PROFESSION. Dans une récente note, le Conseil des architectes d'Europe fait le bilan de l'année 2021 et dessine ses perspectives pour 2022. De nombreux défis attendent le secteur, en pleine mutation.
La vision sur l'architecture et le bâtiment est-elle en train de changer ? Le président jusqu'à la fin 2021, Georg Pendl, du Conseil des architectes d'Europe (CAE) remarque en tout cas que les politiques européennes ont pris en compte, ces quatre dernières années, la question de la qualité de l'environnement bâti dans les politiques. Dans son rapport annuel de 2021, le Conseil tire des conclusions de l'année passée et dévoile ses perspectives pour 2022. Mettre l'accent sur la dimension culturelle, sociétale et politique de l'architecture est une priorité pour Georg Pendl, qui souhaite "affirmer l'importance d'une architecture de haute qualité pour la société dans son ensemble, pour son bien-être, pour la cohésion sociale et pour la qualité de vie des citoyens".
Un nouveau projet pour l'Europe
L'annonce en septembre 2020 d'un "Nouveau Bauhaus européen" par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a fait des émules. Cette dernière a appelé les architectes, artistes, étudiants, ingénieurs et designers à travailler ensemble pour réaliser cet objectif de "nouvel projet culturel pour l'Europe". En 2021, à la suite de discours, le CAE a invité des organisations d'ingénieurs, d'architectes paysagistes et d'intérieur, des urbanistes mais aussi des écoles d'architecture à répondre ensemble à ce projet. "La nouvelle habitude des réunions en ligne a facilité la prise de contact pour ceux qui, autrement, n'auraient peut-être pas participé", se réjouit l'ancien chef de file. Cette initiative a fait naître le Collectif du nouveau Bauhaus européen (NEBC) cette même année. "C'est la première fois qu'une telle coopération a lieu au niveau européen", atteste l'ex-président du CAE. Le Conseil affirme avoir adopté les conclusions sur la culture, l'architecture et l'environnement bâti de qualité en tant qu'éléments clés de l'initiative Nouveau Bauhaus européen, à la fin de l'année 2021.
Le Conseil a également formulé un document concernant la directive sur les marchés publics qui pourrait être révisée dans un avenir proche, demandé par Ruth Reichstein du service Idea de la Commission européenne. "Le travail sur la révision de cette directive sera l'un des défis majeurs des prochaines années", assure-t-il. Le groupement s'est également penché sur les activités de son programme quadriennal Connect-Arch, qui avait pour mission d'atténuer les impacts du changement climatique et de proposer des solutions pour s'y adapter. Le programme portait l'idée de déployer l'économie circulaire dans la rénovation du parc immobilier au sein de l'Union européenne, de développer la numérisation des processus de conception, d'améliorer la mobilité transnationale des architectes européens ainsi que de permettre plus d'équité, de diversité et d'inclusion. Dans ce cadre, le CAE a engagé des discussions avec le Conseil de certification des architectes, basé au Royaume-Uni, pour créer un accord de reconnaissance mutuelle dans le cadre de l'accord de commerce et de coopération UE-Royaume-Uni. Un travail également mené avec le Canada. A ce stade, les négociations ont avancé et ont été soutenues par les organisations membres du Conseil et de leurs ministères.
Revoir la durée des vie des bâtiments
Sur la performance énergétique des bâtiments, le CAE a fait part en 2021 d'amendements aux députés européens sur la mise en œuvre de la Directive sur la performance énergétique des bâtiments (EPBD). Pour répondre à l'enjeu climatique, il faut, selon lui, appuyer le rôle de la durée de vie des bâtiments et des composants afin de mieux gérer l'impact du cycle de vie des ouvrages. L'augmentation du nombre de rénovations et l'amélioration de la qualité de vie sont souhaitables, avance le CAE. Cette même année, son exposition "20 projets architecturaux contre le changement climatique" a été montrée à Strasbourg, à Belgrade (en Serbie) et virtuellement. Une manifestation culturelle qui a permis de renforcer "la mobilité transnationale des architectes de l'Union européenne" ; "d'aider les architectes de l'UE à maintenir leurs compétences et à en acquérir de nouvelles pour rester compétitifs au niveau mondial", et de sensibiliser les décideurs et les citoyens sur la profession, selon Ian Pritchard, secrétaire général.
