ENR. Des élus locaux, initialement favorables au projet de parc éolien offshore dans la baie de Saint-Brieuc, partagent de plus en plus les inquiétudes des pêcheurs quant au projet.
Officiellement lancé il y a un peu plus d'un an, le chantier du parc éolien en mer au large de Saint-Brieuc doit voir ses travaux commencer au printemps 2021, pour une mise en service annoncée en 2023. S'il est bien avancé, le projet ne cesse pourtant pas de susciter de vives inquiétudes localement.
En cause : l'emplacement du parc, entre deux zones Natura 2000, et au milieu d'une baie qui constitue le "plus gros gisement français de coquilles Saint-Jacques", explique le député LR Marc Le Fur, interrogé par l'AFP. Il est par ailleurs proche "du secteur où la reproduction est la plus forte", complète Alain Coudray, président du comité départemental des pêches. S'étendant initialement sur 103km2, la zone d'implantation a été réduite à 75km2, note Ailes Marines, le groupement porteur du projet, mené par l'énergéticien espagnol Iberdrola. Si celui-ci assure avoir "évité le gisement principal" de coquilles, le député Marc Le Fur reproche au projet d'avoir tout de même bénéficié de plus de 50 dérogations environnementales.
Des élus plus dubitatifs
La position de plusieurs élus locaux a évolué sur ce parc éolien au fil du temps. "Quand on creuse, on change d'avis", affirme ainsi le député, qui voit venir "une triple catastrophe : économique, écologique et touristique". Jusqu'à récemment, Thierry Simelière, le maire UDI de Saint-Quay-Portrieux, port coquiller de la baie, se dit lui aussi "de plus en plus dubitatif". D'autant que l'on avait promis aux élus "un modèle économique, mais sur la baie en termes d'emplois, il n'y a rien", interpelle celui qui est en charge de la politique de la mer à l'agglomération de Saint-Brieuc.
Ce parc, d'une puissance de 496MW, sera composé de 62 éoliennes de plus de 200m de haut, et à 30 à 42m sous l'eau. Il doit permettre de produire "l'équivalent de la consommation électrique de 835.000 habitants, chauffage compris, soit 9% de la consommation électrique totale de la Bretagne", selon son promoteur.
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155€ le MWh
Faisant partie de la première vague d'appels d'offres attribués par l'Etat, en 2012, ce parc est aussi "extrêmement coûteux", selon Marc Le Fur, représentant un investissement de 2,4Mds€. "C'est le plus cher d'Europe, voire du monde", insiste-t-il. L'énergie sera achetée par l'État 155€ le MWh, quand "les pouvoirs publics estiment le prix du marché aux environs de 50€ le MWh", et ce, sur 20 ans.
Ailes Marines explique ce tarif par la nature du site, "l'un des plus complexes au monde, du fait de la nature des fonds marins et des conditions de mer". Quant à la prise en charge du raccordement entre les éoliennes et la terre par RTE, dénoncée par les détracteurs du projet, elle a été décidée par le gouvernement pour les parcs éoliens en mer, précise le constructeur.
Des négociations en 2018 pour baisser le tarif de rachat
Rappelons que le prix de rachat de l'électricité pour les premiers parcs éoliens attribués n'en est d'ailleurs pas à sa première polémique. Au moment de ces appels d'offres, l'Etat avait accepté de racheter l'électricité à des tarifs majorés, autour de 200€/MWh, afin de favoriser la création d'une filière française.
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Mais au fur et à mesure des développements de parcs en Europe et des avancées technologiques, ces tarifs sont devenus nettement supérieurs à la réalité du marché. Si bien qu'en 2018, l'Etat a entamé des négociations pour revoir ces prix à la baisse, non sans heurt. Ce qui a permis de les faire baisser en moyenne de 30% sur les parcs de première génération.
Des actions plus fortes envisagées
Le président de la région Bretagne, Loïg Chesnais-Girard (PS), s'est cependant voulu rassurant : "ma responsabilité, c'est que les accords passés soient tenus et d'apporter des garanties aux pêcheurs". Et d'assurer qu'une "centaine d'emplois" pour la maintenance seront créés en Côtes-d'Armor, que les communes bénéficieront de "retombées fiscales", et que des "indemnisations pour les pêcheurs", sont prévues. Il reconnaît toutefois que "Ailes Marine a changé trois fois de technologies" et joue maintenant "la montre".
De leur côté, les pêcheurs qui ont manifesté en mer lors des premiers travaux de RTE liés au raccordement, demandent toujours la suspension du projet. Des recours sont encore examinés au niveau européen et au Conseil d'Etat, et les associations ne s'interdisent pas d'organiser des actions plus fortes. "Nous avons été très gentils jusqu'ici, nous allons l'être un peu moins et monter crescendo", prévient ainsi Alain Coudray.