TRAVAUX PUBLICS. Les nids-de-poule sont de plus en plus nombreux sur les routes. Vivement critiqué à ce sujet, Paris propose un plan d'urgence pour les résorber. "C'est la pire des solutions", réagit Routes de France qui milite, comme l'Union routière de France, pour un entretien régulier.
Les conditions météorologiques de cet hiver ont mis à mal le réseau routier français, déjà fragilisé depuis plusieurs années par un manque d'entretien. Conséquence, de plus en plus de nids-de-poule apparaissent dans les rues. Et Paris n'échappe pas au phénomène, notamment à cause des crues et des gelées de cette année. "L'eau étant l'ennemi numéro un de la route", souligne Pierre De Thé, directeur de la communication de Routes de France. Face aux nombreuses critiques sur l'état dégradé des rues, la maire de Paris reconnaît dans une note adressée à la direction de la voirie que "cette situation fait peser un risque accru d'accident, en particulier pour les vélos et les deux-roues motorisés". Pour y remédier, une des élues du Conseil de Paris, Edith Gallois (vice--présidente du groupe UDI-MoDem) a donc proposé un "plan d'urgence de résorption des nids-de-poule".
Mais si cela va satisfaire les usagers des routes - qui pourront alors circuler sans craindre de se blesser ou d'abîmer leur véhicule - "c'est la pire des solutions" juge sévèrement Pierre De Thé. Ce dernier, tout comme Stéphane Levesque, directeur de l'Union routière de France, et la FNTP, milite pour un entretien régulier des routes et non pour des "rustines".
Baisse des budgets alloués et suppression de la DDE
L'entretien régulier des routes est au cœur du problème. Et l'enjeu est de taille puisque la France compte un peu plus d'1,7 million de km de routes (tous types confondus). L'Etat en gère environ 20.000 (dont 9.000 km d'autoroutes et 11.000 km de nationales) et les collectivités locales le reste, c'est-à-dire plus d'un million km. Plusieurs facteurs ont conduit à cette dégradation générale des réseaux, à commencer par la baisse des budgets alloués aux collectifs locales pour l'entretien des routes. Depuis 2010, les entreprises de travaux publics ont vu leur chiffre d'affaires chuté de 30%, rappellent Pierre De Thé et Stéphane Leveque. Un phénomène accentué par la crise. Sans compter que la suppression de la DDE, en 2005, n'a pas arrangé la situation.
Cette dernière apportait un service d'ingénierie aux collectivités locales, explique le responsable de Routes de France. L'Etat définissait la méthode et le référentiel, complète Stéphane Levesque qui explique que cela "était rassurant pour les élus et facilitait le travail des entreprises. La décentralisation et la suppression de la DDE ont "parfois laissé des élus désemparés", a-t-il pu constater. "Cette panne d'ingénierie dans la réflexion sur la réfection des routes a eu des répercussions sur l'entretien des routes", poursuit Pierre De Thé. Ce dernier évoque aussi l'arrivée des intercommunalités où la question des compétences n'est pas toujours la même (intégré ou non). Les élus sont donc restés parfois attentistes. Et même si Pierre De Thé constate que l'Etat a pris conscience du problème depuis 2-3 ans, accordant 80 millions d'euros en 2015 puis 120 en 2016 et 2017, "cela reste insuffisant" selon lui.
Affecter des ressources spécifiques à l'entretien des routes
Que faut-il donc entreprendre pour améliorer l'entretien régulier des routes ? Comme souvent, l'argent est le nerf de la guerre. Pierre De Thé insiste sur la nécessité de mener des campagnes régulières d'entretien des routes. L'entretien préventif permet de garder une route en bon état plus longtemps et coûte surtout beaucoup moins cher que des entretiens curatifs. "Faire des plans d'urgence, cela coûte 5 à 10 fois plus", dénonce-t-il. (Voir le schéma de Routes de France ci-dessous). Il en profite pour revenir sur l'abandon de la taxe-éco qui devait financer l'entretien des routes départementales et communales et regrette vivement son "abandon" rappelant qu'un "poids lourd représente 1 million de voitures" et considérant que ce sont eux qui "usent le plus" les routes.
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Mais alors, comment financer ces travaux d'infrastructure ? C'est la question que se pose un certain nombre d'acteurs dans le cadre des Assises de la mobilité et du projet de loi qui doit être présenté à l'automne. Alors qu'il est estimé que la fiscalité routière rapportera plus de 10 milliards d'euros supplémentaire en 2022, Stéphane Levesque nous confie que l'idée est que des recettes soient affectées à l'entretien. Ce qui n'est pas le cas actuellement. Il s'agirait donc d'obtenir que la taxe carbone soit par exemple fléchée sur l'entretien des routes. Les collectivités ayant besoin de moyens pour éviter de reporter ses frais d'entretien à plus tard. "Il faut qu'elles aient une culture du patrimoine" pour préserver la qualité de leur réseau routier, conclut Stéphane Levesque.