JUSTICE. L'architecte méridional comparaît devant le tribunal correctionnel de Toulon pour les travaux réalisés en 2013 dans sa propriété de Cassis (Bouches-du-Rhône) à la fois sans autorisation et avec une entreprise employant des ouvriers non déclarés.
Peut-on être architecte de renom et méconnaître le droit de la construction et celui du travail ? Rudy Ricciotti, créateur du Mucem (Marseille) et du stade Jean Bouin (Paris), comparaît avec quatre autres prévenus, devant le tribunal correctionnel de Toulon (Var) pour des travaux réalisés dans une villa acquise pour son compte en 2010, dans les calanques de Cassis, dans une zone classée et donc inconstructible.
Pas de permis de travail…
En 2012, l'architecte aurait fait procéder à des travaux de rénovation de la propriété par une entreprise varoise employant des ouvriers non déclarés et en situation irrégulière. Deux Tunisiens avaient été interpelés au mois de mars et avaient alors dénoncé des faits de travail dissimulé. Le mois suivant, un contrôle sur le chantier avait révélé la présence de huit personnes non déclarées dont trois Tunisiens et un Marocain en situation irrégulière. L'intéressé se défend : "Je n'ai eu de cesse de demander si les ouvriers étaient bien déclarés, je ne suis pas fou au point d'avoir des travailleurs non seulement pas déclarés, mais aussi clandestins, ce n'est pas ma culture politique". Il aurait même veillé à être particulièrement généreux, en leur versant une "gratification" sous forme de pourboire de façon à atteindre 200 euros par jour pour la journée de travail, "contre seulement 130 euros chez Manpower". L'instruction aurait cependant établi que les ouvriers n'étaient payés que 50 euros par jour, la différence étant conservée par leur employeur…
… ni de permis de construire
Les travaux, d'un montant de 722.000 euros - dont seulement 300.000 ont été retrouvés par les enquêteurs dans la comptabilité de l'entreprise - ont de plus été menés sans aucune autorisation. L'architecte explique : "Tout était de mauvais goût, ça m'a pesé et c'est vrai que j'ai été pris de la passion du propriétaire". Il aurait notamment fait transformer un pigeonnier des années 1970 et remplacé une porte de garage par des fenêtres. Mais il se défend d'avoir agrandi les surfaces, ce qui aurait nécessité le dépôt d'un permis de construire. Ce à quoi la présidente du tribunal a répondu qu'il n'était pas poursuivi "pour des choix esthétiques". La procureure, de son côté, s'est emportée : "On ne peut pas plaider la méconnaissance ou la légèreté, et si un architecte ne respecte pas les règles d'urbanisme, qui va le faire ?".
Le parquet a requis 4 mois de prison avec sursis à son encontre pour la question du travail dissimulé. Pour le volet urbanisme, une amende de 100.000 euros ainsi que la démolition partielle d'un bâtiment (le pigeonnier transformé en salle de cinéma). Le tribunal pourrait également se prononcer sur la démolition d'une autre construction obtenue par la réunion de trois éléments existants. Pour les autres prévenus, la procureure a requis 2 ans et demi de prison ferme et 250.000 € d'amende, plus la confiscation de deux propriétés à l'encontre de l'entrepreneur installé près de Toulon, plus des peines avec sursis, des amendes et des confiscations contre les trois autres accusés, qui sont des proches.