POINT DE VUE. Le maire (DVD) de Versailles, ancien président de la Cité de l'architecture et du patrimoine, plaide, auprès de Batiactu, pour un autre aménagement du territoire, l'"amplification du tournant environnemental", et une plus grande place accordée aux élus locaux dans la politique d'attribution des logements sociaux.
Pour le maire (DVD) de Versailles, François de Mazières, "un nouveau mode de vie est non seulement possible, mais nécessaire pour affronter les défis de notre société". Cette "prise de conscience" aura "des conséquences majeures sur la conception des villes et, partant, sur l'architecture", estime-t-il dans une tribune parue dans Le Monde. A Batiactu, il explique avoir "eu le temps de réfléchir, ces deux mois passés, même si les maires ont été très mobilisés dans la crise". De quoi faire naître l'envie de partager ses réflexions sur "le basculement de la pensée architecturale", amorcée au début du siècle avec l'émergence des problématiques environnementales. "Il faut amplifier ce tournant environnemental", plaide-t-il, fort de son expérience de président de la cité de l'architecture et du patrimoine et d'élu de terrain depuis 12 ans.
Première conséquence de la crise, selon l'ancien président de la Cité de l'architecture et du patrimoine : "la remise en cause de l'hyperconcentration urbaine". Les mégalopoles, qui "non seulement paraissaient indispensables dans la grande compétition économique internationale, mais inéluctables de surcroît", se sont, dans la crise, révélées "fragiles". "La promiscuité des lieux publics et des transports, mais en même temps l'isolement des personnes car la grande ville distend les liens de voisinage, l'exiguïté des pièces des nouveaux immeubles, le gigantisme des centres commerciaux, tout semble soudain contraire à nos aspirations pour cette nouvelle ère qui s'ouvre".
Il en déduit un besoin de "repenser l'aménagement du territoire" en développant notamment les "villes moyennes, les villes de grande banlieue, [qui] permettent, avec leurs logements moins chers et plus spacieux, un contact plus immédiat avec la nature, facilitent les solidarités de voisinage, [et] redeviennent brusquement modernes".
Contradiction entre volonté d'une maison individuelle et lutte contre l'étalement
Deuxième conséquence de la crise, "le mouvement en faveur d'une architecture durable va s'accélérer", prévoit François de Mazières. Si "la prise de conscience est réelle" depuis les années 2000, il déplore que "sous la contrainte de la rentabilité immédiate, renforcée par l'hyperconcentration de notre secteur de la construction, la standardisation des logements et une diminution de la taille des pièces se sont poursuivies dans les agglomérations". "La crise que nous traversons va pousser à mettre la pratique en conformité avec le discours. Elle renforce en effet l'aspiration de nos concitoyens à la maison individuelle. Avoir un habitat doté d'un espace en plein air, de pièces de taille suffisante, d'un éclairage naturel suffisant est devenu non seulement un luxe mais, aux yeux de beaucoup, une nécessité. Mais comme, à l'inverse, cette crise souligne l'urgence de limiter l'étalement urbain pour préserver les zones agricoles périurbaines, la résolution de cette contradiction devient de fait la question majeure de la construction".
"Selon l'expression qu'affectionnent les architectes, la bonne architecture naissant de contraintes, il ne faut pas désespérer des résultats que l'on peut en attendre. En ville, les terrasses, un temps bannies, vont redevenir modernes. L'habitat en bande permettant à la fois l'individualisation du logement et une certaine densité est également un compromis qui devrait prospérer, en espérant qu'il se double d'une ambition dans la qualité de sa réalisation. De même, il faudra penser l'articulation de l'architecture et du paysage comme un préalable à nos nouveaux quartiers, remettre au goût du jour les cités-jardins, avec leurs jardins familiaux qui sont non seulement un apport important pour les familles aux petites ressources, mais aussi un rôle d'exutoire efficace aux tensions sociales".
place des élus locaux
Le troisième enseignement de cette crise, selon le maire de Versailles, est que l'on doit "réapprendre à gérer le temps long". "Depuis quelques années, la politique du logement a fait place à des annonces successives rarement suivies d'effets sur la durée. Il paraît désormais indispensable de freiner cette frénésie d'annonces au plan national et redonner toute sa place aux élus locaux, proches des préoccupations de leurs concitoyens. Prenons un exemple très concret : la politique du logement social a dérivé, ces dernières années, vers toujours plus de concentration et une politique d'attribution fait selon des algorithmes nationaux, dans laquelle le critère de proximité du lieu de travail n'est quasiment jamais pris en compte".
"Si l'on veut limiter les déplacements, commençons par autoriser les villes à conserver, sur leur territoire, les personnels des hôpitaux, des services sociaux, d'entretien, de police, parfois contraints à habiter très loin de leur lieu de travail. Le logement social n'en sera que mieux accepté. La crise du coronavirus doit nous réapprendre à remettre l'homme au cœur de l'urbanisme et de l'architecture. De cette catastrophe sachons au moins en tirer cette leçon".