CONJONCTURE. Après des années 2017 et 2018 jugées exceptionnelles, le marché de l'immobilier de luxe devrait retrouver son rythme de croisière en 2019. Le réseau Coldwell Banker, spécialisé sur ce segment d'activité, a dévoilé son bilan 2018 et ses perspectives 2019, en s'attardant notamment sur les effets post-Brexit et post-IFI. Focus.
"L'immobilier de luxe a connu des années 2017 et 2018 exceptionnelles. En 2019, le marché devrait continuer à enregistrer une croissance soutenue, mais on parlera davantage d'année rigoureuse que d'année exceptionnelle." Voilà les prévisions pour l'année 2019 de Laurent Demeure, président de Coldwell Banker France & Monaco, lors d'une conférence de presse présentant le bilan 2018 et les perspectives 2019 pour l'immobilier de prestige dans l'Hexagone. Ce réseau spécialisé a vu son volume de ventes progresser de 34,49% en 2018, contre une hausse beaucoup plus timide de 16,9% en 2017. Le marché de l'immobilier de luxe français a globalement connu un début d'année poussif, avant de profiter d'une reprise marquée, confirmant ainsi son rôle de valeur-refuge. Chez Coldwell Banker, le volume de ventes a ainsi atteint les 754 millions d'euros en 2018, en comparaison aux 570 millions de 2017. Le prix moyen de mise en vente est de 1.279.000 €, soit une hausse de presque 9% par rapport à 2017. "Notre stock actuel est de 1,26 milliard d'euros, contre 950 millions auparavant, ce qui représente une augmentation de 33%", note Laurent Demeure. "En revanche, le stock d'acquéreurs baisse de 6%, soit 11.160 acquéreurs en recherche active."
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Le Brexit profite indéniablement à Paris
Quelles sont les grandes tendances observables sur le marché tricolore de l'immobilier de prestige ? Tout d'abord, les non-résidents reviennent en masse sur ce segment, d'après Coldwell Banker : les Français partis aux Etats-Unis, en Belgique, au Luxembourg ou en Suisse après l'élection de François Hollande regagnent aujourd'hui l'Hexagone. De même, des Américains et des acquéreurs du Moyen-Orient investissent dans la pierre parisienne, de même que certains Chinois. Par ailleurs, les professionnels constatent un retour des patrons de grands groupes et des banquiers internationaux, dû à la meilleure santé de l'économie française... et au Brexit. Ce phénomène représente assurément une aubaine pour l'immobilier parisien, dont les volumes de ventes et les niveaux de prix progressent, du fait du budget des investisseurs britanniques débarquant en France - Londres reste 1,2 fois plus chère que Paris. Le Brexit a également des répercussions sur l'immobilier de luxe parisien : "Le flux du Brexit est constant et modéré", confirme Laurent Demeure. "Plusieurs acquisitions de familles arrivant de Londres ont été réalisées. Ce sont principalement des appartements familiaux sur le 16e Nord et sur la rive gauche, entre 1,8 et 4 millions d'euros."
Une évolution des comportements, sans lien avec les Gilets jaunes
Au-delà de ces transactions notoires, le président de Coldwell Banker France & Monaco insiste sur une évolution globale des comportements : "Il n'y a plus trop d'achat coup de cœur comme il y a quelques années, mais de plus en plus d'acheteurs appliquant des méthodes professionnelles, avec une tendance anglosaxonne à la transparence totale : ils posent des questions pertinentes, parfois techniques, et exigent souvent un historique complet de la vie du bien qu'ils souhaitent acquérir, et même de son potentiel de rentabilité. Ce qui va à l'encontre des habitudes des vendeurs français, qui donnent assez peu d'informations à leurs clients. Après, il ne faut jamais oublier que l'achat immobilier reste un achat émotionnel."
S'agissant du contexte politique et social, les professionnels de Coldwell Banker n'ont pas spécialement noté d'impact des Gilets jaunes sur la santé économique de l'immobilier de luxe : la révolte sociale ne modifie en rien la perception de la France et de sa capitale par les étrangers. "L'impact économique sera un impact de report, qui pourra aussi se traduire par des changements de décision ; ce sont les aléas de la perte de temps. Mais il est vrai que les étrangers ont l'habitude des manifestations et des grèves menées par les Français", ajoute Laurent Demeure. En outre, la transformation de l'Impôt sur la fortune (ISF) en Impôt sur la fortune immobilière (IFI) a pu stimuler certains marchés régionaux. Pour rappel, les contribuables sont soumis à ce nouveau dispositif dès lors que la valeur nette de leur patrimoine immobilier dépasse 1,3 million d'euros.
