ANALYSE. En 2023 et pour la 2e année consécutive, un nombre record de 250.000 entreprises artisanales ont été créées. Ce chiffre cache cependant des disparités sectorielles et géographiques, d'autant que les premiers signes d'inquiétude sur les ventes et cessions de fonds apparaissent.

En 2023 et pour la 2e année consécutive, il ne s'est jamais créé autant d'entreprises artisanales en France. Dans son bilan 2023 des créations et transmissions de sociétés du secteur de l'artisanat, le baromètre de l'Institut supérieur des métiers (ISM) et de l'assureur Maaf confirme donc le record historique de l'année 2022.

 

 

Avec 250.660 entreprises artisanales qui ont vu le jour l'année dernière, c'est donc 1 création d'entreprise sur 4 qui relève ainsi de l'artisanat. Ce chiffre cache cependant des disparités sectorielles et géographiques, d'autant que les premiers signes d'inquiétude sur les ventes et cessions de fonds apparaissent.

 

Les ouvertures de sociétés marquent le pas dans le BTP

 

Pour l'heure, l'entrepreneuriat artisanal semble toujours aussi attractif, puisque les ouvertures de sociétés ont bondi de 23% depuis 2019, considérée comme la dernière année de référence avant la crise du Covid.

 

Pour Marielle Vo-Van Liger, directrice marketing et communication chez Maaf, "ce nouveau baromètre 2023 confirme la place centrale de l'artisanat dans la dynamique de la création d'entreprise en France", malgré des "disparités fortes d'un secteur à l'autre, témoins des tensions économiques qui viennent percuter des secteurs comme le BTP notamment".

 

Bâtiment et travaux publics font effectivement partie des secteurs d'activité qui marquent le pas. En 2023, les créations d'entreprises artisanales y sont en recul de 8% sur un an, en raison de la chute de la construction neuve et de la crise de l'immobilier.

 

De nombreuses activités du bâtiment concentrent les créations d'entreprises

 

L'année dernière, 86.080 sociétés ont ainsi vu le jour, un chiffre toutefois en progression de 3% par rapport à 2019. On notera que les travaux de finition arrivent à résister à cette conjoncture morose.

 

Certains segments d'activité parviennent malgré tout à concentrer des créations d'entreprises. C'est notamment et paradoxalement le cas dans le BTP.

 

L'an dernier, il s'est respectivement créé 13.030, 12.650 et 8.390 sociétés dans les travaux d'installations électriques, la maçonnerie générale et les travaux de peinture ; des évolutions qui sont pourtant toutes dans le rouge (-7%, -12%, -9%). Idem pour les travaux d'installations d'eau et de gaz (6.160, -10%) et de menuiserie (5.830, -17%).

 

Césure entre les régions rurales et les grandes villes

 

 

Plus largement, le phénomène a tendance à couper la France métropolitaine en deux. La cartographie réalisée par l'ISM et Maaf révèle un déclin des ouvertures dans l'Ouest et le Sud - à l'exception de l'Occitanie et de la Corse - mais un gain dans le Nord et l'Est.

 

"Ces évolutions territoriales sont à mettre en relation avec les situations que nous observons dans les secteurs", analyse Catherine Élie, directrice des études de l'institut.

 

"Certaines régions, et en particulier certains départements, dépendent fortement de secteurs, comme les taxis/VTC à Paris et en Île-de-France. Par ailleurs, les baisses que nous observons cette année restent à relativiser car elles interviennent bien souvent après plusieurs années de hausse."

 

"On observe une bonne dynamique entrepreneuriale dans les communes où une partie importante de la population réside en quartier prioritaire de la ville"

 

En effet, les créations s'avèrent atteindre un niveau bien supérieur dans l'ensemble des régions depuis 2019. Elles ont néanmoins accusé un repli en 2023, aussi bien en milieu rural que dans les petites, moyennes et grandes villes.

 

Seule la métropole parisienne échappe à cette tendance. "On observe également une bonne dynamique entrepreneuriale dans les communes où une partie importante de la population réside en quartier prioritaire de la ville (QPV)", complète Catherine Elie.

 

Frilosité des vendeurs et des repreneurs

 

Les observateurs constatent également une diminution des ventes et cessions de fonds de commerces artisanaux. En 2023, 8.210 fonds de commerces ont ainsi changé de mains. Cela fait toutefois suite à deux années de fortes hausses, et sachant que tous les secteurs sont concernés par la baisse des cessions de fonds.

 

Le secteur de la construction enregistre l'une des reculades les plus importantes, avec -14%. D'après le baromètre, "le contexte économique particulièrement tendu et la hausse des taux d'intérêt bancaires peuvent avoir entraîné une importante frilosité du côté des vendeurs, repreneurs potentiels et établissements bancaires".

 

Un montant médian des cessions au plus haut

 

Le montant médian des cessions s'est élevé à 80.000 € en 2023, un plus haut à comparer aux 70.000 € en 2019. Une situation qui s'explique par le fait que le prix de cession des fonds augmente avec l'ancienneté des entreprises, et que, dans le même temps, les deux tiers des entreprises cédées ont plus de 10 ans.

 

Cette tendance baissière s'observe dans presque toutes les régions de la métropole, les seules exceptions étant les Hauts-de-France (+9%) et le Centre - Val de Loire (+5%). Dans l'Ouest, la chute est de plus de 10%.

 

"Si les cessions des fonds sont à la baisse, cela témoigne aussi d'une forme de frilosité qui gagne les potentiels vendeurs et repreneurs face à une conjoncture tendue. Nous resterons attentifs en 2024 à l'évolution de ces indicateurs, à l'aune des bouleversements politiques qui touchent notre pays", conclut Catherine Elie.

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