TRANSITION. Présentée par le Président de la République et le ministre de la Transition écologique et solidaire en novembre 2018, le projet de Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) a été publié dans son intégralité par le gouvernement ce 25 janvier 2019. Des consultations sont lancées au sein de plusieurs instances, l'occasion pour des acteurs de l'énergie ou de l'écologie de signaler leurs désaccords avec le texte.

"PPE à contresens", "trajectoire [qui] met en péril la sécurité d'approvisionnement de la France", "faiblesse de ce plan"… Les critiques sont nombreuses à l'encontre du projet de Programmation pluriannuelle de l'énergie, publié dans son intégralité par le ministère de la Transition écologique et solidaire ce vendredi 25 janvier 2019. Cette PPE, dévoilée par Emmanuel Macron puis François de Rugy au mois de novembre dernier, porte sur la période 2019-2028 et prévoit l'évolution du système énergétique vers plus d'efficacité, de sobriété et de diversité, afin de le rendre plus résilient. Le document fixe des trajectoires qui inscrivent la France dans un décarbonation totale de son mix énergétique d'ici à 2050. Mais, de nombreux énergéticiens et acteurs de l'environnement manifestent leurs doutes face à ce qui est proposé.

 

Trop d'électrons, pas assez de méthanisation ?

 

Dans un communiqué conjoint, l'Association française du gaz (AFG), France Gaz Renouvelable et Coénove déclarent : "Ce projet de PPE, en oubliant les atouts du gaz, ne fournit pas les bonnes réponses aux enjeux de la transition énergétique". Les promoteurs du gaz mettent d'abord en avant un problème de sécurité d'approvisionnement, notamment au moment de passer la pointe de consommation hivernale, "du fait d'une électrification renforcée des usages" concomitamment avec une augmentation de la production intermittente de courant et d'une réduction des moyens de production pilotables (centrales thermiques ou nucléaires). Ils font valoir que le gaz naturel, flexible et stockable, restera indispensable pour assurer la transition. Les professionnels de cette filière particulière estiment également que la PPE "laisse une part trop faible aux équipements gaz dans les bâtiments", regrettant la prépondérance du vecteur électrique. Ils insistent sur le potentiel des gaz renouvelables, produits localement, par des agriculteurs ou des usines de traitement des déchets. Les gaziers notent : "Les objectifs de production de biométhane du projet de PPE pour 2023 sont inférieurs aux projets déjà enregistrés et nettement en retrait par rapport à la précédente PPE, avec de surcroît des objectifs de baisse de coût peu réalistes".

 

De son côté, le Cler - Réseau pour la transition énergétique est également mécontent. Il assène : "En refusant d'actionner avec force les leviers que sont les économies d'énergie, la production d'énergie renouvelable et la décentralisation énergétique pour donner les moyens aux territoires d'agir, Emmanuel Macron compromet la capacité de la France à tenir ses objectifs sur le climat". Le directeur du réseau, Jean-Baptiste Lebrun, ajoute : "Le gouvernement n'a pas écouté les conclusions du débat public, les nombreuses propositions des divers acteurs engagés et surtout l'aspiration des citoyens qui appellent à accélérer la transition et changer le modèle énergétique". Pour le Cler, la nouvelle mouture de la PPE marquerait un recul sur les ambitions d'efficacité énergétique et de lutte contre la précarité mais constituerait même un frein au développement de certaines filières comme le gaz renouvelable et l'éolien offshore.

 

L'atome ou l'éolien offshore ?

 

Réseau Action Climat (RAC) pointe, pour sa part, une façade avantageuse de la PPE, avec le remplacement programmé des chaudières au fioul ou le développement de la mobilité durable, qui cacherait des failles profondes. Les experts listent six points précis dont un sur le remplacement des chaudières au fioul. Un objectif important qui devrait être accompagné d'un effort sur les rénovations performantes et accessibles aux ménages les plus précaires. Le RAC ajoute : "Le chauffage électrique traditionnel par convecteurs ne doit pas être oublié car c'est le plus coûteux pour les ménages et une bonne isolation des logements concernés permettrait de réduire la pointe de consommation électrique pendant les pics de froid et de gagner de la souplesse sur les moyens de production avec des fermetures facilitées". Le réseau propose d'orienter les aides financières vers les foyers les plus précaires au moyen d'un accompagnement indépendant et de proximité, le Service public de la performance énergétique de l'habitat, déjà créé par la loi sur la Transition énergétique de 2015. Autre écueil relevé par le RAC, une prévision irréaliste de consommation électrique stable jusqu'en 2035 alors que la mobilité électrique se développera : "La PPE devrait prévoir une hausse de la consommation d'électricité et une hausse forte des exportations ceci afin de justifier un nombre très limité de fermetures de réacteurs nucléaires". L'essentiel du parc français, soit 44 tranches atomiques, serait ainsi fermé après 2035 au moment où l'âge moyen des installations dépassera les 50 ans de fonctionnement, alors que certains équipements ont été conçus pour une durée de vie d'une quarantaine d'années. Selon le RAC, la reconversion des dernières centrales à charbon à la biomasse (comme à Cordemais) présenterait des risques environnementaux par rapport à la qualité de l'air et la disponibilité de la ressource, induisant une fragilité sur l'équilibre économique de l'opération. Enfin, sur les énergies renouvelables, il se montre sceptique : concentration des grandes centrales photovoltaïques au sud posant un problème d'accès au foncier, manque de soutien à la méthanisation et défaut d'ambition dans l'éolien offshore.

 

Demander l'avis du public

 

 

Sur ce dernier point, le président de France Energies Eolienne, Olivier Perot, abonde : "Comme le montrent les chiffres, l'éolien est prêt à assumer sa part dans la transition énergétique dès aujourd'hui. La filière est structurée, les savoir-faire sont là, les compétences sont sur le territoire national et les Français nous suivent… Pour l'éolien terrestre comme pour l'éolien en mer, la France peut nourrir de grandes ambitions". Mais les industriels se heurtent, depuis plus d'un an et la décision du Conseil d'Etat de décembre 2017, à un blocage administratif lié à l'absence d'autorité environnementale. "Le gouvernement doit trouver très rapidement une issue à cette situation, car la filière éolienne veut pouvoir tenir ses nouveaux objectifs pour 2023 et 2028, mais pour y parvenir elle a besoin d'un cadre réglementaire qui fonctionne".

 

Les associations et organisations espèrent toutes peser lors des étapes de consultation à venir. Le ministère de la Transition écologique et solidaire rappelle que le projet de PPE sera encore discuté au sein de plusieurs instances qui rendront un avis, comme le prévoit la loi. Parmi ces instances figurent le Conseil national de la transition énergétique, le Conseil supérieur de l'énergie, différents comités (experts pour la transition énergétique, gestion des charges de service public de l'électricité, système de distribution publique d'électricité) et… l'Autorité environnementale. Des discussions seront engagées avec les états voisins et le public français sera invité à donner son avis sur la PPE, par Internet, à l'issue de tout ce processus.

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