TRANSITION. Les négociateurs des États-membres et du Parlement européen viennent de passer un accord sur l'"efficacité énergétique" qui prévoit de diminuer d'au moins 12% la consommation d'énergie finale de l'Union européenne en 2030. Une décision qui aura de nombreux impacts, comme sur les rénovations de bâtiments ou les réseaux urbains de chauffage et de refroidissement.

L'Europe veut aller encore plus loin en matière de transition énergétique et de décarbonation. Ce vendredi 10 mars, les négociateurs des États-membres (rassemblés au sein du Conseil européen) et du Parlement européen viennent de trouver un accord sur l'"efficacité énergétique" qui prévoit de baisser d'au moins 11,7% la consommation d'énergie finale de l'Union européenne en 2030.

 

 

Le texte a été proposé par la Commission européenne en juillet 2021 dans le cadre du "Pacte vert" ambitionnant de réduire de 55% ("Fit for 55") les émissions de gaz à effet de serre (GES) du Vieux Continent d'ici 2030 en comparaison à leur niveau de 1990, et avec en ligne de mire la neutralité carbone en 2050. Il fait aussi suite au plan "RePower EU" de transition énergétique adopté après le déclenchement du conflit russo-ukrainien.

 

Pour l'heure, Bruxelles ne fixe que des cibles "indicatives" pour chaque pays, mais "un mécanisme rigoureux de suivi et d'application sera établi pour s'assurer que les États-membres respectent leurs contributions nationales à cet objectif européen contraignant", indique un communiqué du Parlement européen relayé par l'AFP. Cette nouvelle décision aura de nombreuses déclinaisons dans tous les secteurs d'activité, des rénovations de bâtiments aux industries plus vertueuses en passant par des transports décarbonés.

 

Efficacité énergétique "systémique"

 

"Nous avons maintenant besoin que l'efficacité énergétique devienne un élément encore plus systémique de notre société, et cette directive révisée nous y aide", a réagi le vice-président exécutif pour le "Green Deal" européen, Frans Timmermans. L'exigence retenue a été relevée par rapport à la proposition initiale de la Commission, qui était de 9%, mais elle reste inférieure aux 14,5% de diminution réclamée par les parlementaires européens afin de tenir compte de la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine et de baisser la dépendance aux importations d'hydrocarbures.

 

"Pour la première fois, nous avons un objectif contraignant de consommation d'énergie. C'est une grande victoire, un accord bon pour le climat et mauvais pour (le président russe Vladimir) Poutine", a salué l'eurodéputé socialiste Niels Fuglsang, rapporteur du texte. De 2024 à 2030 et en moyenne, les Vingt-Sept auront donc l'obligation de réduire d'environ 1,5% chaque année leur consommation finale d'énergie par rapport à la trajectoire qui avait été anticipée dans le précédent scénario de 2020.

 

Leurs efforts devront cependant s'accélérer progressivement pour atteindre des économies d'énergie annuelles de 1,9% à la fin 2030 (contre 0,8% aujourd'hui). "Il s'agit d'un instrument important pour stimuler les économies d'énergie dans les secteurs d'utilisation finale tels que les bâtiments, l'industrie et les transports", confirme un communiqué de la Commission européenne consulté par Batiactu.

 

Rénover chaque année 3% des bâtiments publics

 

Dans le secteur du bâtiment, l'accord européen se traduira par une obligation faite aux États de rénover chaque année 3% minimum de la surface totale des bâtiments publics. Cet objectif s'appliquera au niveau national mais également aux échelons régional et local, dans l'optique d'éliminer efficacement les déperditions d'énergie et les émissions carboniques. Mais contrairement à ce que demandaient les parlementaires, les logements sociaux auront toutefois la possibilité de se soustraire à cet objectif.