Le membre du conseil d'administration Diego Zoppi regrette de son côté que des documents de la Commission européenne suggèrent que le secteur de l'architecture est en retard en matière d'innovation et de numérisation. "Il est, bien au contraire, l'un des plus numérisés depuis au moins 30 ans. Il est vrai que 90% des bureaux d'architecture européens sont composés de deux ou trois personnes, mais ils ont toujours montré qu'ils étaient prêts à expérimenter, à utiliser de nouveaux systèmes de projet, de nouvelles compétences, de nouvelles formes de processus participatifs, anticipant souvent les thèmes proposés par Ursula von der Leyen." S'il souhaite une plus grande numérisation du métier, l'architecte italien veut toutefois éviter la standardisation des services et souhaite réduire la "position dominante de certaines grandes entreprises". "Nous devrons plaider pour des programmes qui permettent d'étendre l'utilisation de la numérisation avancée à la majorité de nos collègues, indépendamment de la taille des bureaux auxquels ils appartiennent." Concernant le secteur des travaux publics et les marchés publics, il alerte ses pairs sur "la hâte de dépenser l'argent provenant des fonds européens" qui conduit souvent "à réduire l'attention portée à l'importance de la conception". Enfin, il appelle à s'appuyer sur l'expérience française où le concours d'architecture est la règle principale. "Mais où nos collègues se plaignent du coût excessif de la participation. Nous devrons donc travailler afin de minimiser les risques pour les participants tout en sauvegardant la qualité du résultat."
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Quel avenir pour l'architecture européenne ?
Pour la prochaine décennie, l'atténuation et l'adaptation au changement climatique représentent de grands défis, à la fois politiques et professionnels, pour le secteur de la construction, rappelle la présidente du CAE depuis janvier 2022, Ruth Schagemann. "Dans le domaine de la rénovation, la tension se situe entre une rénovation rapide pour atteindre les objectifs de neutralité climatique d'ici 2050 et une haute qualité de l'architecture et de l'environnement bâti", juge-t-elle. Pour répondre à ces objectifs, "l'Europe a besoin de professionnels hautement compétents pour soutenir la transition vers un environnement bâti durable, inclusif et beau." C'est pourquoi elle appelle la profession à échanger sur les meilleures pratiques et à faciliter la collecte de connaissances.
Entre 2022 et 2025, le CAE développe une nouvelle stratégie pour continuer de travailler sur plusieurs thématiques importantes telles que la qualité de l'espace public, le logement abordable, la valeur de la pratique de l'architecture, sa numérisation, les marchés publics ou encore la réglementation. Il compte par exemple plaider pour des pratiques durables et respectueuses de l'environnement à travers son programme Net-Arch de 2022-2024, ou encore promouvoir les nouvelles technologies pour devenir plus compétitif.
Le CAE déclare vouloir contribuer en 2022 à la révision de la directive relative à la performance énergétique des bâtiments et à soumettre le projet d'accord de reconnaissance mutuelle au sous-comité du Conseil de partenariat UE-Royaume-Uni. Il va également publier une étude sur l'intelligence artificielle, une boîte à outils sur l'égalité des genres et mettre en ligne une mise à jour de l'étude datée de 2011 sur les politiques architecturales en Europe. Une mise à jour des fiches pays sur l'assurance et une autre sur l'enquête du CAE sur l'accès à la profession seront ajoutées. Au total, 44 organisations issues de 30 pays d'Europe font partie du Conseil, et représentent les intérêts de 500.000 architectes.