FISCALITÉ. Reçue par le ministre de l'Economie Bruno Le Maire ce 12 décembre 2019, une délégation de la Chambre nationale de l'artisanat des travaux publics et du paysage (CNATP) affirme avoir obtenu "de vraies avancées pérennes et durables" dans le dossier, sensible, de la suppression de la fiscalité réduite sur le gazole non-routier (GNR). Détails.
Moins dure sera la chute. C'est en substance ce que l'on peut retenir des aménagements obtenus par la Chambre nationale de l'artisanat des travaux publics et du paysage (CNATP, membre de l'Union des entreprises de proximité - U2P), dont une délégation a été reçue ce 12 décembre 2019 à Bercy par le ministre de l'Economie Bruno Le Maire. Cette rencontre s'est inscrite dans le cadre des négociations relatives au projet de loi de Finances (PLF) 2020, qui comporte la suppression de la fiscalité réduite sur le gazole non-routier (GNR). Après les concessions arrachées au Sénat par la Fédération des distributeurs, loueurs et réparateurs de matériels (DLR), c'est donc au tour des artisans du BTP "d'obtenir de vraies avancées pérennes et durables", parlant même de mesures de "bon sens". Les points d'accord sur lesquels le Gouvernement et les représentants de la profession étaient parvenus à s'entendre au début du mois ont apparemment été confortés.
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Protéger la filière de la concurrence déloyale
En premier lieu, l'exécutif a accepté le principe d'un carburant avec une teinte spécifique pour les engins dédiés au BTP, carburant qui sera mis en service à compter du 1er juillet 2020. Ensuite, "une liste précise" des machines sera justement établie avant le 1er juillet 2020, et imposera à tous les propriétaires des modèles y figurant d'utiliser "systématiquement" ce gazole particulier, "ceci afin d'éviter la concurrence déloyale". Ce document permettra par ailleurs à la gendarmerie et aux services de douanes de "procéder à des contrôles sur pièce et sur place", dans n'importe quel lieu public comme privé où les engins travailleront ou stationneront. Tous les donneurs d'ordre et les bénéficiaires du remboursement agricole seront également dans l'obligation "de tenir un registre des travaux relevant du secteur du BTP réalisés par des entreprises du secteur agricole". Plus largement, les donneurs d'ordre et maîtres d'ouvrage verront leur responsabilité étendue, notamment en termes de contrôle d'activité déclarée et de respect de la réglementation relative aux carburants. Le barème des sanctions sera défini ultérieurement, lors d'une nouvelle réunion entre Bercy et la CNATP.
Nonobstant la responsabilité élargie des acteurs économiques, un médiateur sera aussi nommé dans chaque département "pour veiller à la bonne application de ces nouvelles règles et de la juste répercussion tarifaire de la hausse de la fiscalité". De plus, un calendrier rigoureux a d'ores-et-déjà été approuvé : jusqu'à la fin 2022, des réunions semestrielles seront organisées entre ce médiateur, les services de douanes, la gendarmerie et les représentants de la profession. Passé cette échéance, les réunions ne se tiendront plus qu'à la demande des parties, "si besoin". Enfin, la CNATP a obtenu du Gouvernement une disposition similaire à celle de la fédération DLR : "un suramortissement aux engins de chantiers [que les entreprises du BTP] acquièrent ou prennent en location dans le cadre de contrats de crédit-bail ou de contrats de location avec option d'achat à compter du 1er janvier 2020, et jusqu'au 31 décembre 2023 en remplacement de matériels de plus de 5 ans qu'elles utilisent". Attention toutefois, seuls les machines respectant la norme européenne Stage V, relative aux émissions polluantes, seront éligibles à ce dispositif, aux côtés des engins non-routiers équipés d'un filtre à particules et d'un dispositif Adblue.
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Bercy inflexible sur l'étalement de la suppression du taux réduit
Seule ombre au tableau des négociations de la CNATP : le refus de l'exécutif de revenir sur le calendrier d'application de la suppression progressive du taux réduit de TICPE (Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) sur le GNR. Pour rappel, cette disparition doit s'appliquer en 3 temps : un premier rabot de 45% au 1er juillet 2020, un second montant jusqu'à 75% au 1er janvier 2021, et une suppression totale au 1er janvier 2022. Pour les représentants des artisans, ce refus pourrait s'expliquer par une question de principe : négocier des délais avec le BTP aurait impliqué de faire la même chose avec d'autres secteurs d'activité, "dans un contexte social difficile". L'aspect budgétaire doit aussi être pris en compte : selon Bercy, un décalage de 6 mois du calendrier initialement prévu aurait représenté un coût de 200 millions d'euros. Une dernière explication tiendrait d'un différend au sein-même de la profession : retoucher le calendrier ne pouvait se faire "en respect d'accord et de négociation avec d'autres organisations professionnelles représentant très souvent de grandes entreprises", d'après la CNATP.