 

Le texte prévoit par ailleurs d'améliorer les systèmes de chauffage et de refroidissement dans les villes de plus de 45.000 habitants, avec des "exigences minimales progressivement modifiées pour garantir un approvisionnement en chauffage et refroidissement urbains entièrement décarboné d'ici 2050". Il consacre aussi l'interdiction, après 2030, des subventions pour l'alimentation en gaz des nouvelles infrastructures ou rénovations majeures en lien avec le chauffage urbain.

 

Autrement dit, le soutien aux nouvelles unités de cogénération à haute performance énergétique utilisant du gaz naturel et reliées aux réseaux de chauffage urbain restera possible jusqu'à cette date, "tandis que toute autre utilisation de combustibles fossiles sera interdite pour de nouvelles capacités de production de chaleur dans ces systèmes", détaille la Commission.

 

 

Lutte contre la précarité énergétique

 

Dans le domaine du logement, les financements devraient encore être renforcés pour engendrer davantage d'investissements en faveur de l'efficacité énergétique. Charge aux pays de l'UE de mettre en place des programmes de financements "innovants" ainsi que des offres de "prêts verts" larges et ouvertes à tous, sachant qu'ils devront "rendre compte du volume des investissements dans l'efficacité énergétique".

 

La directive révisée innove elle aussi en intégrant "la toute première définition européenne de la précarité énergétique". Partant de là, les Vingt-Sept devront "mettre en oeuvre des mesures d'amélioration de l'efficacité énergétique en priorité auprès des personnes touchées par la précarité énergétique, des usagers vulnérables, des ménages à faibles revenus et, le cas échéant, des personnes vivant dans des logements sociaux", annonce le communiqué de la Commission.

 

L'accent devrait être mis sur la lutte contre la précarité énergétique mais aussi sur "l'autonomisation" des particuliers, ce qui passera par la création de "guichets uniques pour l'assistance technique et financière" et de "mécanismes extrajudiciaires de règlement des différends".

 

Un "système de gestion de l'énergie" pour les entreprises

 

Les pouvoirs publics devront montrer l'exemple en baissant de 1,9% leur consommation énergétique chaque année, les collectivités les plus petites bénéficiant d'un délai plus long. "Les organismes publics devront systématiquement tenir compte des exigences en matière d'efficacité énergétique dans leurs marchés publics de produits, services, bâtiments et travaux", précise Bruxelles.

 

Les centres de données informatiques, particulièrement gourmands en électricité, seront en outre soumis à des critères de performance énergétique et la chaleur qu'ils dégagent pourrait être utilisée pour le chauffage d'autres bâtiments. D'une manière générale, les entreprises seront "encouragées" à investir davantage dans l'efficacité énergétique.

 

Celles considérées comme énergivores, c'est-à-dire consommant plus de 85 térajoules (TJ) par an, "y compris les PME (petites et moyennes entreprises)", devront pour leur part s'équiper d'un "système de gestion de l'énergie" ou accepter, à défaut, de faire l'objet d'un audit énergétique si leur consommation annuelle dépasse les 10 TJ.

 

"L'efficacité énergétique est essentielle pour parvenir à la décarbonisation complète de l'économie de l'UE et à l'indépendance vis-à-vis des combustibles fossiles russes. Elle peut également être un important moteur de compétitivité et renforcer la sécurité d'approvisionnement", a assuré Kadri Simson, la commissaire européenne à l'énergie. L'accord est néanmoins loin de faire l'unanimité.

 

Il est notamment jugé "décevant" par la coordination d'ONG (organisations non gouvernementales) environnementales CAN, qui plaidait pour sa part pour une baisse de 20% d'ici 2030 et pour des objectifs contraignants assignés à chaque pays. Un effort "nécessaire pour respecter les obligations de l'Accord de Paris" sur le climat, selon l'organisation. "Les responsables politiques n'ont pas réussi à adopter une position significative pour réduire la dépendance aux combustibles fossiles" selon elle, espérant désormais des feuilles de route nationales "plus ambitieuses" que la décision européenne.

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