Le 6e arrondissement reste le quartier parisien le plus cher
Ce point conjoncturel a aussi été l'occasion d'effectuer un focus sur différents marchés immobiliers. Pour commencer, le marché parisien reste toujours aussi attractif : en 2018, les prix de la capitale ont augmenté de 6%, avec 12% des transactions dépassant le million d'euros. Les appartements affichant un grand luxe de finition, de décoration et de services sont recherchés par une élite mondiale qui rêve toujours autant de la Ville Lumière. Dans le détail, le 6e arrondissement reste le quartier le plus cher de Paris, avec plus de 13.000 € le m². Néanmoins, la rive gauche, traditionnellement plébiscitée par les acquéreurs fortunés, serait en train de se faire détrôner par le cœur historique de la capitale : le 4e arrondissement, dans le Marais, affiche un prix moyen au m² de 12.750 €. A noter : le 1er arrondissement est devenu l'un des quartiers les plus attrayants, avec un bond de 25% de ses prix en 5 ans. Au final, Paris enregistre les meilleurs résultats de l'immobilier de prestige depuis 2011, bénéficiant toujours de taux d'intérêt particulièrement bas et de la suppression de l'ISF. La part d'investisseurs internationaux croît de 22%.
La Côte d'Azur et le Sud-Ouest attirent toujours autant, Saint-Germain-en-Laye tire son épingle du jeu
Ailleurs en France, le marché de Montpellier monte en puissance et attire des Français, Suisses, Belges et Luxembourgeois. Le prix moyen de mise en vente y est de 914.000 €. Dans l'arrière-pays cannois, le secteur est également porté par une bonne dynamique : "C'est un des marchés qui fonctionnent le mieux", relève Laurent Demeure. Les prix peuvent ici grimper jusqu'à 20.000 € le m². La région de Hyères représente pour sa part "un marché de 'migrants' de la Riviera qui recherchent l'authenticité et l'attractivité". La clientèle, essentiellement parisienne et étrangère, est en quête de résidences secondaires avec un accès facilité. Sur la côte Atlantique, la ville de Biarritz possède un marché toujours aussi porté sur le haut de gamme, avec des appartements oscillant entre 6.000 et 20.000 € le m². Les Français représentent ici 95% des acquéreurs.
Un autre marché d'exception de l'Ile-de-France est celui de Saint-Germain-en-Laye, où le prix au m² dépasse les 6.000 €, et où le volume de ventes a bondi de 17% en 2018. Mais dans le centre historique de la ville natale de Louis XIV, la demande y est tellement forte que les professionnels n'arrivent plus à y répondre : "Le stock a fondu de 36% depuis janvier 2018", souligne Laurent Demeure. "Il y a trop peu d'offres et une tension importante sur les prix." La clientèle se compose ici d'étrangers et de Parisiens recherchant une qualité de vie qu'ils ne trouvent plus dans la capitale.
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Sur le marché d'Arcachon / Le Cap Ferret, Coldwell Banker a constaté un impact très positif de l'IFI, avec notamment une expansion sur le segment des résidences secondaires. Quant à Bordeaux, le marché y est par contre en repli, ce qui s'explique par la flambée des prix (+20%) observée en 24 mois. La préfecture de la Gironde est ainsi devenue la deuxième ville la plus chère de France, grâce entre autres à la LGV la reliant à Paris. "Est-ce que les prix n'auraient pas augmenté trop vite, face à une demande trop importante ?", s'interroge Laurent Demeure. "Il faudrait que le marché reprenne son souffle." Enfin, la Touraine et le Val-de-Loire attirent les acheteurs de châteaux : "Ce marché est en train de se redévelopper. On observe d'ailleurs parfois que les familles châtelaines font affaire entre elles. Mais elles veulent aussi rester discrètes sur la mise en vente de leurs demeures historiques."
L'agglomération toulousaine à surveiller en 2019
Pour 2019, Coldwell Banker France & Monaco table sur une consolidation de la place de Paris. En effet, les concurrents à la Ville Lumière sont à la peine : "On s'attend à une chute des prix à New York, et le marché londonien est bloqué, d'autant que la fiscalité britannique est en train de s'alourdir. Paris a donc une carte à jouer dans ce contexte." Mais il faudra aussi composer avec la montée en puissance de Genève, car l'agglomération suisse pourrait profiter de plusieurs facteurs (accord avec l'Union Européenne, liaison ferroviaire, projets d'aménagement urbains...). Laurent Demeure tire toutefois la sonnette d'alarme sur le "grand débat national" qui se profile pour tenter d'apaiser les Gilets jaunes : "Il ne faudrait pas revenir aux vieux démons de la fiscalité française. Rouvrir certains débats, comme l'ISF, l'imposition sur l'héritage ou la taxe d'habitation pourrait impacter l'attractivité de la France."
Dans tous les cas, 2019 devrait s'illustrer par une croissance toujours soutenue, surtout pour le centre historique de Paris. La hausse des prix serait globalement de l'ordre de 2,5% jusqu'en 2020. Les professionnels pronostiquent aussi un "Hard Brexit", une légère hausse des taux d'intérêt à partir de septembre 2019 et une montée en puissance de Toulouse, qui pourrait attirer les acquéreurs au détriment de Bordeaux, jugée trop chère. "Les acheteurs sont de plus en plus mobiles. Quand les prix montent trop vite sur un marché, ils vont chercher un marché de report", conclut Laurent Demeure.