BIODIVERSITÉ. La Nature est en train de regagner du terrain en ville. Paris, en pointe sur le sujet, impose de végétaliser les toitures afin de lutter contre le phénomène des îlots de chaleur. Aurélie Devant, responsable marketing & commercial chez Sopranature (groupe Soprema), nous éclaire sur tous les avantages apportés par cette mesure.
La végétalisation des toitures s'est longtemps limitée à un excès de sédum, cette variété vivace mais finalement assez peu esthétique. Mais les choses changent et les toitures terrasses inaccessibles vont peu à peu se couvrir de véritables écosystèmes suspendus. La loi sur la biodiversité, votée en août 2016 et appliquée en mars 2017, impose pour tout bâtiment commercial dont la surface est supérieure à 1.000 m² d'installer du photovoltaïque ou de la végétalisation sur la toiture. Aurélie Devant, responsable marketing & commercial pour Sopranature, nous éclaire : "Le sédum a plusieurs caractéristiques de résistance aux variations thermiques et au manque d'eau qui font qu'il est intéressant". Cette espèce végétale, qui ne demande donc pas d'entretien particulier, a été choisie, en particulier pour les régions de la moitié nord du pays, où aucune irrigation n'est obligatoire. Une situation qui pourrait changer rapidement : "L'année 2018 a été une succession d'événements climatiques exceptionnels avec en février le Moscou-Paris glacial, puis des inondations au printemps et une canicule doublée d'une sécheresse en été", analyse-t-elle. L'irrigation des plants en toiture devrait donc progresser vers le nord et modifier les habitudes de végétalisation.
Protéger l'étanchéité, favoriser la biodiversité…
Les solutions classiques, d'une épaisseur de 8 centimètres environ, devraient s'épaissir et finir par former des protections lourdes. "La végétalisation double la vie d'une étanchéité", assure la spécialiste. Avec 12 à 15 cm de substrat, il devient possible de faire pousser des plantes vivaces ou des bulbes, comme la ciboulette et l'iris. "Si on augmente encore, jusqu'à 20 cm, alors on peut choisir des plantes semi-ligneuses, arbustives, comme le romarin", poursuit-elle. De quoi obtenir de véritables "jardins" et favoriser l'accueil d'une plus grande biodiversité grâce à cette palette élargie. Les toitures peuvent ainsi devenir des espaces urbains préservés, favorisés dans le cadre des trames vertes des PLU. En dehors du seul côté esthétique, les plantes attirent des insectes, papillons, bourdons et autres coléoptères.
… absorber les pluies, abaisser les températures
"La végétalisation apporte une valeur patrimoniale au bâtiment", renchérit Aurélie Devant. "Si la toiture est visible des occupants, la plus-value est estimée à +7 %". L'intérêt est donc certain pour les investisseurs immobiliers et exploitants. Côté énergies renouvelables, la cohabitation entre capteurs solaires et plantations est, elle aussi, souhaitable : "La productivité du photovoltaïque est favorisée par la végétalisation, car un air plus frais autour du panneau permet un meilleur rendement". En alternant un rang de chaque, végétal et panneaux solaires, il est donc possible de tirer le meilleur parti des deux mondes. Par rapport à la pluie, la responsable de Sopranature, argumente : "Les végétaux absorbent l'impact des gouttes, induisant un gain en termes de confort acoustique, puis ils jouent un rôle d'absorption de l'eau, participant à l'abattement des faibles pluies". D'autant plus que des systèmes améliorant la rétention d'eau ont été développés. Des alvéoles, situées en sous-face, retiennent les précipitations et diffèrent dans le temps les rejets vers l'évacuation, qui se trouvent donc moins saturées. Un phénomène qui intéresse grandement les villes, aux vastes surfaces artificialisées incapables de gérer des épisodes orageux intenses. L'eau ainsi captée pourra même amorcer un phénomène de rafraîchissement urbain grâce à l'évapotranspiration des plantes.
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Toutes les toitures sont-elles aptes à recevoir des plantations ? "Une végétalisation s'installe sur une étanchéité anti-racine et conforme aux règles constructives en vigueur. Elle sera adaptée selon la portance du bâtiment", détaille Aurélie Devant. Le poids des systèmes oscille ainsi entre 80 kg/m² pour les plus basiques et 450 kg/m² pour de l'agriculture urbaine en toiture. Les structures en béton à faible pente (entre 0 et 5 %) sont particulièrement aptes à recevoir de telles solutions mais les industriels ont mis au point des produits spécifiques pour les bacs acier ou les structures en bois. "Tout est possible, dans la mesure où on connaît la capacité portante". Mais comment faire pour sortir du tout sédum ? "Aujourd'hui, les personnes qui végétalisent les toitures sont habituées à en mettre. Mais, depuis 3 ou 4 ans, il y a un intérêt pour plus de variétés et la palette s'élargit. Il y a une vraie volonté d'intégrer des plantes locales, autochtones, indigènes". Sur l'existant, la pose de plantations pourra, par exemple, être réalisée à l'occasion de la rénovation de l'étanchéité. Quant au budget à prévoir, il s'avère extrêmement variable, selon l'épaisseur, le type de plante ou l'adoption de systèmes d'irrigation et/ou de rétention… Aurélie Devant rappelle également que l'entretien des toitures nécessitera entre 2 et 5 passages par an. Le minimum pour conserver de belles pousses bien vertes.