Alors que se profilent les débats sur les projets de loi Travail et Sapin II, l'UPA et la Capeb partent en "guerre" sur la représentativité des organisations patronales mais aussi sur les niveaux de qualification, l'assouplissement des seuils de la micro-entreprise et les délais de paiement. Décryptage.
Les artisans sont en "guerre" contre la représentativité des organisations patronales et le dialogue social à travers la loi Travail et la suppression des qualifications, issue de l'article 43 du projet de loi Sapin II, anciennement dite loi Macron II, puis loi Noé. Une déclaration qui survient alors que l'examen de ces deux projets de loi est imminent (Ndlr: 3 mai pour la loi Travail, début juin pour la loi Sapin II).
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Prêts à descendre dans la rue
Après une première campagne de mobilisation sur le thème des bâillonnés, l'UPA et la Capeb ont exprimé ce vendredi 29 avril, leur mécontentement et se disent prêts à appeler les artisans à descendre dans la rue, si l'organisation patronale des artisans n'est pas entendue par le Gouvernement. (Cf encadré).
Même si l'organisation patronale représentative des TPE s'est montrée satisfaite le 8 avril 2016 que "les députés en commission des affaires sociales aient refusé à juste titre la proposition du Gouvernement de donner les clefs de représentativité patronale aux seules grandes entreprises", l'article 19 du projet de loi réformant le code du Travail a ravivé les tensions entre le Medef et la CGPME.
D'après cet accord actuel, les critères retenus pour mesurer à partir de 2017 la représentativité des organisations patronales tiennent compte du nombre d'entreprises adhérentes aux organisations patronales à hauteur de 20% et du nombre de salariés dans ces entreprises à hauteur de 80%.
"Nous dénonçons ce texte, qui loin de redynamiser le dialogue social, s'apprête à fausser et à bâillonner la majorité des entreprises", s'insurge, Jean-Pierre Crouzet, président de l'UPA.
Capeb/FFB : comment sera calculée la représentativité ?
L'exemple du secteur du bâtiment est particulièrement éloquent, poursuit à son tour Dominique Métayer, vice-président de la Capeb. "En favorisant le nombre de salariés au détriment du nombre d'entreprises représentées, que penser du déséquilibre grossier qui s'instaurerait autour de la table lors des négociations de branches ? Les majors et grosses entreprises du bâtiment adhérentes au Medef totalisent environ 300.000 employés, elles pèseront donc infiniment plus que les 70.000 adhérents de la Capeb."
En détails, la Capeb a pris sa calculette en main et a comparé la représentativité des organisations avant et après une éventuelle application de la loi Travail. "Avant la loi, avec 70.000 entreprises adhérentes, on représente 58% des entreprises syndiquées, détaille Dominique Métayer. Et, en face, on compte la Fédération française du bâtiment (FFB) (Ndlr : membre du Medef), qui revendique, d'après leurs chiffres, 50.000 entreprises adhérentes, soit 42% des entreprises syndiquées."
Avant d'enfoncer le clou : "En revanche, si la loi est votée, les majors et grosses entreprises du bâtiment adhérentes représenteraient environ 300.000 salariés. Du côté de la Capeb, nous en employons 180.000. Ici l'assiette retenue serait le nombre d'entreprises adhérentes à hauteur de 20% (soit 120.000 x 20% = 24 000) et le nombre de salariés à hauteur de 80% (soit 480.000 x 80% = 384 000). Soit au total : 408.000. Au sein de cet ensemble la Capeb, ne pèserait plus que 38% et la FFB 62 %... La Capeb perdrait 20 points de représentativité alors que la FFB en gagnerait 20. C'est inacceptable !", martèle la Capeb.
"Aucun accord n'est trouvé avec la CGPME et le MEDEF", précise l'UPA
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En attendant, l'UPA ne compte pas en rester là même si un accord avec le Medef et la CGPME semble compromis, Pascal Asselin, président de la CGPME ayant "annulé" le rendez-vous fixé ce vendredi. "Mais en cas d'éventuels désaccords d'ici à mardi prochain, la ministre du Travail tranchera par la voie de l'amendement, annonce Jean-Pierre Crouzet. Mais d'ici à mardi, tout est jouable..."
Pour l'heure, les discussions se sont arrêtées sur le fait de tenir compte de deux critères qui seraient alternatifs. Pour être représentatives, les fédérations professionnelles devront avoir un seuil d'audience équivalant soit à 8 % du nombre d'entreprises adhérant en 2015 à toutes les organisations professionnelles sur le champ considéré ; soit regrouper 8 % des salariés de ces mêmes entreprises adhérentes.
"En revanche, si ce compromis était retenu, il ne réglerait en rien le problème de la répartition des financements paritaires entre les trois organisations patronales…, nous confie-t-on à l'UPA. Et on est bien conscient que le Medef ne veut pas lâcher ses six représentants..."
La colère subsiste autour des qualifications
"L'article 43 du projet de loi qui propose de supprimer l'exigence de qualification professionnelle qui existe aujourd'hui pour exercer un certain nombre d'activités artisanales nous inquiète profondément, a rappelé Dominique Métayer, vice-présent président de la Capeb. Et lorsqu'on entend la FFB affirmer que le bâtiment serait épargné par 'cette fausse bonne idée', nous ne comprenons pas d'où viennent leurs informations. De notre côté, on ne peut pas se laisser anesthésier par Bercy. Nous attendons des garanties claires."
D'ailleurs, les derniers propos de la secrétaire d'Etat à l'Artisanat, Martine Pinville, au congrès de la Capeb troublent ses dirigeants : "Il n'est pas question de retirer les exigences de qualification dès qu'il faut construire un mur porteur", a-t-elle dit. "Nous ne voulons donc pas d'un métier de maçon à deux vitesses !", assène Dominique Métayer.
Avant d'enfoncer le clou : "Patrick Liébus l'a dit, je le redis aujourd'hui : Si le Gouvernement passe par décret dans ce sens, nous sommes prêts à faire descendre les artisans du bâtiment dans la rue !"