EMPLOI. La révolution numérique remodèle le marché de l'architecture, avec l'apparition de nouvelles fonctions et de compétences à acquérir. Le processus BIM en particulier induit de nombreux changements. Thibault Bertrand et Antoine Pecclet, de l'agence de recrutement spécialisée Highline Paris, livrent quelques pistes pour que les cabinets d'architecture réussissent leur transition.

L'heure de passer à la maquette numérique a sonné pour de nombreux cabinets d'architectes. Mais il reste difficile de savoir s'il est plus pertinent de recruter un professionnel ou de faire former un de ses collaborateurs. Thibault Bertrand et Antoine Pecclet, spécialistes du recrutement dans le secteur de l'architecture, animaient ce 22 février 2019 un atelier, à l'instigation de l'Ordre des architectes d'Île-de-France, afin de donner des éléments de réponse aux participants : "Les architectes doivent se former au BIM. C'est quelque chose de positif, même pour les petites agences qui peut les aider à se développer", affirment-ils. La technologie, en elle-même, serait neutre et devrait être saisie comme une opportunité par les architectes.
 

"Recherche BIM manager désespérément"



"Le processus sera toujours propre à chaque agence", avertissent les deux experts. Sur l'incontournable question du BIM manager, le choix du profil peut varier : comme les compétences sont à la croisée de l'architecture, de l'ingénierie et de la programmation, le professionnel pourra être, selon les cas architecte de formation, ingénieur ou même informaticien. Son rôle restera le même : suivre la conception de la maquette numérique au sein de l'équipe de maîtrise d'ouvrage. Il ne devra pas être confondu avec le BIM coordinateur, qui lui sera de préférence architecte et produira la maquette. Pour en revenir au BIM manager, les deux spécialistes du recrutement insistent sur ses qualités et capacités : "Il doit être souple, pédagogue, puisqu'il manage les différentes équipes. Il doit également maîtriser les logiciels, car il pourra être amené à les assister techniquement. C'est à la fois un expert et un chef de projet". D'où une rétribution à la hauteur de ses compétences, qui peut justifier +4 k€ de rémunération brute annuelle supplémentaire par rapport à un chef de projet non référent BIM. Côté méthode de recrutement, Antoine Pecclet et Thibault Bertrand, livrent les secrets de quelques cabinets de renom : "Chez Valode & Pistre, par exemple, il y a un entretien par Skype avec le BIM manager afin de tester ses connaissances. Ils font ensuite passer un test d'une journée entière au sein de l'agence pour évaluer à la fois les compétences techniques et les compétences architecturales. Chez Arep, ce test sur l'utilisation du logiciel ne dure qu'une heure. A partir de données fournies dans un .pdf le candidat doit reconstituer la maquette le mieux possible". En 60 minutes, il serait déjà possible de déceler une bonne ou une mauvaise méthodologie.
 

Être actif sur le Net pour intéresser de potentiels candidats



Les deux chasseurs de talents estiment que le numérique induit des changements dans les agences : "Il y a une homogénéisation, une uniformisation des processus de création au sein des agences". Mais cette évolution impose le recrutement de profils compétents et impose un coût financier certain, avec l'acquisition d'équipements informatiques adaptés, la formation du personnel et la prise en compte de la baisse de productivité pendant la période de transition. Afin d'attirer à elles les professionnels les plus intéressants, Antoine Pecclet et Thibault Bertrand donnent quelques astuces : "Avoir un site Internet est indispensable ! Il joue le rôle de vitrine et doit être à jour des projets. La visibilité est importante pour recruter". Pour séduire les étudiants ou jeunes diplômés, ils recommandent également d'être présents sur les réseaux sociaux comme Facebook. "Norman Foster est sur Instagram avec des dizaines de milliers de followers. Et son fil est bien géré. Il ne fait pas que poster de belles photos. Il y a un emploi dédié derrière", analysent-ils. Encore une fois, cette démarche rend l'agence plus attractive. Les deux experts ajoutent que le développement de partenariats avec des industriels ou la participation à des concours et à des prix, dont certains sont spécifiques au BIM (Polantis, Abvent, Vectorworks), constituent des tremplins pour les agences qui disposent ensuite d'une certaine stabilité pour développer leur activité.

Enfin, les deux membres de Highline Paris recommandent de s'intéresser à toutes les technologies émergentes : casques de réalité virtuelle ou augmentée, pour communiquer autour des projets, automation et big data, robotique, impression 3D et matériaux intelligents… Autant de sujets à surveiller de près afin de ne pas être décrochés. Côté écoles, Antoine Pecclet et Thibault Bertrand notent que certaines comme l'Ecole supérieur des travaux publics, l'Ecole nationale supérieure d'architecture de Nantes ou celle de Toulouse, sont légèrement en avance sur la question des formations liées au BIM. Mais les cursus intègrent tous aujourd'hui ce procédé appelé à se généraliser. Et, citant Christian de Portzamparc, ils répondent à l'inquiétude de certains architectes d'être dépossédés de leur activité créatrice : "Le numérique ne remplacera pas les architectes, car il n'est pas sensible".

 

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