va évoluer. Le diagnostic - qui pour moi n'est pas une contrainte - va amener de nouveaux métiers et de nouvelles entreprises, spécialisées dans la déconstruction notamment." Il s'agira alors de sensibiliser les entrepreneurs et de former efficacement les compagnons, "plus habitués à démolir qu'à déconstruire, ce qui n'est pas tout à fait la même chose", relève Jean-Yves Labat. Tandis que la démolition se résumerait à de la destruction pure, la déconstruction se distinguerait en effet par l'analyse et le tri des matériaux et équipements mis à terre.
Aide à l'organisation
Mais quel est l'intérêt du dispositif ? "Ce diagnostic doit être transmis par le maître d'ouvrage aux équipes de conception potentielles ou aux entreprises susceptibles de réaliser les travaux, préalablement à l'acceptation des devis ou à la passation des marchés", explique-t-on à la Fédération française du bâtiment (FFB). L'organisation précise qu'il pourra donc "être utile aux entreprises de travaux, en particulier pour prévoir l'organisation de la gestion des déchets sur le chantier (tri, logistique...), identifier les filières de réemploi ou valorisation, chiffrer les coûts..."
À la fin des travaux, le maître d'ouvrage a l'obligation d'établir un formulaire de récolement pour évaluer la nature et les quantités de PEMD qui ont effectivement été réemployées et revalorisées. Un autre arrêté du 26 mars 2023 indique que les diagnostics et les formulaires de récolement doivent être transmis au CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment). Ce dernier a reçu l'autorisation de traiter les données issues de ces documents via une "Plateforme PEMD", dont l'objectif est d'identifier les matériaux et équipements réemployables ou revalorisables, et d'en tirer des statistiques sur la filière.
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Le diagnostic PEMD rejoindra le circuit Rep
Au final, quel sera vraiment l'impact du diagnostic PEMD sur le quotidien des professionnels ? "Le diagnostic part du bon sens", note Jean-Yves Labat. "Il permet de faire un état des lieux avant la déconstruction en listant tous les produits pouvant être réemployés dans le circuit de valeur du bâtiment. Cela permet de protéger nos ressources et de récupérer pour réutiliser."
Pour l'heure, la Capeb se dit surtout préoccupée par le déploiement, jugé laborieux et incomplet à ses yeux, des points de collecte de la filière Rep (Responsabilité élargie du producteur de déchets). Les deux sujets sont intimement liés puisque le tri des déchets issu du diagnostic PEMD rejoindra tôt ou tard le circuit de la Rep.
Redoutant des "zones blanches de déchetteries" et attendant des collectivités qu'elles veillent au maillage territorial des points de collecte, la confédération a mis en place un retour d'expérience avec les éco-organismes agréés. Les acteurs se réuniront en septembre pour faire le point sur l'avancement de la filière.