FORMATION. Suite à une question écrite adressée au Gouvernement par la sénatrice LR d'Indre-et-Loire Isabelle Raimond-Pavero, l'exécutif semble avoir enfin tranché l'épineux dossier du Fonds d'assurance formation des chefs d'entreprises artisanales (Fafcea) : les cotisations ne devraient plus être fléchées que vers un seul Opérateur de compétences, et un mécanisme de péréquation sera instauré entre les différents organismes. Le Syndicat des indépendants (SDI) réagit à cette décision auprès de Batiactu.
Mais que va-t-il donc advenir du Fonds d'assurance formation des chefs d'entreprises artisanales (Fafcea) ? Depuis l'annonce de la non-publication du rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur le sujet, les interrogations demeurent et les inquiétudes persistent. L'épineux dossier a fait l'objet d'une question écrite de la sénatrice LR d'Indre-et-Loire Isabelle Raimond-Pavero, parue dans le Journal officiel du 11 juillet 2019, et auquel le ministère du Travail vient de répondre, ce 5 décembre. Rappelant en préambule que "les artisans constituent un corps de métier important, avec de nombreux emplois concernés qui reposent sur un savoir-faire", la parlementaire précise que "la ministre [du Travail, Muriel Pénicaud, ndlr] a, il est vrai, débloqué entre-temps 30 millions d'euros pour aider à cette prise en charge, somme qui couvrira certaines formations pour cette année 2019". Malgré tout, Isabelle Raimond-Pavero pointe du doigt la pérennité du système, et demande donc à la ministre "ses propositions sur la prise en charge de la formation continue des artisans".
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Suppression de l'obligation de versement pour les artisans affiliés au régime général de la Sécu
Dans sa réponse écrite, le ministère du Travail souligne que "trois catégories socio-professionnelles relèvent de la classification des travailleurs indépendants", à savoir les chefs d'entreprises artisanales possédant le statut fiscal et social des travailleurs non-salariés ; les artisans qui, du fait de la forme sociale de leurs entreprises, sont rattachés au régime général de la Sécurité sociale par la loi ; enfin, les entrepreneurs ayant choisi le régime juridique de la micro-entreprise. "En 2018 et 2019, les Urssaf ont observé une forte chute de la collecte de la cotisation formation professionnelle auprès de la seconde catégorie, celle des travailleurs indépendants artisans assimilés à des salariés", rappelle le texte paru au JO.
"En effet, il est apparu que cette catégorie professionnelle contestait son double assujettissement à ladite cotisation : une fois auprès de l'Opérateur de compétences (OPCO) de rattachement de l'entreprise pour l'ensemble des salariés de l'entreprise, y compris le chef d'entreprise en qualité de salarié ; une autre fois auprès des Urssaf en tant qu'entreprise artisanale immatriculée au répertoire des métiers [...]." Pour l'Administration, "il convient de corriger cette anomalie juridique pour les chefs d'entreprises affiliés au régime général de la Sécurité sociale en application des 11°, 12° et 23° de l'article L.311-3 du Code de la Sécurité sociale en supprimant l'obligation de versement instituée à tort par ce texte".
Un amendement au PLF 2020 pour ne flécher les cotisations qu'en direction d'un seul OPCO
Concrètement, le cabinet de Muriel Pénicaud assure que les cotisations des artisans ne devraient ainsi plus être fléchées que vers un seul et unique OPCO, "auprès duquel ils pourront faire valoir leurs droits à formation". Le Gouvernement a en fait déposé un amendement en ce sens dans le cadre de l'examen du projet de loi de Finances (PLF) 2020 au Parlement ; amendement qui a été adopté par les députés en première lecture. Quant aux travailleurs indépendants et chefs d'entreprises dont le financement de la formation professionnelle relève des Fonds d'assurance formation (FAF) de non-salariés, l'exécutif envisage d'instituer un mécanisme de péréquation entre les organismes "disposant de disponibilités et ceux présentant des besoins".
