ENTREPRISES. Sollicitées par le président de la République pendant la crise des Gilets jaunes afin de contribuer elles aussi à la revalorisation du pouvoir d'achat, nombre d'entreprises ont annoncé qu'elles verseraient une "prime exceptionnelle" à leurs salariés. Quelle est la position des entreprises du BTP sur ce sujet ?

"Je demanderai à tous les employeurs qui le peuvent de verser une prime de fin d'année. Cette prime n'aura à acquitter ni impôt ni charge." C'est avec ces mots qu'Emmanuel Macron a demandé, le 10 décembre 2018, aux entreprises françaises de contribuer à la revalorisation du pouvoir d'achat, une problématique mise en exergue depuis le début de la révolte sociale des Gilets jaunes. Si le Gouvernement a annoncé une salve de mesures pour tenter d'endiguer la contestation et d'améliorer le reste à vivre des Français, l'exécutif ne veut pas pour autant être le seul à se mobiliser sur le sujet.

 

 


 

Les salaires supérieurs à 3.600 € nets mensuels écartés du dispositif

 

L'appel du pied aux entreprises, sur la base du volontariat, intervient dans un contexte de remise en question du CICE (Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi), un dispositif fiscal mis en place sous le quinquennat Hollande et censé redynamiser le marché du travail. Amplement critiqué pour les largesses financières qu'il aurait accordé aux entreprises, sans réel effet sur l'emploi, la mesure sera supprimée à partir du 1er janvier 2019. Mais les symboles perdurent : si la puissance publique met la main à la pâte, il n'y a aucune raison que les entreprises n'en fassent pas autant. Les conditions de cette prime exceptionnelle ont néanmoins été encadrées : le versement de cette prime exceptionnelle doit intervenir d'ici le 31 mars 2019, et ne concernera que les salariés touchant un revenu net mensuel inférieur à 3.600 €. De plus, seules les primes d'un montant inférieur à 1.000 € seront exonérées de charges et d'impôts. Dès lors que le montant sera supérieur à 1.000 €, les primes redeviendront fiscalisables et socialisables.

 

La profession d'accord sur le principe, mais vigilante sur le portefeuille

 

Après ces annonces du président de la République, confirmées par le Premier ministre Edouard Philippe, un certain nombre d'entreprises se sont déclarées prêtes à jouer le jeu. D'après une estimation de nos confrères de Radio Classique, ce sont près de 600.000 salariés qui pourraient ainsi percevoir une prime exceptionnelle. Malgré tout, le sujet demeure flou pour les PME. Et qu'en est-il du BTP ? Le président de la Fédération française du bâtiment (FFB), Jacques Chanut, préfère rester prudent, invoquant les difficultés de trésorerie et les dégradations des marges des entreprises : "2018 ne sera pas une bonne année. On n'a pas besoin de recommandation du Gouvernement : si nos entreprises ont les moyens de verser une prime exceptionnelle, elles le feront. Mais leur fragilité en fonds propres reste préoccupante, et nous craignons que cela crée beaucoup de frustration pour les entreprises qui ne seront pas en mesure de le faire. Ce n'est peut-être pas une si bonne idée."

 

Même son de cloche du côté de la Confédération des artisans et des petites entreprises du bâtiment : "On est nombreux dans le bâtiment à donner des primes à nos salariés en juillet et en décembre, sauf que cette prime n'est pas défiscalisée car elle ne rentre pas dans le cadre", explique Patrick Liébus, président de la Capeb. "C'est compliqué de redonner ce que l'on donne déjà. Du coup, on fera, si on peut. Beaucoup de nos employés ont compris que la prime serait de 1.000 euros ; on nous a déjà demandé si l'entreprise allait payer la différence entre celle déjà donnée et celle à quatre chiffres annoncée la semaine dernière. On va essayer de répondre aux questions qui nous sont posées et surtout on va leur proposer de gagner plus en travaillant plus, sans avoir d'impôts à payer, grâce aux heures supplémentaires défiscalisées."

 

La Confédération des PME (CPME) a elle aussi réagi par voie de communiqué aux annonces d'Emmanuel Macron du 11 décembre dernier : "La prime défiscalisée et nette de charges, à l'initiative de l'employeur, est [...] positive. Il convient toutefois - pour éviter de laisser penser que l'ensemble des salariés en bénéficieront - de bien préciser que le nombre de PME en capacité de distribuer une prime de ce type restera malheureusement limité", avertit toutefois l'organisation.

 

 

Les grands groupes mieux armés que les PME

 

En revanche, les grands groupes, publics comme privés, sont évidemment les mieux armés pour réaliser un tel geste financier. La SNCF a par exemple indiqué que 100.000 de ses cheminots percevront la prime d'ici la fin du mois de décembre. Du côté de la RATP, on précise que "plus de 30.500 salariés", touchant une rémunération annuelle brute inférieure à deux Smic, bénéficieront de ce dispositif. Quant au montant des primes, il oscillera entre 200 et 400 euros à la SNCF et la RATP, mais culminera tout de même jusqu'à près de 1.500 euros chez Total. Engie, pour sa part, versera une prime de 600 euros en janvier 2019. L'énergéticien ciblera ses employés "dont le salaire mensuel brut de base est inférieur à 2.500 euros".

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