ÉCONOMIE. Sur les six premiers mois de 2024, l'analyse des délais de paiement a montré que les entreprises du bâtiment étaient sous le seuil des 10 jours. À l'inverse, les services de l'État font office de cancres, tandis que les communes s'en sortent un peu mieux.

Les mises en garde du Médiateur des entreprises n'y ont pas suffi : sur les six premiers mois de 2024, les retards de paiement des entreprises ont atteint un plus haut depuis la sortie du Covid, selon une analyse réalisée par le cabinet Altares. "Dans une conjoncture qui souffle le chaud et le froid, l'incertitude gagne du terrain et pèse sur la dynamique des affaires et les trésoreries des entreprises en cette rentrée", commente Thierry Millon, le directeur des études du groupe.

 

 

Selon lui, ce contexte est "propice au recours accru au crédit fournisseur en complément, voire en substitution, du crédit bancaire. Mais cette approche, qui implique un allongement des délais de paiement, prive fournisseurs ou sous-traitants de l'indispensable cash pour investir, et parfois pour simplement tenir." À l'heure actuelle, moins d'une entreprise française sur deux (48,7%) paye ses fournisseurs dans les temps, une proportion inférieure à la moyenne européenne (50,5%).

 

Les régions, métropoles et services de l'État lanternes rouges

 

Dans son tour d'horizon des retards de paiement des entreprises françaises au 1er semestre 2024, Altares s'est aussi penché pour la première fois sur la teneur du phénomène chez les acheteurs publics. Et le tableau est loin d'être idyllique. Alors que les travaux publics - et, dans une moindre mesure, le bâtiment - dépendent fortement de la commande publique, les délais de paiement du secteur public s'élèvent en moyenne à 13,3 jours. Mais ce chiffre masque des disparités importantes.

 

Ainsi, les communes affichent des délais moyens de 12,7 jours, les départements 19,7 et les régions dépassent les 23 jours. Ce n'est pas mieux du côté des établissements publics administratifs : les communautés de communes atteignent 14,2 jours, les communautés d'agglomération 18,3 et les métropoles plus de 20 jours. Les établissements publics à caractère industriel et commercial, ou Epic, ont en moyenne un retard de 16,1 jours, quand les services déconcentrés de l'État (par exemple les préfectures) frôlent la vingtaine de jours.

 

Situation tendue dans l'immobilier

 

Des comportements qui ne font pas les affaires des acteurs privés, lesquels, a contrario, sont de bien meilleurs élèves en la matière. En moyenne, le secteur privé a 12,5 jours de retard pour honorer ses règlements. D'après Altares, "les entrepreneurs individuels présentent la dégradation la plus remarquable". Il y a un an, ces structures n'avaient encore que 8,5 jours de retard, mais désormais elles atteignent 13,4 jours en moyenne.

 

La situation est particulièrement tendue dans le secteur de l'immobilier, la faute à la chute de la construction neuve et au marasme que connaît le marché du logement. "La promotion immobilière, qui concentre traditionnellement les retards les plus élevés, approche le seuil des 27 jours. Pour les agences immobilières, on parle désormais de 22 jours", relève l'étude.

 

À l'inverse, avec des retards de paiement inférieurs à 10 jours, l'industrie des matériaux de construction a une attitude bien plus vertueuse. De même, la construction figure dans les cinq secteurs où les retards sont les plus faibles, particulièrement grâce au bâtiment, où les délais observés sont sous les 10 jours.

 

La France fait mieux que l'Espagne et l'Italie

 

Cela dit, la santé financière des petites entreprises continue de se dégrader. Les structures de moins de trois salariés atteignent 14 jours de retard à l'issue du 1er semestre 2024, quand ce chiffre était inférieur à 12 jours début 2023.

 

 

Les PME de 4 à 49 salariés parviennent quant à elles à contenir leurs retards sous la barre des 12 jours, tandis que celles employant de 50 à 199 personnes les stabilisent à 12,7 jours. Pour le reste, les retards de paiement atteignent 14,5 jours pour les entreprises de 200 à 999 salariés, et 17,8 jours pour les groupes de plus de 1.000 collaborateurs.

 

Malgré tout, la France se rapproche de la moyenne européenne, à 13,5 jours. Les Pays-Bas et l'Allemagne restent en tête du peloton, avec respectivement 3,3 et 6,6 jours. En queue du peloton, on retrouve l'Espagne, l'Italie et le Portugal, avec respectivement 15,3, 17,1 et 24,3 jours de retard. Toujours est-il que la situation n'est pas enviable.

 

Risque de faillite

 

"Les retards de paiement fragilisent sévèrement les trésoreries des entreprises. Le rapport 2023 de l'Observatoire des délais de paiement évalue à 15 milliards d'euros le montant de trésorerie qui pourrait être transféré en l'absence de retards de paiement", rappelle Thierry Millon.

 

Avec, à la clé, le risque d'accélérer la faillite des professionnels ne parvenant pas à se faire payer. "Des travaux de recherche ont montré que l'existence de retards de règlement des clients augmente la probabilité de défaillance du fournisseur de 25%, et même 40% lorsque les retards sont supérieurs à 30 jours", relève le directeur.

 

Des textes plafonnent déjà les délais en fonction des catégories de structures, mais ces plafonds sont "trop souvent dépassés, notamment faute d'une bonne organisation de la chaîne de facturation ou de paiement, mais aussi du fait de délais cachés ou de désaccords sur la date de commencement du délai".

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