ANNONCES. Dans une lettre adressée à tous les étudiants en architecture, la ministre de la Culture répond aux revendications portées ces derniers mois par des collectifs dénonçant un enseignement de l'architecture "au bord de la rupture".
Tout a commencé à l'Ensa (Ecole nationale supérieure d'architecture) de Rouen. Mi-janvier, les cours n'avaient pas pu reprendre normalement, suite à la mobilisation d'une partie des étudiants et des personnels contre une situation de pénurie de moyens humains, à la fois structurelle, et conjoncturelle.
Progressivement, la totalité des 20 Ecoles avait suivi le mouvement pour réclamer des moyens supplémentaires, étudiants et personnels alertant notamment sur le fait que "l'Etat consacre moins de moyens à un étudiant en architecture qu'à un étudiant à l'université". Une affirmation issue d'un rapport de l'administration et répétée par les directeurs d'Ensa devant les sénateurs, mais démentie par le cabinet de la ministre de la Culture et la haute administration, dans un point à la presse qui s'est tenu fin mars.
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Le 14 avril, le collectif "Ensa en lutte" organisait une journée nationale de grève dans les écoles, et réclamait d'être reçu en tant que collectif. Des cahiers de doléances sont en cours d'élaboration pour faire remonter les revendications d'un monde qui exprime un malaise profond au sujet de ses moyens d'études, mais aussi sur les violences et discriminations (des scandales ayant secoué certaines Ensa ces dernières années), ou encore celui de "rendre les écoles aptes à répondre aux enjeux contemporains".
"J'ai entendu vos préoccupations"
C'est à ces revendications, ainsi qu'aux demandes des directions d'établissements, qu'elle a reçues début avril avant d'écouter les étudiants, que la ministre Rima Abdul Malak s'attache à répondre, dans une lettre aux quelque 20.000 étudiants envoyée ce 21 avril et disponible en ligne. Elle rappelle d'abord s'être "fortement mobilisée dès sa nomination" en faveur des Ensa, avec l'obtention d'un budget en hausse de 20% pour 2023. Un effort financier venu s'ajouter aux 57 millions d'euros du plan de relance prévus pour la rénovation des bâtiments, mais qui "n'a pas encore répondu à l'ensemble des difficultés des écoles", convient la ministre.
Elle rappelle également que la rémunération des enseignants contractuels a été augmentée "de 113 euros mensuels net minimum" au 1er janvier, et que celle des enseignants titulaires et des doctorants sera alignée, à la rentrée 2023, sur leurs homologues des universités. Par ailleurs 5.000 élèves boursiers toucheront "au moins 37 euros supplémentaires par mois dès la rentrée 2023".
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Aides immédiates aux étudiants en difficulté et formation contre les violences sexuelles
Viennent ensuite les annonces. Afin de lutter contre la précarité étudiante, Rima Abdul Malak indique avoir débloqué "en urgence" une aide immédiate de 3 millions d'euros consacrée à la vie étudiante. Sont particulièrement visés "les projets pédagogiques", dont les coûts en architecture peuvent être élevées et qui sont "facteurs d'inégalités". Les services de santé étudiante seront, dès la rentrée prochaine, "ouverts à l'ensemble des écoles", fait également savoir la ministre.
Afin de lutter contre les violences et harcèlements sexuels et sexistes dans les écoles, elle annonce rendre obligatoire et systématique la formation VHSS des enseignants et des personnels "dès la rentrée prochaine".
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Priorisation des travaux et "nouveaux moyens humains"
Concernant l'amélioration des bâtiments, elle indique avoir demandé à la direction de l'architecture de "prioriser les travaux sur les situations les plus urgentes" comme à Grenoble, ou un toit est percé, ou comme à la Villette où un nouveau lieu est en recherche active pour relocaliser l'école.
En outre, Rima Abdul Malak se félicite d'avoir obtenu, "dans des délais exceptionnels", la création de dix postes administratifs pour les écoles. Ceux-ci viennent s'ajouter aux cinq postes créés en 2023 et aux dix de 2022. Additionnés, ces 25 postes représentent donc "plus d'un nouveau temps plein par école".
Relance de la Stratégie nationale pour l'architecture
La ministre répond, enfin, à la revendication portée par les étudiants d'adapter l'enseignement de l'architecture aux enjeux actuels. Pour "mettre au cœur des écoles la transition écologique", elle confie à la directrice de l'architecture de son ministère, Hélène Fernandez, récemment nommée, la tâche de mener "une vaste concertation avec l'ensemble des communautés des Ensa" en vue de relancer la Stratégie nationale pour l'architecture de 2015 et de "mieux prendre en compte ces enjeux".
Contactée par Batiactu, la présidente de l'Ordre des architectes, Christine Leconte, estime que la ministre "ouvre une porte et le dialogue avec les étudiants. C'était un signal fortement attendu par l'ensemble de la communauté". "Elle propose une feuille de route pour l'ensemble des parties prenantes des écoles d'architecture à travers la reprise de la stratégie nationale pour l'architecture. C'est important car aujourd'hui le malaise touche toutes les parties prenantes : enseignants, administratifs, étudiants".
"Il faut que ce soit le début d'un processus sur le long terme car le déficit (de moyens notamment) accumulé dans les écoles depuis de nombreuses années est conséquent et la place de l'architecture dans la société face aux enjeux écologiques et sociaux est une question majeure pour l'avenir des jeunes étudiants et architectes. Nous sommes à un moment clé qu'il ne faut pas manquer ! il faut saisir cette opportunité pour réaffirmer la place de l'architecture dans le débat et les politiques publiques", ajoute Christine Leconte.