En outre, les ordonnances issues de la loi Avenir professionnel contiennent des "mesures d'harmonisation du régime juridique applicable aux FAF des non-salariés sur celui applicable aux OPCO". Un dispositif censé garantir un contrôle plus efficace de ces derniers sur différents points : "l'obligation du FAF de s'assurer de la capacité du prestataire de formation qu'il finance d'assurer une formation de qualité", ainsi que "la conclusion d'une convention d'objectifs et de moyens entre l'Etat et le FAF" et "le non-cumul des fonctions de salarié ou d'administrateur du fonds et de salarié ou de gestionnaire d'un organisme de formation afin de prévenir les situations de conflits d'intérêts".
"On va devoir compter sur un système de fonds dont les montants ne seront pas fixes d'une année à l'autre"
Contacté par Batiactu, Jean-Guilhem Darré, le délégué général du Syndicat des indépendants (SDI), a réagi à cette décision gouvernementale : "Cela répond à une question essentielle, à savoir le maintien ou non de la double cotisation. On sait maintenant qu'il n'y aura plus de double cotisation." Si elle a le mérite de simplifier la situation, la mesure soulève cependant d'autres interrogations : "La problématique qui se pose derrière, c'est l'amoindrissement du financement du Fafcea. Car pour rappel, on s'est rendu compte qu'il y avait eu énormément de double cotisants - environ 400.000 sur un total de 800.000 cotisants. Nous ne sommes pas sûrs que la péréquation proposée par le Gouvernement, qui est donc un système de vases communicants entre les différentes catégories d'indépendants, puisse satisfaire tout le monde. En revanche, c'est plutôt une bonne chose qu'on fasse le ménage dans les centres de formations et que les OPCO soient maintenant co-responsables de la qualité des formations dispensées."
Pour les représentants du secteur, la balle est maintenant dans le camp des deux organisations administrant le Fafcea : l'Union des entreprises de proximité (U2P) et la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). A l'heure actuelle, le SDI affirme ne pas avoir d'informations sur ce que va acter le conseil d'administration du Fonds, et ignore si les financements vont être suffisants pour poursuivre le niveau de prise en charge, avec par extension une autre interrogation sur le montant des cotisations. Car le principe de péréquation pourrait bien avoir ses limites : "On va devoir compter sur un système de fonds dont les montants ne seront pas fixes d'une année à l'autre", prévient Jean-Guilhem Darré. "De plus, est-ce que les artisans vont voir leurs cotisations augmenter, leur prise en charge diminuer ? Ce qui est sûr, c'est qu'il y a une garantie : le souhait du Gouvernement est de maintenir l'accès à la formation continue sans hausse des cotisations. Mais les conditions concrètes ne sont pas connues. Le diable va donc certainement se cacher dans les détails !"
Par conséquent, le SDI "essaie d'obtenir des informations" auprès de l'U2P et de la CPME, mais reconnaît que la chose est "difficile" ; ce qui peut néanmoins s'expliquer par le fait qu'une organisation qui n'est pas membre du Fafcea ne peut avoir accès à des informations confidentielles sur son fonctionnement. "On sait ce qu'on veut et ce qu'on ne veut pas, donc on met la pression", assure le délégué général du SDI.
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Un dossier au cheminement chaotique depuis mars dernier
L'histoire du FAFCEA est pour le moins tourmentée : pour rappel, un cafouillage administratif avait bloqué le dispositif de mars à mai 2019, à cause d'un déficit de 32 millions d'euros, causé par la "perte" de 170.000 entreprises lors du transfert des fichiers des adhérents de la Direction générale des Finances publiques (DGFIP) à l'Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss, qui chapeaute les Unions de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale - Urssaf). Une solution avait ensuite été trouvée par les partenaires sociaux, mais son caractère temporaire et sa nouvelle batterie de critères restrictifs avaient été dénoncés par le secteur. Celui-ci s'était alors reposé sur la prochaine publication d'un rapport de l'Igas sur le sujet. Sauf que ce texte, bien que finalisé et en possession de l'Administration depuis la rentrée 2019, ne sera finalement pas rendu public. Les professionnels n'en ont d'ailleurs toujours pas eu connaissance : "Il n'est toujours pas communicable", confirme Jean-Guilhem Darré. "Mais on peut supposer que ce qui a été décidé par le Gouvernement se base sur ce fameux rapport."