PRÉSIDENTIELLE 2022. Face à un certain engouement pour l'auto-entrepreneuriat probablement renforcé par la crise sanitaire, l'Union des indépendants et l'Union des auto-entrepreneurs s'associent pour interpeller les candidats autour de sept propositions censées faciliter l'activité indépendante. Les mesures portent notamment sur l'encadrement juridique et la protection sociale.

Déjà en progression avant le déclenchement de la pandémie de Covid, l'auto-entrepreneuriat a probablement connu encore un nouvel engouement durant la crise sanitaire. Beaucoup de travailleurs indépendants décident de se lancer dans l'aventure entrepreneuriale en choisissant le statut de micro-entrepreneur, présenté comme bien plus favorable pour débuter son activité mais qui suscite aussi une défiance croissante des organisations représentatives du bâtiment, lesquelles y voient une forme de concurrence déloyale envers les entreprises artisanales classiques de la filière.

 

 

Selon une étude de l'Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) de 2017, la construction représente 13% des indépendants, soit 415.000 personnes (contre 7% de l'emploi salarié). Sur ce total, plus d'un indépendant sur trois sont des auto-entrepreneurs, 4% sont des indépendants classiques "polyactifs" (c'est-à-dire cumulant plusieurs postes) et 12% sont des auto-entrepreneurs "polyactifs". Les effectifs diffèrent suivant les segments d'activité : 100.000 indépendants dans le gros-oeuvre, 90.000 dans les travaux de finition, 60.000 dans l'architecture, 50.000 dans la menuiserie et la plomberie-chauffagerie, 45.000 dans l'électricité et 20.000 dans le génie civil. Le chiffre d'affaires moyen mensuel des indépendants est de 2.600 € dans le gros-oeuvre, 2.400 € dans la finition, 3.500 € dans l'architecture-ingénierie, pour un revenu médian mensuel de 2.400 € dans le BTP.

 

"Des trous dans la raquette" de la protection sociale

 

Quoi qu'il en soit, l'attrait pour l'entrepreneuriat est bel et bien là, et le Gouvernement ne s'y est pas trompé en concoctant la loi en faveur de l'activité indépendante, voulue par Emmanuel Macron et préparée par l'ancien président de l'U2P (Union des entreprises de proximité) devenu ministre des PME (petites et moyennes entreprises) Alain Griset, finalement remplacé à Bercy par Jean-Baptiste Lemoyne. Si la grande majorité des représentants des indépendants ont salué le texte, beaucoup estiment malgré tout qu'il ne va pas assez loin, notamment en termes d'encadrement juridique et de protection sociale.

 

"Cette loi a des vertus incontestables puisqu'elle peut permettre d'éviter l'addition de l'échec familial à l'échec économique. Quand on protège son patrimoine personnel, on protège son cadre de vie, donc on ne peut être que favorable à un dispositif qui vise à le protéger encore plus", indique François Hurel, président de l'Union des auto-entrepreneurs (UAE), à Batiactu. "Mais cette loi ne concerne que les travailleurs indépendants dont l'activité est installée et s'appuyant déjà sur un patrimoine, ce qui ne représente qu'une trentaine de pourcent des 3,6 millions d'indépendants." S'ils la jugent donc "bonne" et "utile", les professionnels estiment tout de même que la loi récemment promulguée reste insuffisante, créant "des trous dans la raquette" en ne couvrant pas "le champ essentiel de la protection sociale".

 

Des doutes sur le comportement des banques

 

Les craintes persistent donc, notamment sur la question des cautions bancaires qui pourraient être exigées en contre-partie de l'extension de la protection du patrimoine personnel des indépendants. "On est sur le fil", confirme François Hurel. "À partir du moment où l'on crée un mécanisme qui protège un patrimoine, il est évident qu'une banque qui prête de l'argent tentera de contourner ce mécanisme pour chercher une garantie. Et ce contournement est le cautionnement. Or le cautionnement doit pouvoir être divisé et discuté." D'après les professionnels, les établissements bancaires pourraient ainsi être tentés d'exercer une pression sur le client demandant un prêt afin d'obtenir une caution. "On est très loin de la réalité des auto-entrepreneurs, qui pour la plupart n'ont pas ou peu de patrimoine", insiste François Hurel.

 

Partant également de ce constat, l'Union des indépendants (UI) et l'UAE viennent de présenter sept mesures à destination des candidats à l'élection présidentielle. Rappelant que les 3,6 millions de travailleurs indépendants - dont plus de 2,6 millions sont des auto-entrepreneurs - représentent environ 11% de la population active, les deux organisations demandent à ce que les politiques publiques prennent davantage en compte la dynamique de cette catégorie professionnelle tout en lui "donnant un réel 'pouvoir de vivre' au quotidien". Tous secteurs confondus, environ un million d'entreprises individuelles se sont en effet créées en 2021, dont 650.000 micro-entreprises, soit un bond de 17% en comparaison à 2020.

 

Faciliter la transition de l'auto-entrepreneur vers l'entrepreneur classique

 

Mais si le désir d'entreprendre ne se dément pas, il s'inscrit dans une transformation globale et profonde du monde du travail en général, et de l'auto-entrepreneuriat en particulier, qui appelle selon l'UI et l'UAE à des mesures spécifiques. À commencer par une "réforme ambitieuse des droits du travailleur indépendant", qui consisterait à faire converger les droits sociaux en augmentant légèrement le coût de la cotisation sociale. "Pour bénéficier de cette protection, la totalité des auto-entrepreneurs serait mise à contribution, en sachant que les bénéficiaires ne seraient logiquement que la part de celles et ceux qui exercent à titre exclusif et sans autres revenus", précisent les deux organisations.

 

Deuxième proposition : conférer à la déclaration de chiffre d'affaires une valeur économique et juridique quasi-équivalente à celle d'une feuille de paie, ce qui permettrait d'en faire une sorte de témoignage du "pouvoir de vivre" déjà évoqué. Les indépendants pourraient ainsi être inscrits à la démarche du 1% logement et les bailleurs auraient la possibilité de souscrire une garantie loyers impayés pour leurs locataires travailleurs indépendants. Les professionnels souhaitent également faciliter la transition de l'auto-entrepreneur vers l'entrepreneur classique, en instaurant une année blanche "sans conséquence fiscale ou sociale en cas de franchissement de seuils". Cette disposition serait toutefois assortie d'une obligation de suivre une formation spécifique "à la préparation et à l'anticipation des conséquences du franchissement des seuils".

 

 

Créer un "fonds de croissance"

 

Une autre mesure suggérée consisterait à autoriser les alliances ponctuelles d'indépendants par le biais d'un dispositif "d'association économique" flexible permettant à plusieurs auto-entrepreneurs de répondre collectivement à des appels d'offres ou des marchés pluridisciplinaires. L'UI et l'UAE veulent en outre revoir le système de la cotisation foncière des entreprises (CFE) "en mutualisant le prélèvement pour les auto-entrepreneurs sur la base d'un taux unique sur tout le territoire avant sa redistribution aux collectivités".

 

Les deux organisations préconisent en outre de créer un "fonds de croissance" piloté par l'État et éventuellement abondé par les collectivités, qui répondrait aux besoins des indépendants "via un dispositif de chèque d'accompagnement" en fonction des besoins identifiés, qu'ils soient relatifs au transport, à la formation ou à l'équipement numérique. Dernière proposition : offrir aux bénéficiaires du RSA (revenu de solidarité active) la possibilité de développer un projet d'activité indépendante et de se former pour cela, "en leur donnant accès au CPF (compte personnel de formation) et en abondant une somme susceptible de répondre à l'objectif".

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