SOLUTIONS TECHNIQUES. Il est relativement simple d'abaisser la consommation de rafraîchissement des grandes surfaces et entrepôts logistiques en changeant simplement la couleur des toitures. Pour autant, pas question de simplement badigeonner les terrasses à l'aide d'une peinture blanche non adaptée. Plusieurs sociétés françaises proposent des solutions à l'efficacité démontrée. Zoom.
Les villes de Grèce ou d'Afrique du nord sont blanches. Pourquoi ? Pour réfléchir une partie du rayonnement solaire, intense dans ces régions, et abaisser ainsi la température au cœur des bâtiments. Du bon sens qui s'est perdu avec la modernité : les immenses toitures terrasses revêtues de bitume des entrepôts logistiques et des supermarchés, sont noires et imposent de fortement climatiser les espaces situés en-dessous. Un non-sens économique et environnemental que tentent de réparer plusieurs sociétés comme Cool Roof et Soprema, avec des revêtements blancs spécifiquement formulés.
Une robe immaculée où la moindre tâche est pénalisante
Rémi Perrin, directeur de la R&D du groupe Soprema, nous explique : "Il s'agit de matériaux d'étanchéité de toiture terrasse, plate, où la membrane bitumineuse dispose d'une finition de surface. Le système mis en œuvre est bicouche et amène une grande fiabilité et durabilité". Le Soprastar Flam se présente sous la forme de rouleaux à installer, comme leur nom l'indique, "à la flamme". Chez Cool Roof, la solution repose sur une résine à deux couches : une base aqueuse qui s'applique de façon mécanisée (pulvérisation au pistolet) ou à la main (rouleau et pinceau) puis un topcoat semi-brillant, qui vient protéger l'ensemble. Les produits doivent en effet présenter une bonne couvrance, des capacités radiatives dans le spectre visible et le proche infrarouge, une résistance aux rayons ultraviolets qui ont tendance à faire vieillir (ou jaunir) rapidement les matériaux ainsi qu'une durée de vie de plusieurs années malgré l'exposition quotidienne à la pollution atmosphérique, aux intempéries et aux agents biologiques (pollens, mousses, champignons). Impossible donc d'utiliser des peintures classiques sur les toitures : elles auraient tendance à s'abîmer, à s'écailler rapidement (en moins de 2 ans) et à s'encrasser aux premières pluies chargées de particules polluantes. Un phénomène qui nuirait instantanément à la capacité de réfléchir la chaleur solaire… Rémi Perrin reprend : "Il existe plusieurs indices qui doivent être élevés : l'indice de réflectivité pour le spectre visible, l'indice d'émissivité pour le proche infrarouge, et l'indice de réflectance solaire, qui résulte de la combinaison des deux premières propriétés".
Le point important sera de maintenir ces performances dans le temps. Soprema précise avoir développé le Soprastar Flam voilà une dizaine d'années pour le marché nord-américain où certains états imposent d'en couvrir les toitures industrielles. Et les caractéristiques sont stables : "Le revêtement s'auto-nettoie : il s'encrasse très peu et il est lessivable avec les pluies. Nous imposons une pente minimale de toiture de 2 % pour éviter que l'eau ne stagne et que les poussières ne se déposent". D'autres précautions sont-elles à prendre ? Rémi Perrin avertit : "Il faut faire attention lors de la pose au chalumeau d'éviter des bavures du bitume, et prendre quelques précautions pour faire un travail propre". Mais ces solutions sont-elles destinées uniquement au neuf ou également à la rénovation ? Cool Roof a été conçue comme une solution indépendante, applicable sur divers types de toitures (membranes bitumineuses mais également béton, tuiles, métal ou bois), la Soprastar Flam peut également être ajoutée à une étanchéité existante. "Elle permet même de réamorcer la garantie décennale puisqu'elle est appliquée par un étancheur professionnel, alors que l'application d'une peinture blanche lambda la fera tomber au contraire", assure le directeur de la R&D.
Moins de dépenses de clim', plus de rentabilité photovoltaïque
Quels sont les résultats obtenus ? Le revêtement Cool Roof a été déployé sur la toiture d'un centre commercial E. Leclerc breton, à Quimper, sur 7.000 m². La température mesurée en sous-face a été abaissée d'au-moins 6 °C après sa mise en place. Frédéric Lachèvre, le gestionnaire de la grande surface annonce avoir réalisé des économies d'énergie de l'ordre de 20.000 € par an : "En 2014, la toiture bitumineuse avait 15 ans. Les micro-fuites se multipliaient. Je n'avais pas vraiment le budget pour faire la toiture à neuf aux normes RT2012 : avec la reprise de la charpente, les devis montaient à 300 k€, ce qui correspond à peu près au budget énergie du bâtiment". De retour des Etats-Unis, il décide de développer une peinture à base de nanoparticules céramiques blanches capable de protéger le bâtiment de la chaleur et de combler les microfissures. Moyennant un investissement de 140 k€ pour recouvrir l'intégralité de sa toiture, il estime le temps de retour de l'opération à seulement 5 ans. D'autant que les solutions qui abaissent les températures de la couverture ont une autre vertu : celle d'allonger la durée de vie des produits de toiture, dans des proportions non négligeables. Soprema avance qu'une différence de +10 °C à la surface multiplie par deux le phénomène de vieillissement ! Pour l'industriel alsacien, le surcoût par rapport à une solution d'étanchéité classique serait de +7 à +10 €/m², selon la taille et la complexité du chantier.
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Les économies d'énergie à espérer pour la climatisation seraient de l'ordre de 10 % en zone méditerranéenne, et de 20 à 25 % en zone tropicale (DOM), tout en améliorant le confort d'été à l'intérieur des édifices. En combinant ces technologies avec du photovoltaïque, il sera même possible de maximiser les effets : l'énergie rayonnée par les revêtements blancs améliorera le rendement des modules tout en abaissant la température des installations solaires. Soprema comme Cool Roof proposent des contrats de maintenance afin de maintenir l'efficacité des toitures blanches dans le temps, dans l'optique de garanties de performances. Pour l'heure, ce type de solution n'est pas encore généralisé dans l'Hexagone : Soprema annonce traiter entre 10.000 et 20.000 m² de surfaces par an. Remi Perrin conclut : "Nous sommes arrivé sur le marché français dès 2011 mais ça a été un coup d'épée dans l'eau. Depuis 2-3 ans toutefois, avec la multiplication des pics de chaleur, il y a une vraie prise de conscience de la lutte contre les îlots de chaleur". Le bon sens devrait donc prévaloir et faire que les patinoires, entrepôts frigorifiques et hypermarchés se parent de blanc.