ENTRETIEN. Auteur d'un rapport sur la maîtrise des coûts du foncier, le député (Modem) de Haute-Garonne Jean-Luc Lagleize dresse pour Batiactu les pistes de réflexion pour freiner la spéculation foncière qui plombe de plus en plus l'accès au logement dans les zones tendues.
Batiactu: Vous avez rendu votre rapport le 6 novembre au ministre du Logement, mais il reviendra très prochainement à l'Assemblée nationale
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Le Modem a effectivement profité de la niche parlementaire pour présenter une proposition de loi portant sur la maîtrise des coûts du foncier, qui sera examinée par les députés en séance publique le 28 novembre prochain. Nous avons également proposé un amendement au projet de loi de finances 2020, pour doter l'appel à manifestation d'intérêt que je préconise dans mon rapport pour la création d'un Observatoire foncier dans les zones tendues. Il n'est malheureusement pas recevable puisque l'objet n'est pas encore créé, mais la séance publique sera l'occasion de parler de mon rapport auprès du ministre et de sensibiliser mes collègues sur le sujet.
Batiactu: Pour tenter de freiner la spéculation sur les prix du foncier, vous proposez de revoir le droit de la propriété, n'est-ce pas un peu risqué, sachant que ce droit est constitutionnel ?
Jean-Luc Lagleize: Il ne s'agit pas de remplacer ce droit, mais de rajouter un troisième droit de la propriété. Il existe aujourd'hui la propriété pleine et entière, et le démembrement entre nue-propriété et usufruit. A cela, je propose d'ajouter une dissociation entre le foncier et le bâti, qui n'enlève rien au propriétaire. Qu'il s'agisse de foncier public ou privé, la société détentrice consentirait un bail emphytéotique. La nouveauté est que ce bail serait rechargeable.B: Quel outil permettrait d'appliquer ce nouveau droit ?
J-L.L: Dans les organismes fonciers solidaires, le propriétaire est un bailleur social qui permet de l'accession sociale à la propriété via le bail réel solidaire, mais qui reste soumis à des plafonds de revenus. Hors, dans les zones tendues, les personnes ne peuvent se loger qu'à condition d'avoir des revenus assez élevés. Cela oblige toutes les personnes ayant un revenu intermédiaire à se loger en dehors de ces zones. Ce sont eux que je vise à travers mon rapport, en permettant d'élargir le bail réel solidaire et permettre une réelle mixité d'usage. L'accession par ce biais ne serait plus soumis à des plafonds de revenus. Je souhaiterais également libérer davantage les possibilités de vente et de succession, car aujourd'hui, le propriétaire d'un logement en bail réel solidaire ne peut le revendre qu'à une personne ayant les mêmes revenus qu'elle. De même, on ne peut hériter d'un logement acquis avec un bail réel solidaire que si l'on a la même situation que le parent décédé.B: Dans votre rapport, vous explorez les pistes d'optimisation du foncier déjà bâti, notamment la surélévation. Elle peine pourtant à convaincre dans les copropriétés et le voisinages...
J-L.L: En débutant ma mission, je me suis appuyé sur la volonté du président de la République d'atteindre un objectif de zéro artificialisation nette. Etant élu d'une métropole (ndlr-Toulouse) de plus en plus dense, je vois bien l'urgence de limiter l'étalement urbain. Il faut arrêter de construire à 10,20 ou 30 kilomètres des centres, cela ramène toujours plus de véhicules sur les routes. Je ne peux que constater les immeubles sur lesquels il serait possible de surélever et de rajouter un ou deux étages, je vois cela comme un foncier gâché.Nous pourrions pourtant convaincre les copropriétés d'y avoir recours, lorsque cela est techniquement possible, en leur permettant de réinvestir l'argent issu du droit de surélévation pour financer des travaux de rénovation énergétique. Je ne dis pas qu'il sera facile de massifier la surélévation, mais ce sujet doit être systématiquement mis sur la table, afin de savoir quel nombre de mètres carrés nous pourrions récupérer avant de chercher de nouveaux terrains.
B: Le foncier est souvent une patate chaude que se transmettent collectivités et promoteurs pour justifier la hausse des prix du logement. Comment avez-vous arbitré ce conflit ?
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J-L.L: Sur mes 50 propositions, 25 sont à destination des collectivités locales afin de les aider à avoir plus d'outils, et rassurer les maires sur leur compétence à instruire des dossiers de cession de foncier public. En contrepartie, ils doivent revenir sur certaines de leurs habitudes, qui consistent à céder au plus offrant, notamment pour limiter les risques de recours. Il existe pourtant d'autres procédures pour revendre un terrain que d'organiser une enchère. C'est pour cela que j'insiste sur la nécessité d'accompagner les élus, notamment avec des experts privés pour estimer la valeur de leur terrain, mais aussi sur l'organisation de concours à prix fixe ou la vente de gré à gré. L'idée est de dire aux potentiels acquéreurs: "battez-vous sur un autre front, celui de l'architecture". Cela ne pourra que modérer la pression sur les prix de sortie des logements.