EXECUTIF. La première ordonnance visant à faciliter la réalisation des projets de construction vient d'être publiée au Journal Officiel ce mercredi 31 octobre. Présentée hier par François de Rugy et Jacqueline Gourault, ce texte s'inscrit dans le cadre de la loi Essoc de 2018 et dans le prolongement de l'expérimentation (le "permis de faire") introduit par la loi LCAP de 2016.

Le Conseil des ministres, qui s'est tenu exceptionnellement ce mardi 30 octobre 2018, a été l'occasion pour François de Rugy, ministre de la Transition écologique et solidaire, et Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, de présenter la première ordonnance visant à faciliter la réalisation des projets de construction et à favoriser l'innovation dans le secteur du BTP. Ce texte a dans la foulée été publié au Journal Officiel ce mercredi 31 octobre. Prévu par la loi du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance (Essoc), l'ordonnance en question doit permettre aux constructeurs de proposer des solutions innovantes, divergentes de la réglementation en vigueur, dans un but de simplification des travaux de construction. Les projets portés dans le cadre de cette ordonnance doivent également maîtriser les coûts et les délais, et garantir un niveau de qualité équivalent aux usagers. Le texte présenté par les deux ministres encadre notamment deux aspects : d'une part, les conditions dans lesquelles l'obtention des résultats attendus par la réglementation doit être démontrée par le maître d'ouvrage ; d'autre part, le contrôle des résultats obtenus, qui doit être effectué en toute indépendance et impartialité et ce, du début jusqu'à la fin du projet.

 

 

9 règles concernées par la dérogation

 

En vigueur à compter de ce jour, l'ordonnance s'applique à l'ensemble des maîtres d'ouvrages, publics comme privés, qui réalisent une "opération de construction de bâtiment". Concrètement, les règles de construction dorénavant concernées par la dérogation portent sur :

 

- la sécurité et la protection contre l'incendie pour les bâtiments d'habitation et les établissements recevant des travailleurs, en ce qui concerne la résistance au feu et le désenfumage ;
- l'aération ;
- l'accessibilité du cadre bâti ;
- la performance énergétique et environnementale, ainsi que les caractéristiques énergétiques et environnementales ;
- les caractéristiques acoustiques ;
- la construction à proximité de forêts ;
- la protection contre les insectes xylophages ;
- la prévention du risque sismique ou cyclonique ;
- les matériaux et leur réemploi.

 

La deuxième ordonnance dans les tuyaux

 

Dans un communiqué, l'Elysée indique que ce dispositif s'inscrit également dans le prolongement de l'expérimentation introduite par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP) - qui n'a rencontré aucun succès puisqu'aucun professionnel ne s'y est engagé. Ce fameux "permis de faire" voit ainsi son champ d'application être élargi, et intègre désormais cette innovation sur le processus de contrôle des projets. Plus largement encore, le dispositif est censé préparer la réécriture des règles de construction à l'horizon de février 2020, et qui fera l'objet d'une deuxième ordonnance (prévue par la loi Essoc). Cette dernière aura pour objectif de simplifier le corpus règlementaire en y inscrivant les résultats à atteindre, et non plus seulement les moyens d'y parvenir. A ce sujet, les pilotes des groupes de travail de cette deuxième ordonnance se sont réunis ce mercredi 31 octobre pour engager leurs travaux.

 

Pour le gouvernement, 2019 devrait donc permettre "d'éprouver et d'évaluer une approche moderne de l'acte de construire qui rentrera à terme dans le droit commun".

 

 

Un industriel réagit à la publication de la première ordonnance

 

 

Suite à la promulgation au JO de la première ordonnance relative au permis de déroger aux règles de construction, Schöck France (spécialiste dans le traitement des ponts thermiques) a réagi par voie de communiqué, alertant sur les potentiels risques du texte : "(Il semblerait que) Le processus de concertation ne se soit pas déroulé de façon transparente", souligne Raphaël Kieffer, directeur général de la société. "En effet, les réunions menées au sein du groupe de travail performance énergétique et environnementale n'ont pas donné lieu à compte-rendu systématique avec diffusion à tous les membres. Les conclusions de ce groupe de travail, indiquant que la réglementation thermique actuelle répondait déjà à l'objectif performanciel voulu par la loi Essoc, ont été balayées suite à la réunion de synthèse des chefs de file. Les articles L.111-9 et L.111-10 ont été introduits dans le champ d'application de l'ordonnance, sans aucune concertation avec le groupe de travail. Ce non-respect de concertation contradictoire est clairement en opposition avec la volonté du gouvernement de travailler en collaboration avec les acteurs de la filière."

 

Et le dirigeant de Schöck France de tirer la sonnette d'alarme sur des aspects socio-économiques : "On ne peut déroger à des règles de construction libellées en objectifs de résultats alors que le permis d'innover est censé les garantir. (Si l'ordonnance 1 devait entrer en application en l'état) L'objectif de réduction des gaz à effet de serre n'aurait aucune chance d'aboutir, le risque de retour des passoires thermiques ferait supporter à la France des coûts environnementaux, sanitaires et économiques. Enfin, la dégradation évidente de la qualité de l'isolation induirait d'annexer des charges supplémentaires aux occupants des logements et poserait la question de la réduction du pouvoir d'achat des ménages en difficulté, principales victimes collatérales de cette ordonnance."

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